Julien Talpin

Directeur de recherche
Politique, pouvoir, organisation.
Centre National de la Recherche Scientifique

Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales

Responsabilités administratives et scientifiques :

ActualitésPublicationsENCADREMENT DOCTORAL
  • Yannick Gauthier, En finir avec le mythe de la démocratie participative ? : jeux d'échelles autour de la fabrique des conseils citoyens, un dispositif en train de se (dé)faire (2014-2024), thèse soutenue en 2024 à Université de Lille 2022 en co-direction avec Rémi Lefebvre présidée par Anne-Cécile Douillet, membres du jury : Renaud Epstein (Rapp.), Marion Carrel (Rapp.), Guillaume Gourgues      

    En dépit d’un consensus partagé sur l’échec des politiques de « démocratie participative », les pouvoirs publics reproduisent systématiquement l’« offre publique de participation ». En faisant varier les échelles d’observation autour de la fabrique des conseils citoyens — le dernier dispositif « participatif » de la politique de la Ville en date —, cette thèse de doctorat en science politique explore les logiques de l’inertie de l’action publique en matière de « participation citoyenne » avec les méthodes et les outils de l’enquête qualitative et quantitative. Dans une approche cognitive et psycho-sociale des politiques publiques, ce travail de recherche appréhende la « démocratie participative » comme un « mythe d’action publique » dont la fonction sociale est de réenchanter le champ politique. Face à la « dissonance cognitive » qui conduit inexorablement les individus et les groupes sociaux à reproduire leurs croyances, cette thèse en appelle à la « démythification » de la « démocratie participative » et de la « démocratie représentative » dont elle n’est que le prolongement.

    Gaspard Leveugle, Analyse socio-historique comparative des émeutes de juin-juillet 2023, thèse en cours depuis 2024  

    Le 27 juin 2023, Nahel Merzouk, Nanterrien de 17 ans meurt à la suite d'une blessure par balle tirée par un policier. Cet évenement marque le début d'une vague d'émeutes conséquentes qui se propage sur l'ensemble du territoire français entre le 27 juin et le 05 juillet 2023. Malgré son caractère bref, cette vague d'émeutes fut la plus importante de France, à la fois en nombre de villes touchées mais également en dégâts estimés. Si ces émeutes furent abondamment médiatisées et discutées, elles constituent aujourd'hui encore un événement mal compris dont les réponses politiques semblent incomplètes. Dans cet esprit, ce projet de thèse vise à éclairer les caractéristiques déterminantes dans l'émergence locale d'émeutes pendant la vague de juin-juillet 2023 à travers une analyse comparative et socio-historique de différents cas, afin de mieux appréhender les réponses qui peuvent y être apportées en termes de politiques publiques.

    Héloïse Legris, Institutionnaliser pour décider ? Enquête sur les effets de l'Assemblée citoyenne de la Ville de Paris sur l'action publique, thèse en cours depuis 2024  

    L'Assemblée citoyenne de Paris est une instance délibérative permanente, créée par une délibération du Conseil de Paris en octobre 2021, qui a pour objectif de faire participer les citoyennes et citoyens à la co-construction des politiques publiques de la Ville. Trois vœux politiques issus de son premier mandat d'existence ont été votés au Conseil de Paris en mars 2023 : l'Assemblée produit directement le livrable juridique requis pour le présenter au conseil, qui statue par le vote in fine. Cette Assemblée citoyenne s'insère dans une « vague délibérative » plus ancienne, cherchant à répondre à la crise de la démocratie représentative en proposant une articulation politique peu commune avec la Ville. La thèse cherchera à déterminer comment se réalise la fabrique de la décision entre citoyens, agents, élus et acteurs extérieur, et comment cela suscite des changements au sein de l'administration, qui tient un rôle central de par sa capacité à organiser, mettre en place, animer les différents temps de l'Assemblée citoyenne, et celle d'implémenter les productions finales. La thèse se concentrera sur trois axes de questionnements : l'expérience de la décision au sein de l'Assemblée citoyenne (l'expérience vécue) ; le devenir des vœux et délibérations (suivi et impacts concrets dans l'action publique) ; la comparaison et la diffusion des méthodes parisiennes à l'échelle nationale et internationale. Pour cela, nous utiliserons une méthodologie quantitative (questionnaires) et qualitative (entretiens et observation participante) nourris par la méthode du process-tracing (analyse des mécanismes décisionnels) et une étude comparative avec d'autres assemblées citoyennes.

    Carole Ressy, Travail social et rapports sociaux de race. Enquête au sein des centres sociaux Dans quelle mesure la blanchité des travailleurs sociaux façonnent leur rapport aux publics avec lesquels ils travaillent, et plus largement en quoi ces frontières raciales constituent-elles un frein au travail émancipateur qu'ils tentent d'entreprendre ?, thèse en cours depuis 2022  

    "Dans quelle mesure la blanchité des travailleurs sociaux ( Bénévoles et salariés) façonnent leur rapport aux publics avec lesquels ils travaillent, et plus largement en quoi ces frontières raciales constituent-elles un frein au travail émancipateur qu'ils tentent d'entreprendre ?"

    Antoine Gonthier, Le droit d'interpellation citoyenne. Effets démocratiques, enjeux théoriques et pratiques des débouchés institutionnels proposées aux interpellations citoyennes en France , thèse en cours depuis 2021 en co-direction avec Raul Magni-berton  

    Des collectivités françaises expérimentent depuis quelques années des dispositifs visant à mieux prendre en compte l'interpellation citoyenne en direction des institutions publiques. Un premier objectif de ce projet sera d'affiner le concept de « démocratie d'interpellation » – en détaillant ses deux aspects, l'interpellation citoyenne et sa prise en compte institutionnelle – à partir des représentations des acteurs et des apports de la littérature en science politique. Ensuite, le second et principal objectif sera d'explorer les conditions qui permettent aux protestataires et aux acteurs institutionnels de passer d'une situation conflictuelle à un dialogue permettant d'aboutir à des accords susceptibles d'enrichir l'action publique. Nous explorerons notamment en détail deux leviers possibles d'incitation au dialogue : premièrement le rôle du degré de pouvoir accordé aux citoyens dans le cadre de ces dispositifs, de l'initiative de la mise à l'agenda à la capacité effective de décider ; deuxièmement l'influence des modalités de médiation et d'animation des relations entre protestataires et institutions. Enfin, un troisième objectif s'attachera à mesurer les effets de cette ouverture institutionnelle à l'interpellation sur les acteurs eux-mêmes, notamment sur la confiance réciproque entre élus et protestataires, et plus généralement sur le sentiment de confiance dans l'institution. La ville de Grenoble constitue un terrain idéal pour cette recherche, du fait d'un contexte institutionnel favorable à l'expérimentation et de dynamiques d'interpellations ancrées dans le tissu local. Cette étude de cas grenobloise sera complétée par une enquête plus large au niveau français ainsi que par une investigation complémentaire menée dans la ville de Lausanne en Suisse.

    Thomas Chevallier, Résister à la politique : participation associative et rapport au politique dans les quartiers populaires en France et en Allemagne, thèse soutenue en 2020 à Université de Lille 20182021 en co-direction avec Jean-Gabriel Contamin    

    À partir d'une approche ethnographique conduite sur le temps long dans des groupes associatifs d’un quartier de Lille et d’un quartier de Berlin, cette thèse interroge ce qui favorise ou fait obstacle à la mobilisation politique des habitant.es issus de classes populaires. En étudiant les interactions partenariales avec les institutions, elle montre comment ces dernières promeuvent une participation docile et déconflictualisée. Tenus de se conformer aux exigences de professionnalisme et de convivialité (notamment à travers la politique de la ville en France et le management de quartier en Allemagne), les responsables et participant.es associatifs se retrouvent majoritairement dans une situation de subordination qui ne dit pas son nom. En suivant les chaines de prescription, de contraintes et de résistances, cette thèse montre les logiques concourant à neutraliser le potentiel de résistance des arrières-scènes associatives, et plus généralement à faire des quartiers populaires des environnements peu propices à la mobilisation politique. Elle étudie néanmoins les conditions et processus à partir desquels des dynamiques de politisation émergent malgré tout aux confins des espaces associatifs. Par ailleurs, l’enquête auprès de groupes militants met en lumière tout à la fois les conditions, les résultats, mais aussi les dilemmes et les limites du travail de politisation qu’ils réalisent. En conclusion, elle met l’accent sur le fait que la politisation dans les quartiers dépend de l’ouverture des contextes à la discussion collective et à l’appropriation par les habitant.es. Elle montre aussi l’intérêt d’une approche interactionniste critique pour mettre au jour ces phénomènes.

    Anaïs Bertron, Remobiliser les jeunes invisibles par la coopération associative , thèse en cours depuis 2020 en co-direction avec Anne-Cécile Douillet  

    La thèse porte sur le travail en réseaux d'associations à l'œuvre dans un projet « Repérage des invisibles », qui vise à repérer les jeunes confrontés à de fortes difficultés d'insertion professionnelle et qui ne sont pas accompagnés par le service public de l'emploi. Derrière les discours promouvant l'innovation et la « légitimité de proximité » du travail partenarial, j'observe les réalités de sa mise en œuvre et de sa gestion : les formes et modalités qu'il prend, la division du travail entre les structures, ou encore les postures qu'adoptent les membres des différentes associations et les relations qu'ils entretiennent entre eux, dans une tension entre concurrence et coopération. Je m'intéresse à ce que produit la coopération associative sur la remobilisation des jeunes, avec une attention particulière sur leur réception de l'action publique, mais aussi sur les relations qu'entretiennent les associations entre elles, et avec les pouvoirs publics. L'analyse du projet et de la manière dont il a été construit – le recours aux associations par le biais d'un appel à projet étatique et insufflant une dynamique partenariale – permet notamment d'éclairer les tendances globales et évolutions actuelles des relations entre associations et pouvoirs publics. De plus, ce projet est un terrain d'observation propice à l'analyse de la façon dont les inégalités, à la fois sociales et territoriales, sont construites en objet de politique publique. Dans cette perspective, la recherche s'attache notamment à analyser la genèse, les usages et les redéfinitions de la catégorie « jeunes invisibles ». L'étude des luttes définitionnelles autour de la catégorie, engageant les différents partenaires du dispositif, permet ainsi de mieux saisir les modalités et les conditions de l'action conjointe entre une diversité d'acteurs associatifs et publics, tout en contribuant à la compréhension de l'institutionnalisation de cette catégorie d'action publique.

    Pierre Wadlow, La rapport à la politique des classes populaires du bassin minier, thèse en cours depuis 2019 en co-direction avec Carole Bachelot  

    Cette thèse à pour objectif de questionner le construction du rapport à la politique des classes populaires.

  • Charif Elalaoui, Le peuple est dans la rue : appropriations de l'espace et processus de politisation dans le mouvement des Gilets jaunes, thèse soutenue en 2023 à Normandie sous la direction de Salvador Juan et Magali Della Sudda, membres du jury : François Buton (Rapp.), Anne Lambert et Violaine Girard  

    Le surgissement du mouvement des Gilets jaunes le 17 novembre 2018 a constitué un moment singulier. Les réceptions différenciées et les diverses interprétations dont ce mouvement social a fait l’objet lors de son émergence ont traduit les défis qui se sont posés pour saisir sa composition, ses mots d’ordre et ses modes d’action, ainsi que certaines inégalités dans la société française contemporaine qu’il a mis en exergue.Dans la continuité des travaux du collectif « jaune vif », le but de cette thèse est d’analyser l’engagement de personnes mobilisées dans le cadre du mouvement dans une ville en Normandie tout en prêtant attention à leurs rapports à l’espace. Son ambition est de montrer par quels processus s’opèrent les politisations de personnes issues en majorité des classes populaires et qui se sont identifiées en 2018 comme « Gilets jaunes ».La thèse met également en exergue le fait que la mobilisation des Gilets jaunes sur certains espaces reflète des ancrages sociaux ainsi que des trajectoires résidentielles. Si l’expérience protestataire a participé à façonner certaines sphères de la vie des personnes interrogées, celle-ci a renforcé la capacité de ces dernières à revendiquer un rapport populaire au politique par une parole publique mettant en accusation des acteurs politiques.Pour articuler l’hétérogénéité des expériences vécues au sein du mouvement et les tendances qui le composent, la thèse s’appuie ainsi sur des techniques d’enquête mixtes. De première main, les matériaux empiriques mobilisés se composent de corpus d’entretiens réalisés avec les personnes mobilisées, d’observations ethnographiques réalisées en grande partie localement, d’un travail d’archives, ainsi que l’utilisation de données issues d’un questionnaire administré auprès des participant·es par un collectif de recherche normand (2018/2019).

  • Sarah Rétif, Formes d'engagement de mères du quartier : ethnographie d'un monde minoritaire, féminisé et populaire, thèse soutenue en 2023 à Tours sous la direction de Hélène Bertheleu présidée par Élise Palomares, membres du jury : Pierre Gilbert et Camille Hamidi    

    Cette recherche doctorale analyse sous l'angle de l'imbrication des rapports sociaux de sexe, de classe et de race, les formes d'engagement de mères issues des migrations dans des associations implantées en quartier populaire. Ce travail repose sur une ethnographie de 28 mois, complétée par une quarantaine d'entretiens, au sein d'associations (centres sociaux et association de mères d'enfants scolarisés) dans trois quartiers classés prioritaires de la politique de la ville de la région Centre-Val de Loire. Les femmes enquêtées sont toutes des mères de famille, majoritairement issues des fractions précaires des classes populaires. Certaines sont nées en France ou arrivées lorsqu'elles étaient encore enfants, d'autres ont migré à l'âge adulte lors de la mise en couple et dans le cadre du regroupement familial. En portant un regard renouvelé sur la maternité, ce travail étudie à partir d'une approche sociologique le rapport mobilisé que ces mères entretiennent à leur condition sociale, mais également les processus de politisation de leurs expériences vécues. L'enquête montre d'une part les rapports différenciés à la maternité à l'aune des trajectoires migratoires, matrimoniales, professionnelles et des aspirations sociales. Elle propose une typologie des mères en fonction de leur rapport à la maternité, à partir de laquelle sont mises en lumière les différentes formes d'engagement observées. Ces rapports à la maternité, reflétant une reproduction d'une division sexuée du travail domestique, conduisent ces femmes à se mobiliser à l'école en espérant améliorer le destin scolaire et social de leurs enfants et les aider à faire face au risque de stigmatisation raciale. Ce travail montre d'autre part que la constitution d'un réseau de sociabilité dans l'espace local et la circulation des ressources matérielles, relationnelles et symboliques entre les sphères associative, familiale, religieuse et professionnelle, favorisent l'engagement et le maintien dans les associations étudiées. Les mères rencontrées prennent appui sur ces associations ou détournent certains espaces institutionnels pour réaliser des tâches domestiques, des démarches administratives, du suivi scolaire ou encore parfaire l'éducation religieuse des enfants. L'engagement au sein de ces associations facilite souvent l'inscription dans des réseaux professionnels informels (auto-entrepreneures, assistantes maternelles), ou des reconversions professionnelles dans le milieu associatif pour les employées de l'aide à la personne. Pour celles qui sont exclues du marché de l'emploi, il devient un substitut professionnel et un espace de requalification symbolique. Enfin, la dimension collective de ces engagements alimente la production d'un « nous » minoritaire, féminin et populaire, traversé par des hiérarchies internes. Ces dernières définissent la position sociale de chacune dans des jeux de différenciation où être une « bonne » mère et une pratiquante musulmane « respectable » sont des qualités discutées et valorisées. L'autre dimension du « nous » est la capacité à faire entendre un point de vue minoritaire. Elle se traduit par l'expression d'injustices dont certaines se font les porte-parole et dénoncent le racisme et les représentations négatives liées à l'islam. Lorsque ces mères inscrivent leur association dans la scène politique locale, elles travaillent collectivement à la respectabilité de leur action, notamment auprès des élu·e·s municipaux.

    Aïcha Bounaga, Le soupçon et le reproche : les dessous normatifs de la prévention de la radicalisation et de la lutte contre le séparatisme (2014-2022), thèse soutenue en 2023 à Toulouse 2 sous la direction de Caroline Guibet Lafaye présidée par Nacira Guénif Souilamas, membres du jury : Nadia Fadil (Rapp.), Ahmed Boubeker, Elsa Dorlin et Abdellali Hajjat    

    À partir de 2014, l’État français met en place une variété de mesures visant à prévenir la radicalisation d’inspiration islamique. Cette politique publique donne simultanément lieu à une importante littérature de sciences sociales, soit sous la forme de commandes publiques en vue de la formalisation des signes annonçant la dérive radicale, soit à dévoiler de manière critique les aboutissements sécuritaires auxquels n’a de cesse de conduire la lutte contre la radicalisation. L’étude qui suit s’attache cependant à un pan non questionné de ces mesures et dispositifs institutionnels, c’est-à-dire l’éthique et la diversité des énoncés normatifs qui les sous-tendent. Si la menace de la violence politico-religieuse est en effet en toile de fond des mesures et des discours de la prévention de la radicalisation, cette séquence historique est également celle d’une profusion de prescriptions quant à la bonne manière de vivre sa vie au sein de la société libérale et séculière.À cet effet, différentes enquêtes menées au sein d’une région du Sud de la France permettent de restituer la normativité qui est ainsi à l’œuvre dans la prévention de la radicalisation : par le biais d’entretiens avec des membres de corps préfectoraux, d’autres avec des travailleurs sociaux de diverses structures associatives mobilisées par la commande publique et des imams également appelés à produire une norme de modération religieuse, par l'analyse de la littérature officielle, et l'observations de colloques et de sessions de formation et analyse de contenus audiovisuels.La thèse examine d’abord comment la prévention de la radicalisation crée les conditions de possibilités de formulation de normes, notamment à travers la mobilisation de pans divers de la société, dont l’université, le travail social, ou encore la sphère religieuse. Ce travail offre une analyse approfondie de la place du genre dans la prévention de la radicalisation qui se définit comme étant fondamentalement liée à la cause des inégalités entre hommes et femmes, en particulier celles dont les fondements seraient religieux. La prévention de la radicalisation est en effet le moment d’une formulation implicite des normes de genre dans la société française, qui définissent ce que serait une bonne féminité (notamment à travers la description des femmes radicalisées comme femmes déviantes car déviant de leur féminité naturelle). Outre la lutte contre les inégalités de genre, les discours de la prévention de la radicalisation en font également un enjeu de lutte contre les discriminations, notamment raciales. La définition spécifique du racisme et de l’antiracisme portée par la prévention de la radicalisation présente le problème des discriminations raciales comme un facteur possible de déviance radicale, et non comme un problème en soi. L’expérience de la discrimination pourrait en effet, selon cette perspective, amener à l’adoption d’une « posture victimaire » ou bien à une prise de distance de la victime de racisme vis-à-vis de la nation française - ce qui pourrait être au principe de velléités violentes. Enfin, cette thèse propose également une analyse du passage d’une politique de prévention à une politique de répression, caractérisé par l’abandon de certaines caractéristiques normatives de la prévention de la radicalisation, notamment la pratique du signalement, la stratégie de contre-discours, la caractérisation des individus déviants comme victimes, la mobilisation des savoirs et des pratiques relevant du travail social et de la psychologie, ainsi que la participation des acteurs religieux et des chercheurs. La lutte contre le séparatisme se base plutôt sur une normativité répressive qui ne vise plus réintégrer des individus à déviants à une norme nationale.

    Lucas Faure, Gouverner le social par le religieux : les ONG humanitaires musulmanes en France, thèse soutenue en 2023 à AixMarseille sous la direction de Franck Frégosi présidée par Corinne Torrekens, membres du jury : Sylvie Ollitrault (Rapp.), Jonathan Benthall et Claire de Galembert  

    Centrée sur les ONG humanitaires islamiques, cette thèse, basée sur une enquête ethnographique mêlant observations et entretiens, étudie les transformations dans les manières de se mobiliser en tant que musulman dans l’espace public en France. L’émergence d’un champ de l’humanitaire islamique positionne distinctement les ONG musulmanes vis-à-vis des acteurs religieux musulmans déjà présents, comme les mosquées, et des autres acteurs nationaux de l’humanitaire. L’humanitaire islamique apparaît comme une modalité de gouvernement de l’islam et des musulmans en France. La quête de reconnaissance des ONG musulmanes module leurs rapports à l’État, les plaçant dans une position de subordination vis-à-vis des pouvoirs publics. Dans un contexte français qui contraint leurs actions, ces ONG ont intérêt d’un côté à mettre à distance la religion pour pérenniser leurs activités et nouer des partenariats avec les pouvoirs publics. D’un autre côté, elles sont mobilisées – du fait même de leur référent islamique – auprès de populations musulmanes, notamment pour la prise en charge des réfugiés et de la crise du coronavirus. À rebours de la rhétorique républicaine qui stigmatise les confessionnalismes, l’État délègue par ce biais une partie de la gestion d’un public en situation minoritaire, à des associations elles-mêmes musulmanes. Mon travail prend le parti d’appréhender le fait religieux comme susceptible d’alimenter des dispositifs de contrôle du social et de prise en charge des urgences humanitaires, voire sanitaires, proches ou lointaines (réfugiés, orphelins, causes palestinienne et syrienne, etc.). Finalement, les mobilisations humanitaires islamiques en France répondent d’une logique de gouvernement du social par le religieux

    Ingrid Tafere, Démocratie sociale et autogouvernement : le pouvoir d'agir et de penser comme enjeux majeurs de la santé humaine, thèse soutenue en 2023 à AixMarseille sous la direction de Joëlle Zask présidée par Loïc Blondiaux, membres du jury : Mélissa Thériault (Rapp.), Francis Chateauraynaud et Christine Noël-Lemaitre    

    Dewey dénonce déjà, au siècle dernier les effets du libéralisme comme laisser faire et de l’individualisme, conduisant à des « individus perdus », à une « démoralisation » que l’on voit actuellement d’autant plus se déployer que le monde se complexifie, avec une explosion du taux de dépression, de souffrance au travail, de suicides. Alors que d'un côté les procédures 'participatives' et les débats publics se multiplient, le taux d'abstention est décrié, la confiance en les représentants et les institutions est sérieusement ébranlée. On parle de “crise” de la démocratie, de l’écologie, de la civilisation. La voix des citoyens a du mal à se constituer, à se faire entendre, à 'porter'. Cette thèse est basée sur un travail de terrain en philosophie et sciences sociales, portant sur des dispositifs participatifs institutionnels organisés “depuis le haut” et des initiatives locales dans le quartier de la Belle de mai à Marseille. Elle vise à montrer les insuffisances de la démocratie “participative-délibérative”, si elle n’est adossée à la mise en place d’une véritable “démocratie sociale”, au cœur des modes de vie. Plus précisément, il s’agit de comprendre les enjeux du développement de l’autogouvernement, celui-ci étant fondé sur la mise en place réelle des opportunités nécessaires à l’individuation ainsi qu’au maintien d’un environnement vivable et d’une santé correcte. Enfin, au vu de ces travaux, nous formulons des hypothèses afin d'identifier des normes favorables ou défavorables à l’autogouvernement, à l’activité d’enquête et de constitution de “prises” sur les conditions de sa propre existence, dans une visée pragmatiste tournée vers l’action

    Charles Reveillere, Demain c'est loin, et aujourd'hui c'est déjà trop tard : vivre et gouverner le délogement dans deux espaces populaires en attente de rénovation urbaine, thèse soutenue en 2022 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Claire Lemercier et Jérôme Pélisse présidée par Sylvie Tissot, membres du jury : Yasmine Siblot (Rapp.), Robin Stryker et Renaud Epstein    

    Ce travail porte sur deux espaces populaires du parc privé et social marseillais ciblés par des projets de rénovation urbaine. Le quotidien des habitant·es est mis en suspens : vont-iels devoir déménager, quand, où et comment ? Au nom d’une éventuelle démolition à venir, la gestion courante est minorée, laissant se dégrader bâtiments et espaces publics. La thèse analyse le délogement comme un processus dont la brutalité se déploie au long cours. Elle commence par une description de l’attente vécue par les habitant·es, si éprouvante qu’elle fabrique souvent leur consentement au départ avant même que les administrations aient à les en contraindre. Après avoir identifié quelle forme d'action publique produit ce phénomène, l'auteur s'intéresse aux rapports de pouvoir qui déterminent les règles de distribution des biens symboliques et matériels en jeu dans le délogement. En articulant cadre d'analyse processuel et comparaison spatiale, la démonstration identifie deux modes de gouvernement des espaces populaires, associés à un horizon plus ou moins ouvert de négociation. Trois angles d'analyse se dégagent. Tout d'abord, la relation entre pouvoir et prévisibilité : comment se distribue la maitrise du temps et que fait-elle aux rapports entre des habitant.es et des administrations qui les délogent ? Ensuite, les pratiques d'intermédiation : dans l'attente des guichets officiels des voies d'accès alternatives aux biens sont érigées, produisant des règles de distribution structurées par des rapports de domination différents de ceux habituellement observés. Enfin, les liens entre fragmentation interne de l'espace populaire et pratiques des administrations : la comparaison de formes plus ou moins rapprochées de domination permet de voir ce que les pratiques plus ou moins familières des agent.es font aux rapports sociaux localisés. La thèse étudie plus spécifiquement les différentes faces du gouvernement clientélaire, entre réappropriation populaire des rapports aux administrations, levier de maintien de la paix sociale et instance de politisation conflictuelle. Elle repose sur l’analyse longitudinale de données produites par deux ethnographies des espaces populaires, des entretiens (avec habitant·es, agent·es administrations et intermédiaires) et des recueils de sources écrites.

    Elodie Druez, Is blackness political? : Racisation et politisation des diplômé.e.s d'origine subsaharienne à Paris et à Londres, thèse soutenue en 2020 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Patrick Simon et Florence Haegel présidée par Michèle Lamont, membres du jury : Vincent Tiberj (Rapp.), Audrey Célestine    

    Cette thèse analyse la façon dont les expériences de racisation, et plus largement les enjeux de race, structurent le rapport au politique de diplômé.e.s du supérieur d’origine subsaharienne résidant à Paris et à Londres. Elle repose sur trois hypothèses : la racisation impacte les diplômé.e.s de façon spécifique malgré la protection que leur apportent leurs qualifications et influe sur leurs identifications collectives ; elle constitue un enjeu susceptible d’être plus ou moins politisé selon les ressources dont disposent les individus ; enfin, pour ces raisons, la racisation vient peser sur l’orientation politique et le vote. Ce travail s’appuie sur des méthodes mixtes avec un volet qualitatif prédominant. Celui-ci est composé de 78 entretiens individuels (38 Français.es et 40 Britanniques) et de 9 entretiens collectifs (de 2 à 5 personnes). Le volet quantitatif présente quant à lui des analyses multivariées à partir des enquêtes Ethnic Minority British electoral survey (2010) et Trajectoires et Origines (2008).La thèse présente trois résultats principaux. Premièrement, parce qu’elle implique des dynamiques d’infériorisation et d’altérisation, la racisation inhibe les identifications nationales et le sentiment d’appartenance aux classes privilégiées en France comme au Royaume-Uni. Deuxièmement, la politisation de la racisation s’avère plus aisée dans le contexte race-conscious britannique que dans le contexte colour-blind français. Elle est également plus présente chez des personnes dotées de ressources universitaires ou militantes. Enfin, dans les deux pays étudiés, le fort tropisme de gauche de ces diplômé.e.s s’explique par une imbrication de la race dans des enjeux de classe.

  • Yoletty Bracho, Militer dans l'Etat : sociologie des intermédiations militantes de l'action publique au sein des classes populaires à Caracas (Venezuela), thèse soutenue en 2022 à Lyon 2 sous la direction de David Garibay présidée par Camille Hamidi, membres du jury : Vincent Dubois (Rapp.), Hélène Combes (Rapp.), Verónica Zubillaga      

    Dans quelle mesure l’insertion d’acteurs et de pratiques militantes dans le processus de mise en œuvre des politiques participatives façonne la relation entre l’État et les classes populaires ? En prenant appui sur le cas des politiques participatives des gouvernements chavistes au Venezuela, cette thèse propose le concept d’intermédiations militantes de l’action publique afin de rendre compte des transformations et des continuités qui caractérisent les rapports populaires à l’État et au politique. En suivant des militants issus des organisations populaires vénézuéliennes différemment positionnés entre leurs structures militantes d’origine et les institutions de la participation, il est question d’analyser la façon dont les catégories administratives s’imposent aux organisations populaires, ainsi que la manière dont les catégories militantes s’intègrent aux rouages de l’État.D’une part, les intermédiations militantes de l’action publique insèrent des catégories et des pratiques militantes dans le quotidien des administrations, et modèlent les manières de faire et d’être des agents de l’État. D’autre part, elles réorientent les stratégies des organisations populaires, qui cherchent à adapter leurs structures aux exigences participatives des pouvoirs publics. Enfin, elles entrelacent le politique et l’action publique tout en permettant des réappropriations très politiques de la circulation des biens publics par les classes populaires. Néanmoins, et en dépit de la nouveauté qu’elles représentent, les intermédiations militantes de l’action publique participent à la reconduction de la conditionnalité de l’accès des classes populaires à l’action publique. Ce faisant, elles contribuent à la reproduction de la situation de domination des classes populaires vis-à-vis des structures du champ politico-administratif.

    Cloé Ponzo, Prévenir la délinquance par l'apprentissage à la citoyenneté : Analyse d'une politique publique par ses dispositifs territorialisés, thèse soutenue en 2022 à Université Côte dAzur sous la direction de Christine Pina présidée par Éric Savarese, membres du jury : Christian Le Bart (Rapp.), Carole Gayet-Viaud et Soline Laplanche-Servigne    

    La thèse porte sur une analyse ethnographique et comparée de dispositifs de prévention de la délinquance juvénile (DPDJ) par l'apprentissage à la citoyenneté, situés dans un quartier prioritaire au sens de la politique de la ville, et des DPDJ situés dans une commune en zone rurale. La thèse privilégie une analyse des politiques de prévention de la délinquance « par le bas » qui permet d'observer le travail de prévention en train de se faire. En envisageant ces dispositifs comme des « guichets » et en saisissant les interactions entre les encadrants et les usagers de ces dispositifs, la thèse montre comment la perception des usagers comme « délinquants potentiels » conduit les agents à déconflictualiser l'apprentissage à la citoyenneté. Néanmoins, derrière ces logiques de dépolitisation, l'enquête montre un véritable travail de codage puis d'encadrement des usagers, qui, parce qu'ils majoritairement des jeunes issus de l'immigration postcoloniale nord-africaine et subsaharienne, doivent se conformer aux prescriptions véhiculées par ces dispositifs et faire preuve de leur volonté d'intégration. En réalité, l'État, bien qu'il demeure un acteur central dans la régulation du problème public de la délinquance, laisse aux agents de terrain une importante marge de manœuvre dans l'élaboration et le fonctionnement de ces dispositifs. En resserrant la focale, une analyse à l'échelle des territoires permet de souligner le poids des contraintes locales et institutionnelles dans la mise en œuvre de ces dispositifs. L'analyse à l'échelle micro - au plus près des agents du terrain - explique le poids de leurs représentations, leur culture professionnelle et leur trajectoire dans la conduite de ces dispositifs.

    Marion Lang, Publics populaires , thèse soutenue en 2020 à Lyon sous la direction de Valérie Sala Pala et Ismael Blanco  

    Au croisement d’une sociologie intersectionnelle des classes populaires et d’une sociologie des publics de la participation, cette recherche analyse la hiérarchisation sociale des classes populaires urbaines par les politiques de participation. À partir d’une enquête ethnographique menée dans deux quartiers populaires à Barcelone (Ciutat Meridiana) et Marseille (Malpassé), la thèse montre que les politiques de participation se déploient dans des espaces locaux de participation à l’interface entre espace militant, champ politique et action publique. La catégorie de participation est appropriée localement par des entrepreneurs de participation qui travaillent les modes de catégorisation du public dans la mobilisation d’un public ordinaire. À Barcelone, ils mobilisent les nouveaux habitants des groupes ethniques minorisés. À Marseille, une homologie sociale entre entrepreneures de participation et public ordinaire conduit à la mobilisation de femmes de groupes ethniques minorisés de classe populaire. La légitimation de ces publics induit, en retour, d’autres logiques de participation de la part de publics qui échappent aux cadrages institutionnels. D’une part, on assiste à la démobilisation des fractions précaires des classes populaires par la disqualification de leurs objets de revendication et du fait de leur position sociale et ethnique dominée dans l’espace local . D’autre part, en s’appuyant sur les ressources de l’espace local de participation, un troisième groupe de public, issu des fractions plus stabilisées des classes populaires, met à l’épreuve les normes locales en participant autrement.

    Marion Lang, Publics populaires, thèse soutenue en 2020 sous la direction de Valérie Sala Pala et Ismael Blanco présidée par Sophie Béroud, membres du jury : Loïc Blondiaux (Rapp.), Marisol García (Rapp.), Héloïse Nez      

    Au croisement d’une sociologie intersectionnelle des classes populaires et d’une sociologie des publics de la participation, cette recherche analyse la hiérarchisation sociale des classes populaires urbaines par les politiques de participation. À partir d’une enquête ethnographique menée dans deux quartiers populaires à Barcelone (Ciutat Meridiana) et Marseille (Malpassé), la thèse montre que les politiques de participation se déploient dans des espaces locaux de participation à l’interface entre espace militant, champ politique et action publique. La catégorie de participation est appropriée localement par des entrepreneurs de participation qui travaillent les modes de catégorisation du public dans la mobilisation d’un public ordinaire. À Barcelone, ils mobilisent les nouveaux habitants des groupes ethniques minorisés. À Marseille, une homologie sociale entre entrepreneures de participation et public ordinaire conduit à la mobilisation de femmes de groupes ethniques minorisés de classe populaire. La légitimation de ces publics induit, en retour, d’autres logiques de participation de la part de publics qui échappent aux cadrages institutionnels. D’une part, on assiste à la démobilisation des fractions précaires des classes populaires par la disqualification de leurs objets de revendication et du fait de leur position sociale et ethnique dominée dans l’espace local . D’autre part, en s’appuyant sur les ressources de l’espace local de participation, un troisième groupe de public, issu des fractions plus stabilisées des classes populaires, met à l’épreuve les normes locales en participant autrement.

    Morane Chavanon, La guerre des mémoires n'aura pas lieu ! , thèse soutenue en 2019 à Lyon sous la direction de Nathalie Dompnier  

    « Retour du passé refoulé », « guerre des mémoires », « concurrence des victimes », depuis la fin des années 1990, les enjeux de mémoire collective sont au cœur du débat public, en particulier concernant la place occupée par les immigrés dans le roman national.L’idée qu’il existerait un « besoin de mémoire » rapporté à l’immigration, c’est-à-dire des immigrés et de leurs descendants, mais également de la société française dans son ensemble, s’est imposée comme une évidence, faisant l’objet d’une attention accrue des pouvoirs publics ainsi que d’une pluralité d’acteurs sociaux (universitaires, artistes, militants de la mémoire…).A partir d’une enquête comparative menée dans deux villes de la région Auvergne-RhôneAlpes : Saint-Etienne et Villeurbanne, notre thèse a pour but de saisir ce « besoin de mémoire » rapporté à l’immigration non pas comme un donné, mais comme un construit faisant l’objet d’usages politiques et sociaux.Dans ces deux villes marquées par une histoire industrielle forte, mais où la mémoire locale, en l’occurrence sa part immigrée, fait l’objet d’un traitement public différencié, il s’agit de se demander « ce qui se joue d’autre que le passé dans [des] politiques publiques censées y être consacrées » (Gensburger, 2010).A travers une démarche mêlant approche ethnographique et analyse documentaire, nous mettons au cœur de notre étude, non pas le rapport d’un groupe à sa mémoire, mais la notion de mémoire elle-même. Considérée comme une préoccupation majeure dans la sphère publique, elle est devenue une catégorie d’action et d’interprétation pour les pouvoirs publics mais également au principe de nouvelles mobilisations citoyennes. Il s’agit alors de restituer les conditions sociales de sa constitution en nouveau bien symbolique mis en circulation dans les territoires locaux ainsi que les enjeux politiques propres à la publicisation du passé migratoire.La traduction institutionnelle et militante des inégalités de traitement affectant les conditions d’existence des immigrés et leurs descendants dans les termes de la réparation symbolique renseigne sur la transformation des répertoires d’action publique, sur l’évolution des luttes autour de la cause de l’immigration, et donne à voir l’interpénétration croissante entre ces deux mondes.

    Morane Chavanon, La guerre des mémoires n'aura pas lieu !, thèse soutenue en 2019 sous la direction de Nathalie Dompnier présidée par Renaud Payre, membres du jury : Sylvie Tissot (Rapp.), Catherine Neveu (Rapp.), Sarah Gensburger et Nancy Venel    

    « Retour du passé refoulé », « guerre des mémoires », « concurrence des victimes », depuis la fin des années 1990, les enjeux de mémoire collective sont au cœur du débat public, en particulier concernant la place occupée par les immigrés dans le roman national.L’idée qu’il existerait un « besoin de mémoire » rapporté à l’immigration, c’est-à-dire des immigrés et de leurs descendants, mais également de la société française dans son ensemble, s’est imposée comme une évidence, faisant l’objet d’une attention accrue des pouvoirs publics ainsi que d’une pluralité d’acteurs sociaux (universitaires, artistes, militants de la mémoire…).A partir d’une enquête comparative menée dans deux villes de la région Auvergne-RhôneAlpes : Saint-Etienne et Villeurbanne, notre thèse a pour but de saisir ce « besoin de mémoire » rapporté à l’immigration non pas comme un donné, mais comme un construit faisant l’objet d’usages politiques et sociaux.Dans ces deux villes marquées par une histoire industrielle forte, mais où la mémoire locale, en l’occurrence sa part immigrée, fait l’objet d’un traitement public différencié, il s’agit de se demander « ce qui se joue d’autre que le passé dans [des] politiques publiques censées y être consacrées » (Gensburger, 2010).A travers une démarche mêlant approche ethnographique et analyse documentaire, nous mettons au cœur de notre étude, non pas le rapport d’un groupe à sa mémoire, mais la notion de mémoire elle-même. Considérée comme une préoccupation majeure dans la sphère publique, elle est devenue une catégorie d’action et d’interprétation pour les pouvoirs publics mais également au principe de nouvelles mobilisations citoyennes. Il s’agit alors de restituer les conditions sociales de sa constitution en nouveau bien symbolique mis en circulation dans les territoires locaux ainsi que les enjeux politiques propres à la publicisation du passé migratoire.La traduction institutionnelle et militante des inégalités de traitement affectant les conditions d’existence des immigrés et leurs descendants dans les termes de la réparation symbolique renseigne sur la transformation des répertoires d’action publique, sur l’évolution des luttes autour de la cause de l’immigration, et donne à voir l’interpénétration croissante entre ces deux mondes.

    Maïté Juan, Sociologie des initiatives culturelles citoyennes : le pouvoir d'agir entre démocratie participative et économie solidaire, thèse soutenue en 2018 à Paris CNAM sous la direction de Jean-Louis Laville et Loïc Blondiaux présidée par Catherine Neveu, membres du jury : Geoffrey Pleyers (Rapp.), Marion Carrel (Rapp.), Joan Subirats Humet      

    A travers l’analyse d’expériences citoyennes dans le champ culturel – un centre culturel de gestion communautaire, un centre socioculturel autogéré et une association de médiation artistique -, cette thèse interroge la capacité des initiatives citoyennes à constituer des espaces publics autonomes, en tant que foyers de créativité et de résistance, d’élaboration de discours critiques et de construction d’alternatives concrètes. Face aux limites de l’offre institutionnelle de participation, au formatage entrepreneurial des initiatives citoyennes et à la pénétration marchande du champ culturel, la recherche s’intéresse aux leviers de l’autonomie des espaces publics de la société civile, en combinant deux échelles d’analyse privilégiées : la fabrique des collectifs (institutionnelle, organisationnelle, économique mais aussi sociale et relationnelle) et le rapport aux institutions, à travers la tension entre institutionnalisation et contre-pouvoir, apprivoisement et innovation institutionnelle. S’inscrivant à la croisée de la sociologie économique et de la sociologie politique, les enjeux de cette thèse sont d’articuler les champs de la démocratie participative et de l’économie solidaire afin de saisir les conditions de l’autonomie citoyenne, d’enrichir l'approche habermasienne des « espaces publics autonomes » mais aussi de contribuer à une sociologie de l’émancipation qui, n’évacuant nullement l’attention aux processus de domination et de reproduction, soit apte à mettre en lumière les capacités critiques et instituantes d’espaces publics populaires.