Nathalie Ferré, L'Euro-Méditerranée, de grands projets pour un « petit monde » : sociologie localisée de réseaux réformateurs entre l'Europe et le Maghreb, 1970-2020, thèse soutenue en 2021 à AixMarseille sous la direction de Philippe Aldrin et Mohamed Tozy, membres du jury : Myriam Catusse (Rapp.), Cécile Robert et Éric Cheynis
À la fin de la guerre froide, des hommes et quelques femmes se sont attelés au projet de refonder les relations euro-méditerranéennes, construisant la Méditerranée en tant que problème public. À une période où la Méditerranée est considérée sous l'angle d'une frontière séparant le « Nord » et le « Sud », source de « menaces » pour la sécurité européenne, ces entrepreneurs d'Euro-Méditerranée élaborent des solutions pour faire face à l'« urgence » : repenser une politique de la Méditerranée en s'appuyant sur des pratiques de coopération des territoires développées en contexte post-colonial. Dans leur entreprise de réforme, ces réseaux s'adossent et tirent leurs ressources des espaces politiques, académiques et administratifs européens et nationaux, formant ainsi un champ faible. Cette thèse porte sur la genèse et l'institutionnalisation d'une « solution décentralisée ». Elle questionne comment les pratiques du non-gouvernementalisme se maintiennent pendant plus de vingt-cinq ans à la faveur du passage d'un projet politique méditerranéen à une « Méditerranée de projets », au sein de laquelle la bureaucratisation et la dimension symbolique prédominent. Dans un contexte politique adverse, le « petit monde » de l'Euro-Méditerranée constitue un refuge politiquement désamorcé où les « grands projets » pour la Méditerranée trouvent une prolongation. L'enquête de terrain suit, à travers des méthodes mixtes, des acteurs entre Barcelone, Bruxelles, Marseille et Tunis et entend ainsi contribuer au renouvellement des approches préexistantes des politiques euro-méditerranéennes par l'étude localisée du « transnational » et la variation des échelles de l'analyse