La modération judiciaire permet de déroger à une règle de droit normalement applicable, en raison des conséquences manifestement excessives que son application trop stricte provoquerait dans un cas particulier. Le juge peut ainsi substituer, à la solution rigoureusement juridique, une solution plus humaine ou plus équitable. Contestant le syllogisme judiciaire classique, la modération en assure un contrôle a posteriori. Les effets manifestement iniques de la règle justifient qu'elle ne soit pas aplliquée à l'espèce jugée. La rigueur du droit doit être en effet tempérée, parce qu'à l'inverse des sciences exactes, le système juridique n'obéit pas à des lois mécaniques et inhumaines; la justice est cependant un guide imparfait, que le jugement humain ne peut appréhender avec une précision suffisante. La modération judiciaire s'inscrit alors dans une perpective humaniste, où la science juridique, consciente de ses limites, demande à l'idéal la correction de ses excès. La notion existe déjà en droit positif. Les hypothèses bien que variées sont néanmoins peu nombreuses. Reconnue par le législateur ou de manière purement prétorienne, la modération n'est qu'une simple faculté, éparse et incomplète. Cette lacune motive le plaidoyer pour un pouvoir modérateur du juge. Si la méfiance séculaire qu'il inspire le confine au rang d'autorité, le juge est un prudent qui pourrait exercer ce pouvoir d'exception, seulement mis en oeuvre pour les injustices les plus flagrantes. Le pouvoir modérateur ne permet pas de faire le droit, il affine l'hypothèse d'application de la norme dans la dimension particulière du jugement, en excluant du jeu normal de la règle les cas les plus extrêmes. Le risque encouru par l'ordre juridique formel est alors bien mesuré au regard du bénéfice espéré. Moins injuste, plus crédible, le droit tend à limiter la distance qui le sépare de la justice, et cette aspiration au progrès doit être à la fois son fondement et sa finalité.