Johanna Siméant-Germanos

Professeur
Science politique.
École normale supérieure
  • THESE

    La cause des "sans-papiers" : mobilisations et répertoires d'action des étrangers en situation irrégulière en France et de leurs soutiens (1970-1992), soutenue en 1995 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Jean Leca

  • Johanna Siméant-Germanos, Quentin Ravelli, Loic Bonin, Pauline Liochon (dir.), Les Gilets jaunes. Une révolte inclassable: une révolte inclassable, Rue d'Ulm et Cyberlibris, 2024, Sciences sociales, 432 p.    

    Déclenchée par une hausse du prix du carburant, la révolte des Gilets jaunes est rapidement devenue un vaste mouvement d'opposition radicale à l'État, nourri de nombreuses revendications contre les injustices sociales et économiques. Dès le 17 novembre 2018, elle se fait connaître par des moyens d'action inhabituels : occupation de milliers de ronds-points, construction de cabanes, manifestations-émeutes sans drapeaux ni cortèges. Pour dépasser l'étonnement face à un mouvement inclassable, ce livre collectif propose, à partir d'études de cas concrets, une analyse critique de ses ambivalences, qui ont tantôt limité, tantôt amplifié l'insurrection. Aux ambivalences vis-à-vis des syndicats répondent les liens versatiles avec l'extrême droite organisée. Aux réactions contradictoires de la sphère médiatique répondent des appropriations politiques et une répression policière et judiciaire exceptionnelles. Une dernière partie permet une ouverture géographique de l'étude (La Réunion, Guadeloupe et Martinique, Berry, Belgique). Les auteurs donnent ainsi à comprendre de façon limpide les formes contemporaines de la contestation.

    Johanna Siméant-Germanos, Grégory Daho, Florent Pouponneau (dir.), Entrer en guerre au Mali: Luttes politiques et bureaucratiques autour de l’intervention française, Presses de l’ENS, 2022, 319 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Brigitte Gaïti (dir.), La consistance des crises – Autour de Michel Dobry.: autour de Michel Dobry, Presses universitaires de Rennes et OpenEdition, 2022, 330 p.  

    L'oeuvre de Michel Dobry apparaît comme une des plus singulières et fécondes dans l'univers de la science politique contemporaine. Les réflexions tirées de Sociologie des crises politiques, récemment réédité, sont soumises ici à des épreuves empiriques et des questions théoriques renouvelées. Les hypothèses et méthodes proposées dans le livre de 1986 y résistent bien : elles permettent de saisir les logiques des basculements historiques, de ces moments où les repères ordinaires s'effondrent et où la légitimité des dirigeants s épuise brutalement. Et parce que cette sociologie nous engage à saisir l'effectuation même de ces processus d'écroulement, sans postuler qu'ils doivent tout à des causes lointaines, sans faire du résultat des crises le moteur de leur déroulement, elle est un des remèdes efficaces contre ces lectures étiologiques et rétrospectives qui encombrent l'histoire des révolutions. D'autres points sont soumis à la question : comment la sociologie des crises s'accommode-t-elle d'une sociologie de l'habitus avec qui elle entend cohabiter, ou encore comment intègre-t-elle l'historicité des sciences sociales : est-on voué à penser la crise sur le mode de la contingence ou faut-il viser une épistémologie à prétention nomologique souvent laissée aux seules sciences dures ? Nul doute qu il y a là des interrogations qui traversent les sciences sociales contemporaines et auxquelles un entretien avec Michel Dobry, publié en fin de volume, apporte quelques réponses

    Johanna Siméant-Germanos, Contester au Mali: Formes de la mobilisation et de la critique à Bamako, Cairn et Éditions Karthala, 2018, Les Afriques  

    Avant que le putsch du 22 mars 2012 ne fasse voler en éclats cette image, le Mali était ce pays considéré comme exemplaire du fait de ses institutions démocratiques et d'une société civile perçue comme ayant contribué à la chute du régime autoritaire en 1991. C'était aussi ce pays où la protestation était désignée depuis lors comme quelque chose d'exceptionnel et de résiduel, comme si, au Mali du consensus, seules les rébellions touarègues au Nord avaient contesté l'ordre des choses. À rebours de cette image, le livre revient sur les années antérieures au basculement des années 2012-2013, qui virent successivement une rébellion armée, un putsch, une intervention militaire internationale et des élections de transition se déployer sur le territoire malien. Il saisit les formes de la mobilisation et de la protestation à Bamako, les milieux qu'elles impliquent, en essayant de ne pas s'arrêter à l'image de consensus qui fut souvent accolée au pays. Il montre un monde de contestation et de mobilisations qui passent par les marches mais aussi par l'émeute, et les inscrit dans une histoire plus longue du recours à la rue. Mais comprendre les mobilisations, qui ne sont pas toutes protestataires, c'est aussi comprendre leurs possibilités concrètes et symboliques. Loin des idées naïves sur les vertus de la « société civile », loin aussi de la dénonciation tout aussi caricaturale de l'opportunisme de qui chercherait à faire carrière à l'international par les ONG, ce livre examine les rapports ambivalents à l'engagement, aux institutions maliennes et au nationalisme de celles et ceux qui peuplent le petit monde de la société civile malienne et de la sphère altermondialiste, et dont beaucoup accueillirent avec bienveillance le putsch de 2012. Prendre au sérieux ces formes du dissentiment politique, ce qu'elles disent du rapport à un État malien en crise, permet assurément de comprendre comment ces discours, déjà là et disponibles, même s'ils étaient parfois portés par des intellectuels minoritaires, ont participé au processus très rapide de délégitimation du régime et du président ATT, que les échecs face à la rébellion avaient déjà fortement affaibli, puis au ralliement au capitaine Sanogo. Au-delà du cas malien, l'ouvrage, appuyé sur une enquête de terrain qui s'est déroulée sur plusieurs années, entend revisiter les façons routinisées de penser la mobilisation, la protestation, le dissentiment et leurs conditions matérielles et morales. Johanna Siméant est professeure au département de science politique de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (CESSP), où elle dirige le master d'études africaines

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Christophe Traïni, Bodies in Protest. Hunger strikes and Angry music: hunger strikes and angry music, Amsterdam University Press, 2016, Protest and social movements, 180 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Romain Lecler, Cécile Rabot (dir.), Guide de l’enquête globale en sciences sociales, CNRS éditions, 2015, Culture & société, 406 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Isabelle Sommier, Marie-Émmanuelle Pommerolle (dir.), Observing Protest from a Place – The World Social Forum in Dakar (2011): the World Social Forum in Dakar (2011), Amsterdam University Press, 2015, Protest and social movements, 271 p.  

    Social movements throughout the world have been central to history, politics, society, and culture. "Observing Protest from a Place "examines the impact of one such campaign, the global justice movement, as seen from the southern hemisphere. Drawing upon a collective survey from the 2011 World Social Forum in Dakar, the contributions explore a number of vital issues, including the methodological problems of studying international activist gatherings and how scholars can overcome those challenges. By demonstrating the importance of the global justice movement and the role of non-governmental organizations for participants in the southern hemisphere, this volume is an important addition to the literature on community action

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Contester au Mali - Formes de la mobilisation et de la critique à Bamako: formes de la mobilisation et de la critique à Bamako, Éditions Karthala, 2014, Les Afriques, 257 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Pascal Dauvin, Le travail humanitaire: les acteurs des ONG, du siège au terrain, Cairn et Presses de Sciences Po, 2012, Académique  

    La scène internationale, au cours des quatre dernières décennies, a vu proliférer les ONG, humanitaires notamment. Cela s'est traduit par une popularité et une influence croissantes. La contribution d'organisations « non gouvernementales » aux politiques d'aide brouille la distinction entre les formes publiques et privées de la solidarité. Qu'est-ce aujourd'hui que l'engagement dans des ONG humanitaires en voie de professionnalisation ? Qu'est-ce que l'humanitaire à la française ? Que font réellement les humanitaires sur le terrain et dans quelle mesure résistent-ils à l'instrumentalisation par les institutions internationales ? Les auteurs proposent, pour la première fois en France, une sociologie politique de l'humanitaire international « au ras du sol », à partir d'un travail de terrain dans les missions et au siège des ONG. Ils ont mené près de 200 entretiens. Ils ont effectué plusieurs campagnes d'observation (Thaïlande, Cambodge, Madagascar, Kosovo, Sierra Leone, Mali, Guinée-Conakry, Liberia), en se concentrant plus particulièrement sur Action contre la faim, Handicap international, Médecins du monde, Médecins sans frontières. Ce livre dresse un tableau nuancé du milieu des ONG, et montre, au-delà de leur image, la complexité du travail humanitaire

    Johanna Siméant-Germanos, La grève de la faim, Cairn et Presses de Sciences Po, 2011, Contester  

    La grève de la faim du député Jean Lassale en 2006, le jeûne mortel de dix prisonniers de l'Armée républicaine irlandaise en 1981, ou encore les grèves de la faim collectives de sans-papiers et réfugiés, montrent la place de la grève de la faim comme forme contemporaine de la protestation. Cet ouvrage en propose la première synthèse claire et complète : l'histoire du recours à ce mode d'action mais aussi la diversité de ses formes �� grèves individuelles ou collectives, en prison ou hors milieu carcéral, jeûne limité ou jusqu’à la mort, etc. Pourquoi les protestataires sont-ils parfois contraints à ce mode d’action ? Quel sens donner aux grèves de la faim ? Quel rôle jouent l’État et l’environnement des protestataires ? Quel est celui des médias ? Au-delà, l’ouvrage dresse une étude minutieuse des dimensions concrètes de la grève de la faim : organisation, questions médicales, intervention des forces de l’ordre ou réalimentation de force dans les prisons…

    Johanna Siméant-Germanos, Marc Le Pape, Claudine Vidal, Crises extrêmes, Cairn et La Découverte, 2010, Recherches  

    Aux crises extrêmes, qui mettent en péril l’existence de groupes humains entiers, répondent des actes (interventions militaires, assistance humanitaire…) et des discours (mobilisations, appels, textes de journalistes ou de commissions d’enquêtes, travaux universitaires…). Cet ouvrage retrace comment de telles crises deviennent objets de connaissance, de controverses et d’actions. Les études de cas réunies ici — correspondant essentiellement aux années d’après-guerre froide, et plus particulièrement aux années 1990 (Rwanda, Colombie, Bosnie-Herzégovine…) — montrent comment les concurrences, conflits ou simples différences d’approche entre médias, écrivains, ONG, États, parlements et organisations internationales, multiplient les énonciations de vérités. Descriptions et controverses sont analysées afin de restituer leurs méthodes d’établissement des faits, en lisant de manière critique les récits produits, en recherchant les finalités pratiques auxquelles ces récits sont liés, en retraçant les généalogies des qualifications de violences. Parce que les controverses occupent une place importante dans le débat public, cet ouvrage restitue l’implication d’une pluralité d’intervenants et d’observateurs. Quels schèmes de perception interviennent régulièrement pour façonner les récits de crises extrêmes ? Comment, avec leurs passions et leurs intérêts investis dans ces controverses, les acteurs introduisent-ils (ou non) un impératif de vérité, des principes de réalité ?

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, La grève de la faim, Sciences Po, les Presses, 2009, Contester, 142 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Marie-Émmanuelle Pommerolle (dir.), Un autre monde à Nairobi: le Forum social mondial 2007, entre extraversions et causes africaines, Karthala, 2008, Les Terrains du siècle, 267 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Marc Le Pape, Claudine Vidal, J. Simeant (dir.), Crises extrêmes. Face aux massacres, aux guerres civiles et aux génocides: face aux massacres, aux guerres civiles et aux génocides, Paris : La Découverte, 2006, Recherches, 334 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Pascal Dauvin (dir.), ONG et humanitaire, l' Harmattan et Numilog, 2004, Logiques politiques, 276 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Pascal Dauvin, Le travail humanitaire. Les acteurs des ONG, du siège au terrain: les acteurs des ONG, du siège au terrain, Presses de Sciences Po, 2002, 443 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Pascal Dauvin (dir.), L'humanitaire en discours, ENS Éditions, 2001, 159 p. 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, La cause des sans-papiers, Presses de Sciences Po, 1998, 504 p.   

    Johanna Siméant-Germanos, L'élaboration de normes professionnelles: le cas d'une école de journalisme, le CFJ, 1991 

    Johanna Siméant-Germanos, Terrorisme et médias: vers de nouveaux paradigmes ?, 1990 

  • Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Affinités : la démocratie comme type de société et la connaissance du monde social », in Maxime Quijoux (dir.), Sociologie et démocratie, Presses Universitaires de Lyon, 2023, pp. 45-52     

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Ce que faire parler un classique veut dire dans les sciences sociales. Retour sur quelques usages de Max Weber dans la sociologie française », in Kimé (dir.), Passés croisés, passés composés. Perspectives à partir des classiques, 2022, pp. 581-600 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « ‘…Stubbornly distinctive, historical bargains between informed people…’ : luttes opiniâtres et bouleversements moraux dans les mondes industriels », in Amin Allal, Myriam Catusse, Montserrat Emperador Badimon (dir.), Quand l’industrie proteste. Fondements moraux des (in)soumissions ouvrières, Presses Universitaires de Rennes, 2018, pp. 201-207 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Mapping a population and its taste in tactics », in Johanna Siméant, Marie-Emmanuelle Pommerolle, Isabelle Sommier (dir.), Observing Protest from a Place – The World Social Forum in Dakar (2011), Amsterdam University Press, 2015, pp. 59-90 

    Johanna Siméant-Germanos, Christophe Traïni, Johanna Siméant, « Pourquoi et comment sensibiliser à la cause ? », in Christophe Traïni (dir.), Émotions, mobilisation !, Presses de Sciences Po, 2008 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Jacques Lagroye, « Gouvernement des humains et légitimation des institutions », in Presses de Sciences Po (dir.), Être gouverné: études en l'honneur de Jean Leca, 2003 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Régulariser les sans-papiers - face à quelles opinions publiques ? », in L’Harmattan (dir.), La gouvernance de l’opinion publique, 2003 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Une mondialisation du sans-frontiérisme humanitaire ? », in Presses Universitaires de France / IRIS (dir.), Mondialisation et gouvernance mondiale, 2003 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Un humanitaire « apolitique » ? Démarcations, socialisations au politique et espaces de la réalisation de soi », in Belin (dir.), La politisation, 2003 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Friches, hybrides, et contrebandes : sur la circulation et la puissance militantes des discours savants », in L'Harmattan (dir.), Discours savants, discours militants, 2002   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Le mouvement des déboutés du droit d'asile, 1990-1992 », Sociologie de la protestation. Les formes de l'action collective dans la France contemporaine, L'Harmattan, 1993 

  • Johanna Siméant-Germanos, Elsa Rambaud, « Notes pour une sociologie incarnée du travail de la critique », Sociétés contemporaines, 2022, n°1, pp. 5-33 

    Johanna Siméant-Germanos, Grégory Daho, Antoine Vauchez, Didier Bigo, Afrânio Garcia [et alii], « Les ficelles de l’enquête globale. Lectures, usages et débats autour de la sociologie de l’international d’Yves Dezalay », Cultures & conflits, 2021, n°119120, pp. 115-149 

    Johanna Siméant-Germanos, « Conceptualizing contexts or contextualizing concepts? On some issues of the modeling of relational spaces in the study of collective action », Social Movement Studies, 2021, n°2, pp. 139-154   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Didier Bigo, Afrânio Garcia, Laurent Jeanpierre [et alii], « Les ficelles de l’enquête globale », Cultures & conflits, 2020, n°119120, pp. 115-149  

    En clôture du colloque qui est à l’origine de ce dossier, nous avions demandé à des chercheurs d’horizons disciplinaires et de générations différentes de revenir sur leur rencontre avec les travaux d’Yves Dezalay et d’évoquer dans le cadre d’un échange retranscrit ci-dessous, la manière dont chacun d’entre eux avait pu mobiliser, prolonger, nuancer, parfois réfuter les pistes et façons de faire d’Yves Dezalay. On trouve là une occasion de partager des réflexions plus personnelles sur les prat...

    Johanna Siméant-Germanos, « Penser les ingénieries de l’environnement en Afrique à l’aune des sciences sociales du développement », Zilsel : science, technique, société, 2019, n°2, p. 281 

    Johanna Siméant-Germanos, Julie Pagis, « Années 1960-1970, les temps des possibles », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2017, n°2, pp. 3-9 

    Johanna Siméant-Germanos, Julie Pagis, Johanna Siméant, « Années 1960-1970, les temps des possibles (dossier) », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2017, pp. 3-130 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Bergamaschi Isaline, « Reshaping Political Order in Mali 2012 and after - What does a (post-)crisis stand for? », Mande Studies, 2017, n°19, pp. 2-15 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, Julien Gavelle, « From the Streets to the Dialectics of National Conference during and after the Crisis: The Double Performativity of Street Mobilizations in Mali (2012–2014) », Mande Studies, 2017, p. 41 

    Johanna Siméant-Germanos, « Terrains ouest-africains », Genèses , 2016, n° ° 104, pp. 3-6   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Three bodies of moral economy: the diffusion of a concept », Journal of Global Ethics, 2015, n°2, pp. 163-175 

    Johanna Siméant-Germanos, «  C’est toujours la crise, plus que jamais l’urgence  : Matériaux sur ce que faire vivre une revue veut dire », Genèses , 2015, n° ° 100-101, pp. 129-142   

    Johanna Siméant-Germanos, «  À la lisière du foyer central  : une sociologie a-ouvriériste des mondes populaires et de l’engagement », Genèses , 2015, n° ° 100-101, pp. 231-237   

    Johanna Siméant-Germanos, « Le plaidoyer : internationales et usages locaux », Critique internationale , 2015, n° ° 67, pp. 9-15   

    Johanna Siméant-Germanos, « Ce dont les armes sont le nom : l’État, autrement », Genèses , 2015, n° ° 98, pp. 148-154   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « C’est toujours la crise, plus que jamais l’urgence », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2015, n°3, p. 129 

    Johanna Siméant-Germanos, Étienne Ollion, Johanna Siméant, « Le plaidoyer : internationales et usages locaux », Critique Internationale, 2015, n°2, p. 9 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, «  À la lisière du foyer central  : une sociologie a-ouvriériste des mondes populaires et de l’engagement », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2015, n°3, p. 231 

    Johanna Siméant-Germanos, Etienne Ollion, Johanna Siméant, « Politiques du plaidoyer », Critique Internationale, 2015, n°2 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Interpreting the rise of international 'advocacy' », Humanity, 2014, n°3, pp. 323-343 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Committing to Internationalisation: Careers of African Participants at the World Social Forum », Social Movement Studies, 2013, n°3, pp. 245-263 

    Johanna Siméant-Germanos, « Protester/mobiliser/ne pas consentir. Sur quelques avatars de la sociologie des mobilisations appliquée au continent africain », Revue internationale de politique comparée , 2013, n° 20, pp. 125-143    

    Cet article examine le développement récent de travaux inspirés de la sociologie des mobilisations sur le continent africain. À rebours d’une nouvelle célébration du « désenclavement » des études africaines, il souligne, malgré l’intérêt du regard porté aux mobilisations, plusieurs points aveugles de cette littérature qui néglige certains héritages des approches par le bas et les résistances, à la sensibilité plus historienne et plus ethnographique. Il souligne l’importance de distinguer analytiquement protestation, mobilisation et dissentiment, et d’arrimer au mieux les formes de mobilisation à leur substrat social. De façon très féconde pour qui voudrait saisir les transitions par le bas, les observateurs des autoritarismes et des accommodements à ces derniers ont peut-être mieux été à même de traiter avec prudence le déploiement de révoltes comme celles qu’a connues l’Afrique du Nord depuis le début des années 2010.

    Johanna Siméant-Germanos, « Le court terme de la légitimité : prises de position, rumeurs et perceptions entre janvier et septembre 2012 à Bamako », Politique africaine , 2013, n° ° 130, pp. 23-46    

    En concentrant la focale d’observation sur la capitale malienne, et dans le temps court, cet article examine plusieurs aspects de la crise qui ne se résument pas à la rébellion au Nord ou à la déréliction des institutions politiques. Après avoir montré ce qui a contribué à la délégitimation rapide du président Amadou Toumani Touré au début de l’année 2012, l’article examine les opportunités offertes par la crise à certains secteurs de la société, observe de quelle façon se déploient les mobilisations et le recours à la violence, et envisage les formes d’autocensure et de recours aux rumeurs. L’article suggère de ne pas considérer la multiplication des rumeurs et récits concurrents comme un seul obstacle à l’analyse, mais au contraire d’en faire un des matériaux de la compréhension des luttes de sens, des ralliements et des affrontements, tactiques aussi bien que moraux, qui se déploient à Bamako.

    Johanna Siméant-Germanos, Julien Gavelle, Johanna Siméant, Laure Traoré, « Le court terme de la légitimité : prises de position, rumeurs et perceptions entre janvier et septembre 2012 à Bamako », Politique africaine, 2013, n°2, p. 23 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Protester/mobiliser/ne pas consentir. Sur quelques avatars de la sociologie des mobilisations appliquée au continent africain », Revue internationale de politique comparée, 2013, n°2, p. 125 

    Johanna Siméant-Germanos, Julien Gavelle, Johanna Siméant, Laure Traoré, « Le court terme de la légitimité. Prises de position, rumeurs et perceptions entre janvier et septembre 2012 à Bamako », Politique africaine, 2013, n°2, pp. 23-46   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Localiser le terrain de l'international », Politix, 2012, n°4, p. 129 

    Johanna Siméant-Germanos, Frédéric Sawicki, Johanna Siméant, « Decompartmentalizing the sociology of activism: A critique of recent tendencies in French studies »: Inventário da sociologia do engajamento militante: Nota crítica sobre algumas tendências recentes dos trabalhos franceses, Sociologias, 2011, n°28, pp. 200-255   

    Johanna Siméant-Germanos, Dominique Connan, « John Lonsdale, le nationalisme, l'ethnicité et l'économie morale : parcours d'un pionnier de l'histoire africaine », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2011, n°2, pp. 133-154 

    Johanna Siméant-Germanos, «  Si cette putain de guerre pouvait finir... . Des hommes, leurs mutineries, une théorie des pratiques protestataires », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2011, n°1, pp. 150-157 

    Johanna Siméant-Germanos, « Économie morale et protestation – détours africains », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2011, n°4, pp. 142-160 

    Johanna Siméant-Germanos, « John Lonsdale, le nationalisme, l'ethnicité et l'économie morale : parcours d'un pionnier de l'histoire africaine : Entretien avec Dominique Connan et Johanna Siméant », Genèses , 2011, n° ° 83, pp. 133-154    

    RésuméDans cet entretien, l’historien John Lonsdale, spécialiste du Kenya, évoque les origines de sa vocation et de son intérêt pour l’histoire du nationalisme et de la formation de l’État en Afrique. Héritier du marxisme britannique et partisan d’une histoire « par le bas » des sociétés africaines ; attentif à la « vulgarisation » de l’État et de la lutte des classes par les cultures populaires, il évoque en répondant à nos questions un parcours et une œuvre qui ont durablement nourri le champ des études africaines.

    Johanna Siméant-Germanos, « Observer les mobilisations : Retour sur les ficelles du métier de sociologue des mouvements sociaux », Politix , 2011, n° ° 93, pp. 7-27    

    RésuméEn quoi consiste aujourd’hui la pratique du chercheur étudiant les mouvements sociaux ? Comment stimuler l’imagination sociologique au moment où se manifeste une triple routinisation des objets, des schèmes d’interprétation et des arts de faire méthodologiques dans ce domaine des sciences sociales ? Il ne s’agit pas ici de céder à certaines formes de « méthodologisme » en proposant une méthode, ni a fortiori « la bonne méthode » d’étude des mobilisations, détachée des enjeux de connaissance propres à chaque recherche spécifique. Plutôt qu’un durcissement méthodologique ou la promotion d’un modèle standardisé d’approche empirique des mobilisations, l’article et le dossier appellent à un retour au principe d’unité des sciences sociales, seul moyen de ne pas se couper de pans entiers de la recherche en train de se faire et d’avoir quelque chance d’ouvrir de nouvelles questions. Penser et regarder autrement les mobilisations, c’est ce à quoi invitent donc les chercheurs réunis dans ce numéro, en suggérant en particulier de mieux prendre en compte l’inscription des mobilisations dans le temps, l’espace et l’ordre social.

    Johanna Siméant-Germanos, «  Si cette putain de guerre pouvait finir... . Des hommes, leurs mutineries, une théorie des pratiques protestataires », Genèses , 2011, n° ° 82, pp. 150-157    

    RésuméPar sa démarche, exemplaire d’une forme d’unité des sciences sociales, l’intérêt de l’ouvrage d’André Loez dépasse le champ de l’histoire de 14-18 pour contribuer de façon majeure à la sociologie des pratiques protestataires. Ces dernières n’ont pas forcément l’idéologie (ici le pacifisme) comme moteur. Leur sens émerge au cours de l’action. L’ouvrage envisage un aspect négligé des théories de l’action collective, le travail de mobilisation et de répression par les institutions – ici l’armée, articulant la compréhension de la protestation à celle du conformisme social et du travail institutionnel de mobilisation.

    Johanna Siméant-Germanos, « Lutter dans les Afriques », Genèses , 2011, n° ° 81, pp. 2-4   

    Johanna Siméant-Germanos, « Économie morale et protestation – détours africains », Genèses , 2011, n° ° 81, pp. 142-160    

    RésuméIncontournable dans les études africaines, le concept d’économie morale y est particulièrement utilisé en matière d’analyse de l’action collective. Comment expliquer le succès d’un concept initialement appliqué aux révoltes frumentaires dans l’Angleterre de la fin du xviiie siècle, et aux paysans de Birmanie ? Ce point critique revient sur les origines, les usages, la portée heuristique, mais aussi les impasses, du recours à ce concept aujourd’hui menacé de devenir une nouvelle routine interprétative dans les sciences sociales.

    Johanna Siméant-Germanos, Hélène Combes, Choukri Hmed, Lilian Mathieu, Johanna Siméant [et alii], « Observer les mobilisations. Retour sur les ficelles du métier de sociologue des mouvements sociaux », Politix, 2011, n°93 

    Johanna Siméant-Germanos, Choukri Hmed, Lilian Mathieu, Johanna Siméant, Isabelle Sommier [et alii], « Observer les mobilisations », Politix, 2011, p. 220 

    Johanna Siméant-Germanos, Marie-Emmanuelle Pommerolle, Johanna Siméant, « African Voices and Activists at the WSF in Nairobi: The Uncertain Ways of Transnational African Activism », Journal of World-Systems Research, 2010, n°1, pp. 82-93   

    Johanna Siméant-Germanos, Richard Banégas, Marie-Emmanuelle Pommerolle, Johanna Siméant, « Lutter dans les Afriques », Genèses. Sciences sociales et histoire, 2010, n°4   

    Johanna Siméant-Germanos, « Socialisation catholique et biens de salut dans quatre ONG humanitaires françaises », Le Mouvement Social , 2009, n° ° 227, pp. 101-122    

    RésuméL’article vise à montrer les effets de la socialisation catholique chez les volontaires et salariés humanitaires, en dépassant la seule question de la foi pour envisager celle de la formation de dispositions, de compétences et d’appétences. En analysant la prégnance de la socialisation catholique, puis les héritages pratiques du catholicisme et les dispositions acquises qui trouvent à s’actualiser dans l’humanitaire, enfin en pensant ensemble les voies individuelles de salut et la question de la réalisation de soi et des restaurations identitaires, qui fait de l’humanitaire un « don de soi à éclipses », l’auteur montre comment ces organisations non-gouvernementales constituent aujourd’hui des entreprises des biens de salut, ou sont en tous cas largement investies comme telles.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Socialisation catholique et biens de salut dans quatre ONG humanitaires françaises », Le Mouvement social, 2009, n°2, p. 101 

    Johanna Siméant-Germanos, Frédéric Sawicki, Johanna Siméant, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du Travail, 2009, n°1, pp. 97-125  

    La sociologie de l’engagement militant, si l’on entend par là toute forme de participation durable à une action collective visant la défense ou la promotion d’une cause, a connu au cours des 20 dernières années, en France spécifiquement, mais aussi dans le monde anglo-saxon, un regain spectaculaire d’intérêt et un profond renouvellement de ses questionnements. Si ce domaine de recherche, en association avec celui des mobilisations collectives, ne s’est pas encore totalement constitué dans not...

    Johanna Siméant-Germanos, Marie-Emmanuelle Pommerolle, Johanna Siméant, « Voix africaines au Forum social mondial de Nairobi. Les chemins transnationaux des militantismes africains », Cultures & conflits, 2008, n°70, pp. 129-149    

    19 janvier 2007, dans le confortable hôtel Six-eighty, au centre de Nairobi. C’est la soirée du CRID, le Centre de recherche et d’informations pour le développement, un collectif de cinquante-quatre associations de solidarité internationale qui constitue la principale structure de coordination des organisations françaises au Forum social mondial (FSM). Alors que la soirée se poursuit et que chacun présente son organisation et « ses partenaires », tout à coup, un groupe de jeunes Kenyans, aidé...

    Johanna Siméant-Germanos, Sandrine Lefranc, Lilian Mathieu, Johanna Siméant, « Les victimes écrivent leur Histoire », Raisons politiques, 2008, n°30, pp. 5-20   

    Johanna Siméant-Germanos, « au queer spot : notes de terrain », Vacarme , 2008, n° ° 45, pp. 87-89    

    Résuméde numéro en numéro, portraits des mouvements dans le monde

    Johanna Siméant-Germanos, « Les victimes écrivent leur Histoire : Introduction », Raisons politiques , 2008, n° ° 30, pp. 5-19   

    Johanna Siméant-Germanos, « L'enquête judiciaire face aux crises extrêmes : modèles d'investigation, registres de la dénonciation et nouvelles arènes de défense des causes », Critique internationale , 2007, n° ° 36, pp. 9-20   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « L'enquête judiciaire face aux crises extrêmes : modèles d'investigation, registres de la dénonciation et nouvelles arènes de défense des causes », Critique Internationale, 2007, n°3, p. 9 

    Johanna Siméant-Germanos, « Genre et classes populaires », Genèses , 2006, n° 64, pp. 2-4   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « What is going global? The internationalization of French NGOs ‘without borders’* », Review of International Political Economy, 2005, n°5, pp. 851-883 

    Johanna Siméant-Germanos, Nonna Mayer, Johanna Siméant, « L’espace de l’altermondialisme », Revue Française de Science Politique, 2004, n°3, pp. 373-378   

    Johanna Siméant-Germanos, Nonna Mayer, Johanna Siméant, « Les ONG face aux mouvements altermondialistes », Revue Française de Science Politique, 2004, n°3, p. 147   

    Johanna Siméant-Germanos, « L'espace de l'altermondialisme », Revue française de science politique , 2004, n° 54, pp. 373-378   

    Johanna Siméant-Germanos, « Entrer, rester en humanitaire : des fondateurs de MSF aux membres actuels des ONG médicales françaises », Revue française de science politique , 2001, n° 51, pp. 47-72    

    Résumé L?article, à partir d?une enquête qualitative mobilisant près de 200 entretiens, tente de reconstituer les logiques de l'engagement dans les ONG humanitaires médicales d?urgence. Ce lieu d?observation est d?autant plus fécond que s?y entrecroisent statuts salariés et non rémunérés, le militantisme humanitaire représentant, sous cet aspect entre autres, un cas d?école pour comprendre l'imbrication des dimensions professionnelles et militantes de l'engagement. En effet, et de façon plus générale, un des coûts de l'engagement est le coût professionnel : certains engagements peuvent nuire au statut professionnel, la disponibilité autorisée par certaines professions est plus ou moins grande... Comprendre l'engagement suppose donc de le comprendre en l'inscrivant dans le temps. Dès lors, et au risque d?un usage métaphorique du terme, un des intérêts du concept de « carrière » est de faire le lien entre les dispositions individuelles, d?une part, et le temps et les moments de l'engagement, d?autre part, le militantisme apparaissant comme un prolongement de l'identité sociale. Mais le concept de carrière permet aussi d?éclairer comment l'on peut « faire carrière » en humanitaire. Au final, la notion de carrière militante permet d?envisager non seulement les dispositions au militantisme humanitaire, mais aussi les moments de vie et situations actualisant ces dispositions, voire les forgeant, et enfin la variation dans le temps des coûts et rétributions de l'engagement.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Urgence et développement, professionnalisation et militantisme dans l'humanitaire », Mots: les langages du politique, 2001, n°1, pp. 28-50    

    URGENCE ET DEVELOPPEMENT, PROFESSIONNALISATION ET MILITANTISME DANS L'HUMANITAIRE Dans le champ de l'humanitaire médical français, deux débats sont centraux : celui de la « professionnalisation » et celui de la délimitation entre « urgence » et « développement ». Tous deux renvoient à des façons différentes de théoriser les pratiques et les contraintes auxquelles sont confrontés les humanitaires. L'observation de plusieurs ONG, et surtout de MDM, montre à la fois les enjeux, et la façon dont ces termes sont retravaillés par les acteurs de l'humanitaire.

    Johanna Siméant-Germanos, Pascal Dauvin, Johanna Siméant, « Travailler sur l'humanitaire par entretiens — Retour sur une méthode », Mots: les langages du politique, 2001, n°1, pp. 117-133    

    Dauvin Pascal, Siméant Johanna. Travailler sur l'humanitaire par entretiens — Retour sur une « méthode ». In: Mots, n°65, mars 2001. L'Humanitaire en discours, sous la direction de Pascal Dauvin et Johanna Siméant. pp. 117-133.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Entrer, rester en humanitaire. Des fondateurs de Médecins sans frontières aux membres actuels des ONG médicales françaises », Revue Française de Science Politique, 2001, n°1, pp. 47-72 

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Who Clamours For Attention - And Who Cares? Hunger Strikes in France From 1972 to 1992 », La Lettre de la Maison Française d'Oxford, 1999, pp. 94-115   

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « L'efficacité des corps souffrants : le recours aux grèves de la faim en France », Sociétés contemporaines, 1998, n°1, pp. 59-86    

    RESUME: À partir d’une analyse quantitative et qualitative de grèves de la faim menées en France depuis 1972, l’article tente de dégager différentes formes d’articulation entre l’identité sociale des protestataires, le type de ressources dont ils disposent et le recours à ce mode d’action. La compréhension du recours à la grève de la faim ne doit cependant pas être limitée à la mise en évidence de la socialisation des protestataires: elle passe également par celle de publics spécifiques, plus ou moins disposés à être interpellés par la souffrance des grévistes.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Immigration et action collective. L'exemple des mobilisations d'étrangers en situation irrégulière », Sociétés contemporaines, 1994, n°1, pp. 39-62    

    La recherche française en matière de mobilisations immigrées semble avoir été sérieusement handicapée par la centralité de la référence à la notion «d'intégration», amenée à expliquer aussi bien la mobilisation que l'absence de mobilisation. Par ailleurs, la référence à un modèle «communautaire» tend à gommer l'hétérogénéité des populations immigrées et à contourner ainsi la question centrale soulevée par les théoriciens du courant de la mobilisation des ressources: des intérêts communs ne suffisent pas à entraîner une mobilisation. C'est pourquoi l'étude des mobilisations d'étrangers en situation irrégulière permet de soulever plusieurs questions portant sur l'action collective des groupes et les répertoires d'action collective (ici la grève de la faim). Ce n'est pas tant «l'intégration» de ces populations que l'alliance entre des entrepreneurs immigrés, des militants chrétiens et certains secteurs de l'extrême gauche française liée à un antiracisme «puriste», qui peut expliquer des mobilisations à l'origine improbables du fait de l'extrême exclusion des populations concernées du champ politique.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « La violence d'un répertoire : les sans-papiers en grève de la faim », Cultures & conflits, 1993, n°0910, pp. 315-338  

    "Alors on a choisi de se torturer nous pour leur faire mal à eux." Considérer les grèves de la faim à partir des catégories de la violence politique protestataire, revient à souligner l'intérêt que représentent les phénomènes de "violence contre soi" rapportés à la problématique du marquage des corps, à celle des "technologies politiques du corps", envisagées non plus du point de vue d'une entité politique dominante, où "marquages" et "disciplines" sont autant d'armes au sein des arsenaux é...

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, « Déontologie et crédibilité. Le réglage des relations professionnelles au CFJ », Politix, 1992, n°19, pp. 37-55    

    Déontologie et crédibilité. Le réglage des relations professionnelles au CFJ. Johanna Siméant. [37-55]. L'étude des représentations liées à la profession dans une école de journalisme révèle vite une revendication déontologique aussi floue que généralisée. S'il est vrai que cette revendication permet une définition du journalisme destinée à se distinguer d'agents concurrents, et notamment des communicateurs, elle ne s'y limite pas. L'inculcation de la déontologie passe ainsi par un recours constant à la rhétorique de la crédibilité : couple dont l'intérêt pratique, s'il semble être au premier abord de régler la relation à un hypothétique "lecteur" (ce qui constitue la représentation dominante de la crédibilité), consiste avant tout en un réglage anticipé des relations à l'égard des destinataires de la pratique journalistique : "le lecteur" certes, mais avant tout sources et pairs, permettant ainsi une intégration normative procédant par des "techniques déontologiques" et un contrôle transitif qui constituent le dispositif central de l'inculcation.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, M. Pollak, Une identité blessée. Études de sociologie et d'histoire, Association des étudiants en science politique de Paris 1, Paris : Association des étudiants en science politique de Paris 1 et PERSÉE : Université de Lyon, CNRS & ENS de Lyon, 1994, pp. 169-173    

    Siméant Johanna. M. Pollak, Une identité blessée. Études de sociologie et d'histoire. In: Politix, vol. 7, n°26, Deuxième trimestre 1994. Parler en public, sous la direction de Dominique Cardon, Jean-Philippe Heurtin et Cyril Lemieux. pp. 169-173.

    Johanna Siméant-Germanos, Johanna Siméant, S. Faludi, Backlash. La guerre froide contre les femmes, Association des étudiants en science politique de Paris 1, Paris : Association des étudiants en science politique de Paris 1 et PERSÉE : Université de Lyon, CNRS & ENS de Lyon, 1993, pp. 225-230    

    Siméant Johanna. S. Faludi, Backlash. La guerre froide contre les femmes. In: Politix, vol. 6, n°24, Quatrième trimestre 1993. Affaires culturelles, sous la direction de Annie Collovald, Sylvain Bourmeau et Vincent Dubois. pp. 225-230.

  • Johanna Siméant-Germanos, Ce que les politiques de l’environnement disent de l’État et du gouvernement en Afrique 

Actualités Publications ENCADREMENT DOCTORAL
  • Agathe Ménétrier, "We have to get LGBT refugees out of here!" : a study of secrecy along a humanitarian resettlement programme of the United Nations High Commissioner for Refugees in West Africa, thèse en cours depuis 2022, membres du jury : Joël Glasman (Rapp.), Sébastien Roux (Rapp.), Liora Israël, Jacqueline Knörr et Olumide Abimbola  

    Cette thèse porte sur la gouvernance internationale de l’asile, à travers l’analyse d’un programme du Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies réinstallant dans des pays européens et nord-américains des réfugié·e·s LGBT sélectionné·e·s en Afrique de l’Ouest. Organisations internationales et États occidentaux présentent la réinstallation comme un volet particulièrement « humanitaire » de la gouvernance des mobilités. En déplaçant le regard du Nord vers le Sud, cette thèse examine ce qu’il en est en pratique(s), des points de vue des agent·e·s et des réfugié·e·s. Elle offre un éclairage sur la fabrique, l’administration et les effets d’un programme de réinstallation là où le tri a lieu. À partir d’une enquête qualitative menée en 2017-2018 à Dakar, Nouakchott et Banjul, la thèse répond aux questionnements de fond : qui décide de qui est « assez gay » et « à risque » pour être réinstallé·e, selon quels critères, et que font les aspirant·e·s pour correspondre à ceux-ci ?

    Paul Grassin, Des ordres négociés : légitimation du travail de police et formation quotidienne de l'État dans un quartier populaire du Malawi, thèse soutenue en 2022 à Paris 1, membres du jury : Laurent Fourchard (Rapp.), Fabien Jobard (Rapp.), Thomas Bierschenk, Florence Brisset-Foucault et Marielle Debos  

    Cette thèse montre que la formation de l’État dans un territoire – processus inconscient et contradictoire de vulgarisation du pouvoir étatique d’après B. Berman et J. Lonsdale – tient largement aux positions sociales de ses agent·es et aux conditions pratiques de leur cohabitation avec les groupes sociaux et autorités politiques qui l’habitent. Elle se base sur l’ethnographie symétrique des rapports quotidiens entre fonctionnaires de police, individus engagés dans des organisations de police communautaire et habitant·es d’un quartier populaire de la capitale économique du Malawi. L’analyse interroge les effets sur les rapports de pouvoir qui structurent l’arène policière locale d’une réforme de l’action policière fondée sur la doctrine du community policing. Le propos articule l’étude du travail de police avec celle de la fabrique des ordres public, social et politique. Il combine ainsi un regard sensible à l’analyse des pratiques et une attention à la production des hiérarchies sociales. Menée entre 2015 et 2019, l’ethnographie se double d’un travail d’archives qui permet de restituer l’histoire sociale de la rencontre entre institution policière et habitant·es du quartier et d’appréhender l’historicité des ordres étudiés. Naviguant à l’interface entre le policier et le civil, cette thèse contribue à la réflexion sur ce qui se joue à la frontière police étatique et vigilantisme, sans perdre de vue les rapports ordinaires à l’action policière des gouverné·es. Elle se penche tout particulièrement sur les jeux de négociation au cœur du travail de police, conçus comme autant de révélateurs des processus de légitimation de l’ordre et de la position de l’État dans le quartier.

    Denia Chebli, "Jusqu'à maintenant, il n'y a pas de révolution" : itinéraire du Mouvement national de libération de l'Azawad dans la guerre du Mali, thèse soutenue en 2021 à Paris 1, membres du jury : Sandrine Lefranc (Rapp.), Gregory Mann (Rapp.), Pierre Boilley et Koen Vlassenroot  

    En 2012, le MNLA déclenche la guerre au Mali au nom de l’indépendance de l’Azawad. En 2021, alors qu’un accord de paix a été signé et que de nombreuses forces armées internationales sont présentes sur le terrain, l’OCDE comptabilise plus de 81 groupes armés actifs sur le territoire. Le conflit armé est ainsi régulièrement décrit comme une impasse qui tiendrait notamment au comportement des belligérants qui s’allieraient et se diviseraient de manière inexplicable. Comment des individus et des groupes qui prennent des risques en s’engageant dans une guerre peuvent-ils apparaître si versatiles dans la durée ? À rebours des paradigmes économistes et culturalistes récurrents qui alimentent la vision d’un conflit illisible, cette thèse propose une sociologie des affiliations et des scissions, attentive au vécu des acteurs et aux différentes contraintes dans lesquelles ils sont pris. En retraçant l’itinéraire du MNLA, de la mobilisation à sa fragmentation, ce travail analyse l’intrication des registres individuels, collectifs, politiques et émotionnels, ainsi que la façon dont les déterminations internationales pèsent sur les modalités de la contestation politique. La thèse reconstitue ainsi l’univers des possibles des individus dans la guerre en prenant en considération à la fois les effets de l’ancrage social des mouvements et la manière dont les organisations internationales impliquées dans la gestion du conflit créent des incitations à la fragmentation. La démonstration s’appuie sur une enquête de terrain de dix mois conduite entre 2012 et 2018 au Mali, en Mauritanie, au Niger, en Algérie et au Maroc.

    Julie Blanc, « La mise en cohérence de soi au fil des classes sociales, contribution à unesociologie des alignements moraux. Une étude comparative de l'engagement écologiste et du protestantisme adventiste », thèse en cours depuis 2020 en co-direction avec Manuel Schotté  

    Cette thèse explore les ressorts biographiques de l'engagement « écologique », dès lors que celui-ci devient une dimension structurante de la vie quotidienne de ses militant·es. Il s'agira en particulier de comprendre quelles socialisations président à la recherche individuelle d'une cohérence prononcée visant à articuler entre elles un grand nombre de pratiques (alimentation, habitation, habillement, santé, voyage, forme des interactions, relations amoureuses, vie professionnelle etc...), généralement considérées comme « alternatives » ou « décroissantes ». Ce faisant, l'engagement est susceptible non seulement de redéfinir les pratiques quotidiennes mais aussi de devenir le référentiel dominant du discours autobiographique mobilisé en entretien. Il ne dispense cependant que rarement les militant·es de circuler entre des sphères sociales hétérogènes, parfois sans rapport avec l'écologie, au sein desquelles le vœu d'intégrité se révèle plus ou moins facile à mettre en œuvre, plus ou moins coûteux. Il s'agira, dès lors, d'étudier les socialisations impliquées dans ces logiques de mise en cohérence de soi en s'intéressant à la fois aux trajectoires biographiques longues des enquêté·es et aux logiques de mise en ordre de leurs pratiques au jour le jour, que celles-ci soient le fruit d'un 'auto-contrôle' prononcé et/ou de la fréquentation de collectifs militants. En retour, cette thèse cherche à ne pas exclure les points de rupture sur lesquels achoppe la cohérence de soi et à les intégrer à l'analyse. Ce travail vise enfin à resituer cette éthique écologique quotidienne dans les espaces sociaux au sein desquels elle se déploie. Autrement dit, il s'intéresse à « l'espace social » du militantisme écologique, entendu comme la résultante de logiques de distinction mais aussi comme le produit de l'histoire des mobilisations écologiques et des lieux privilégiés où celles-ci prirent place.

    Mehdi Labzaé, "La Terre est au Gouvernement" : droits fonciers, encadrement bureaucratique et conflictualité politique dans deux périphéries éthiopiennes., thèse soutenue en 2019 à Paris 1, membres du jury : Jay Rowell (Rapp.), Jacobo Grajales Lopez (Rapp.), Sabine Planel  

    Comment se déploie le pouvoir dans les périphéries d’un État dit autoritaire ? À partir d’une ethnographie menée entre 2013 et 2019 dans deux régions de basses terres éthiopiennes, cette thèse complète les études de sociogenèse de l’État sur le temps long pour restituer par l’ethnographie les dynamiques contemporaines de formation de l’État. Des paysans, sélectionnés sur la base de leur appartenance identitaire réifiée, sont expropriés violemment par l’État pour attribuer leurs terres à des investisseurs. Des fonctionnaires procèdent à leur autocritique devant des cadres partisans qui détermineront de la poursuite de leur carrière, voire de leur maintien en liberté. Non loin de ces cadres partisans, des expatriés occidentaux installés dans les mêmes bâtiments co-conçoivent et financent les programmes qui mènent à l’expropriation des paysans pré-cités. Des combats meurtriers dans les campagnes empêchent les fonctionnaires de mener à bien les relevés de terrain prévus dans le cadre de ces programmes. De longues réunions permettent cependant aux agents de l’État de vanter les bienfaits de la formalisation des droits fonciers aux paysans, et d’appeler au travail commun pour le développement. Cette thèse articule ces phénomènes, tous liés à la mise en place d’un cadastre au Bénishangul-Gumuz et à Gambella, pour saisir certaines des dynamiques de l’exercice du pouvoir d’État au concret. Depuis ces espaces intégrés sur le tard à l’ensemble éthiopien et marqués par la prédation et la violence d’État, l’étude ethnographique propose une compréhension du déploiement de l’État, en analysant la mise en marché de la ressource foncière, les formes de conflictualité politique et les dynamiques de légitimation du régime, notamment internationales, qui en découlent.

    Guillaume Vadot, Les bras et le ventre : une sociologie politique des plantations industrielles dans le Cameroun contemporain, thèse soutenue en 2019 à Paris 1, membres du jury : Babacar Fall (Rapp.), Antoine Roger (Rapp.), Marie-Émmanuelle Pommerolle, Didier Demazière et Sabine Planel  

    Les plantations industrielles sont aujourd’hui le premier secteur d’emploi privé au Cameroun, et couvrent d’immenses surfaces. En les prenant pour objet, la thèse cherche à relever le défi de comprendre la formation du politique et de l’État en rapport avec les processus sociaux et les matérialités (notamment celles liées à la production) qui les contraignent et les configurent. Pour cela elle s’appuie dans une première partie sur une description sociologique de la main-d’œuvre (ouvrières et ouvriers, encadrement local et expatrié). L’activité de travail, le régime de paye et le sens pris par l’argent numéraire, l’expérience corporéisée qu’ils alimentent, mais aussi les trajectoires et styles de vie, sont passés au crible afin d’éclairer la fabrique locale des identités, les solidarités comme les dynamiques de différenciation et de distinction. Masculinités et féminités, ethnicités, couleur de la peau, capital scolaire ou encore accès à la petite propriété nourrissent ces dernières, sont mobilisés ou subis par les entreprises. La thèse prouve que les travailleur.se.s des plantations sont inscrit.e.s de plain-pied dans un ensemble plus vaste, celui formé par les classes populaires, dont elle participe à l’exploration. La deuxième partie montre alors que les grandes plantations ne sont pas des enclaves échappant au territoire national. Établir leur ordre productif leur demande un effort constant, réinventé au fil du temps, pour construire leur main-d’œuvre (y compris les cadres, des dominant.e.s qui s’y sentent souvent à l’étroit) mais aussi leur emprise sur l’espace. Cet effort, quotidiennement en butte avec diverses relativisations, est constitutif des plantations en tant qu’organisations. De même ces dernières sont-elles dépendantes de leur intégration dans un ordre politique plus vaste, qu’elles contribuent à former localement du fait des multiples antagonismes suscités par leur activité, et des arènes de négociation comme des manières d’« appeler l’État » qu’ils génèrent. C’est le cas en particulier des conflits fonciers et de ceux liés au travail, qui fournissent les ressources politiques nécessaires à l’édification de positions de représentants. Les grandes plantations contribuent donc à l’édification de topographies politiques certes singulières, mais qui forment localement les racines sociales de l’État. En témoignant de la politisation intense de ce qui s’y joue, la thèse suggère que la place des lieux de travail et des enjeux liés à l’emploi a été sous-estimée dans l’étude de la société politique camerounaise contemporaine. Nourrie par une longue enquête dans trois complexes agroindustriels, elle repose également sur la mise en dialogue d’apports issus de la sociologie et de l’anthropologie du travail, du genre, des classes populaires, des organisations, du foncier et de l’État.

    Gabriel Rosenman, Les caisses de grève, de 1864 à nos jours. Socio-histoire d'un usage militant de l'argent, entre tactique de lutte éphémère et institution syndicale de service aux adhérents, thèse en cours depuis 2019 en co-direction avec Sophie Béroud 

    Louise Klein, Usages et pratiques du « droit du gouvernement » dans la formation coloniale et postcoloniale de l'État somalilandais., thèse en cours depuis 2019  

    Cette thèse porte sur la place du « droit du gouvernement » et du système judiciaire au Somaliland, jeune État indépendant depuis trente ans et non reconnu par la communauté internationale. En s'intéressant à la fois à l'institution judiciaire dans son fonctionnement concret et quotidien et à sa trajectoire historique depuis la période coloniale, elle veut comprendre les pratiques et usages du « droit étatique » dans la formation de l'État somalilandais ainsi que les rapports de pouvoir et de hiérarchisation entre registres normatifs dans un contexte de pluralisme juridique. Elle s'appuie sur un terrain ethnographique contemporain et sur l'exploitation des archives coloniales.

    Raberh Achi, Laïcité d'Empire. Socio-histoire de l'administration de l'islam en Algérie à la période coloniale (1905-1962), thèse en cours depuis 2018  

    À la croisée de l’histoire, de la sociologie, du droit et de la science politique, la thèse porte sur la laïcité en Algérie à la période coloniale, entre l’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État (1905) et l’indépendance de ce territoire de l’Empire (1962). Elle cible plus précisément la production, la mise en œuvre et les contestations du régime d’exception à la loi de séparation des Églises et de l’État adopté en 1907 pour l’Algérie. L’enquête repose sur l’exploitation d’un matériau historique composé d’archives ministérielles (Intérieur, Colonies et Affaires étrangères), algériennes (Gouvernement général de l’Algérie et préfectures), du Conseil d’État, ainsi que de nombreuses archives privées, notamment celles d’acteurs présents sur le territoire algérien (Franc-maçonnerie, Ligue des Droits de l’Homme…). L’analyse des usages de la loi de séparation des Églises et de l’État en Algérie coloniale a d’abord pour objectif de mettre au jour la fabrique du régime juridique et des pratiques administratives poursuivant la domestication du culte musulman, telle qu’elle prévalait avant 1905, à l’échelle des départements algériens comme de la métropole suite aux premiers flux migratoires issus des colonies. Cette administration eut pour conséquence de cliver durablement le champ religieux entre, d’un côté, une « religion officielle » et, de l’autre, des groupements religieux tenus à l’écart de l’organisation des cultes mise en place par l’État colonial. Elle suscita de leur part des mobilisations transformant la « séparation du culte musulman et de l’État » en un discours anticolonialiste. À la faveur de répertoires d’action adaptés à la situation coloniale, ces groupements religieux réclamèrent la fin de l’interventionnisme de l’État dans les affaires religieuses musulmanes, et ce jusqu’au déclenchement de la guerre d’indépendance. Ces mobilisations permettent à la fois d’appréhender les voies détournées de la contestation en situation coloniale, leur contribution à la cause nationaliste et sa résonance dans des arènes légales. Plus généralement, cette enquête illustre les tensions et les compromis à l’œuvre entre les idéaux républicains de la Troisième République et la nature autoritaire de son Empire colonial.

    Emmanuelle Bouilly, «Du couscous et des meetings contre l'émigration clandestine» : mobiliser sans protester au Sénégal, thèse soutenue en 2017 à Paris 1, membres du jury : Jean-Gabriel Contamin (Rapp.), Tarik Dahou (Rapp.), Frédérique Matonti, Myriam Catusse et Dorothy L. Hodgson  

    La thèse s'attache à restituer les technologies de réparation du malheur social et de représentation des griefs au Sénégal. Elle démontre que la contestation, la mobilisation et la protestation ne s'équivalent pas toujours et plaide pour que leurs frontières analytiques soient précisées. S'appuyant sur les critiques du tournant culturel et celles des études féministes adressées aux théories de l'action collective, la thèse souligne les postulats et les points aveugles du concept de mouvement social. Historiquement situé, ce concept ne permet pas de saisir certaines des formes d'action collective sur des terrains non-occidentaux. A partir d'une enquête qualitative et quantitative menée, entre 2007 et 2012, principalement auprès d'une association de mères de migrants, la thèse montre qu'il existe, au Sénégal, une option qui consiste à mobiliser sans protester. Cette expression signifie que des acteurs sociaux peuvent employer un répertoire organisationnel hybride (association revendicative, self-help, mutuelle d'épargne, coopérative de travail) - qui vise autant l'État qu'il s'en dispense - ainsi que des modes d'action non-confrontatifs aux autorités publiques (témoignages dans les médias, participation à des meetings politiques ou conférences internationales). Sans recourir à l'action protestataire, les discours et les pratiques de ces mobilisations non-protestataires n'en sont pas moins politisées. La thèse montre en particulier comment le monde de l'aide et du développement s'est saisi de techniques genrées et d'entrepreneures de mobilisation propres au champ politique sénégalais afin de mener ses propres missions.

    Riadh Ben mami, Consolider la démocratie et reconstruire la société civile. Les associations de 'surveillance démocratique' en Tunisie, thèse en cours depuis 2017 en co-direction avec Éric Gobe  

    Les associations de surveillance/vigilance démocratique et les 'lanceurs d'alerte' sont une facette importante des sociétés civiles contemporaines, dans de multiples contextes nationaux. L'émergence d'organisations de cet ordre dans la Tunisie post-révolutionnaire pose alors la question de leur rôle dans la construction d'une démocratie. Cela pose également la question du renouvellement des démocraties contemporaines. Dans ce projet de thèse, nous nous proposons d'étudier quatre associations tunisiennes de 'surveillance démocratique', Al-Bawsala, ATIDE, I-Watch et Mourakiboun. Celles-ci, qui ont acquis une certaine visibilité aujourd'hui, apparaissent comme des acteurs importants de la 'société civile' tunisienne contemporaine. Bien qu'ayant des domaines d'action différenciés (la surveillance de l'activité des parlementaires et des municipalités, ou des élections, ou la lutte contre la corruption et les malversations administratives et politiques), elles inscrivent toutes leur travail dans un projet de construction d'un État démocratique et transparent. Cet objectif, à inscrire dans le contexte post-autoritaire de la Tunisie contemporaine, il s'agirait de le mettre en perspective avec les possibilités concrètes de ces organisations, et les réseaux et ressources dont elles disposent.

    Hélène Baillot, "Nous ne devons rien, nous ne paierons rien" : Jubilee 2000 et la redéfinition du mode de problématisation de la dette des pays pauvres (1996-2000), thèse soutenue en 2017 à Paris 1, membres du jury : Dorota Dakowska (Rapp.), James M. Jasper (Rapp.), David Ambrosetti et Étienne Ollion  

    Cette thèse s’intéresse à la manière dont le mode dominant de problématisation de la dette, qui s’était progressivement stabilisé depuis la Seconde Guerre mondiale, a été redéfini à partir des années 1980 sous l’action conjointe de différents acteurs, militants et institutionnels. Pour ce faire, elle mobilise un corpus théorique situé à la croisée de la sociologie des problèmes publics, de la sociologie de l’action collective, de la sociologie de l’action publique et de la sociologie économique. Si l’accent est mis sur la décennie 1990 qui voit naître, grandir, et s’achever la campagne Jubilee 2000, les mobilisations institutionnelles qui la précèdent ne sont pas négligées pour autant. Cette thèse accorde ainsi une attention particulière aux dispositifs dans lesquels la dette s’incarne, ainsi qu’aux institutions et acteurs qui les soutiennent (Banque mondiale, Fonds monétaire international, États du G8 notamment). Reposant sur une pluralité de méthodes (archives, observations, entretiens) et sur un terrain multisitué (États-Unis, Philippines, Ouganda, Bénin, Belgique), ce travail accorde une place centrale aux dynamiques de concurrence et aux logiques de division du travail qui animent l’espace international de la cause anti-dette : elles seules permettent de saisir à la fois comment mais aussi pour qui la dette est devenue -et demeure- un problème.

    Sara De Simone, State-building South Sudan : discourses, practices and actors of a negotiated project ( 1999-2013), thèse soutenue en 2016 à Paris 1 sous la direction de Maria Cristina Ercolessi, membres du jury : Fred Eboko (Rapp.)  

    Les programmes de construction de l'Etat soutenus par la communauté internationale depuis la fin des années 1990 dans des contextes d'après-guerre sont souvent considéré ineffectifs. En analysant l'entreprise de state-building au Sud Soudan dans une perspective historique, cette thèse montre comment ces programmes, supposés apolitiques et techniques, s'entrelacent avec le processus de plus longue durée de formation de l'État, avec son caractère cumulatif et négocié. Cette négociation a lieu dans une arène crée par les programmes internationaux dans leurs rencontres avec les acteurs locaux. On se concentre sur trois secteurs d'interventions qui donnent aux 'communautés locales' un rôle très important en tant que sujets avec des droits collectif: la création d'un système de gouvernement décentralisé, la livraison de services publics et la réforme du système foncier. L'administration des droits collectifs à la terre, aux services et à l 'autogouvernement par les autorités traditionnelles comporte un chevauchement entre la sphère coutumière et celle bureaucratique de l'État, ce qui encourage l'ethnicization de la politique Sud Soudanaise. Le développement de politiques et de cadres légaux de ces trois secteurs établit des 'règles du jeu' qui les acteurs aperçoivent devoir respecter dans leurs interactions quotidiennes avec l'État pour accéder à ses ressources. Deux dynamiques émergent par ces interactions : une fragmentation ethnique horizontale, et des liens verticaux de patronage. Les discours sur l'efficience et l'efficace de l'administration définissent donc un sujet communautaire qui produit une repolitisation ethnique du processus de state-building à travers l'appropriation de ces discours pour la part de la population locale des autorités traditionnelles.

    Marianne Saddier, Sociologie politique des cadres du Nord à Bamako. L'élite songhay dans la formation de l'Etat malien, thèse en cours depuis 2015 

    Rodolphe Demeestere, Gouvernance contestée du commerce de rue à Johannesburg et au Cap, Une anthropologie politique de l'Etat sud-africain post-apartheid, thèse en cours depuis 2015 

    Dominique Connan, La décolonisation des clubs kényans : Sociabilité exclusive et constitution morale des élites africaines dans le Kenya contemporain, thèse soutenue en 2014 à Paris 1, membres du jury : Michel Offerlé (Rapp.), John Lonsdale (Rapp.), Frederick Cooper et Jean-François Bayart  

    En prenant pour objet les clubs, lieux d'une sociabilité exclusive, il s'agit de restituer par l'archive et l'ethnographie le sens des luttes morales et symboliques qui ont présidé à l'investissement sélectif par les Africains d'une institution d'abord réservée au Kenya, aux seuls Européens. Ces luttes renvoient à la production des clubs comme entreprises de prestige collectif. Elles ont pour enjeu la disqualification morale et esthétique des autres groupes sociaux; la légitimation de l’accès à l'État et à ses ressources; la production et le maintien de formes partagées d'honorabilité. Elles dépassent largement le référent colonial et s'inscrivent désormais dans la temporalité africaine des éthiques de l'accumulation économique et de la responsabilité civique des dominants. Par-delà leur genèse coloniale, les clubs sont devenus Kenya des lieux de réinvention de la différence élitaire, où l'appartenance à un style de vie propre à ce que l'on pourrait nommer une bourgeoisie mondiale imaginée renvoie en premier lieu aux transformations de l'État et des modes locaux de gouvernement.

    Nedjib Sidi Moussa, Devenirs messalistes (1925-2013) : sociologie historique d'une aristocratie révolutionnaire, thèse soutenue en 2013 à Paris 1, membres du jury : Todd Shepard (Rapp.), Alexis Spire (Rapp.), Bernard Pudal et Raphaëlle Branche  

    Cette thèse propose une sociologie de l'engagement révolutionnaire et, plus singulièrement, des trajectoires révolutionnaires en situation coloniale et des trajectoires coloniales en situation révolutionnaire. Son objectif est de comprendre comment des Algériens colonisés deviennent révolutionnaires, comment ils font la révolution et comment ils cherchent à lui rester fidèle) à l'indépendance de l'Algérie. En prenant pour objet les dirigeants du courant de Messali Hadj membres du Conseil national révolutionnaire (CNR) à l'été 1954, nous tentons de dépasser les bornes chronologiques traditionnellement associée à la « guerre d'Algérie» pour étudier la formation d'une aristocratie révolutionnaire attachée à la forme partisane et à son chef historique. Sans réduire les devenirs messalistes au destin de leur leader emblématique, pionnier du nationalisme depuis l'entre-deux-guerres, nous soulignons le caractère situationnel du charisme messalien. Cette recherche invite à prendre en considération tout le travail des protagonistes intéressés par la trajectoire de la révolution algérienne (anticolonialistes, forces de répression, organisations concurrentes) et à prêter attention aux effets de structure dans l'analyse. À cet effet, des archives institutionnelles et privées ont été consultées, ainsi que la presse militante et des revues publiées sur plusieurs décennies. Des entretiens ont été réalisés avec des militants et leurs descendants en Algérie et en France.

    Marame Ndour, La politisation de l’accès aux médicaments dans l’espace international : l'Organisation mondiale de la santé comme foyer d'une dynamique contestataire, thèse soutenue en 2013 à Paris 1, membres du jury : Pierre Mathiot (Rapp.), Hans Peter Schmitz (Rapp.), Patrice Pinell  

    A partir d'une enquête sur le rôle de l'OMS dans la politisation de l'accès aux médicaments dans l'espace international cette thèse rend compte de deux choses : d'une part, des conditions particulières d'émergence et de structuration d'une cause à vocation mobilisatrice au sein de cette organisation; d'autre part, des effets de cette mise en politique sur l'action publique internationale. Il s'agit de comprendre les logiques sociales et politiques qui ont fait de cette organisation relativement marginalisée dans son domaine d'intervention, aux normes essentiellement non contraignantes, le lieu d'une mise en débat inédite et durable des enjeux situés à l'interface entre la santé publique et le commerce international et plus précisément entre le brevet pharmaceutique et l'accès aux médicaments des pays en développement. Privilégiant une approche de sociologie politique de l'international, la thèse montre que l'OMS a constitué le foyer de convergence et de consolidation de cette dynamique contestataire car elle offrait un support à la fois matériel et symbolique à cette revendication qui a contribué à revaloriser sa position dans le nouvel espace politique de l'accès aux médicaments. La thèse secondaire est que la prise en charge de ce problème public à l'OMS offrait des marges de manœuvre aux entrepreneurs de mobilisation sans pour autant remettre fondamentalement en cause l'ordre social contesté. En effet, les solutions qui émergent et s'institutionnalisent aussi bien à l'OMS que dans d'autres espaces, constituent des arrangements qui peinent à s'affranchir du cadre établi par le système dominant d'innovation pharmaceutique.

    Laure Traore, La crise politique à Bamako. Dynamiques de crise et rapports à l'Etat., thèse en cours depuis 2012 

    Véronique Jampy, Le gouvernement expert de l'aide publique au développement , thèse soutenue en 2012 à Paris 1  

    En partant du constat de la pérennisation et de l'institutionnalisation du dispositif de l'aide publique au développement malgré les critiques dont il fut l'objet, cette thèse ambitionne de revenir sur les ressorts de légitimation de l'ADP, observée comme "système d'action concret". En analysant aussi bien les interactions internes et externes au système, ce travail montre les capacités rhétoriques et stratégiques des acteurs de l'aide. Il revient ensuite plus en détail sur les acteurs "intermédiaires" du système pour comprendre l'aide publique au développement "de l'intérieur", en sortant de la relation binaire entre bailleurs de fonds et Etats bénéficiaires. La thèse livre ainsi une analyse sociologique des bureaux d'études et experts en développement dont l'analyse des caractéristiques et des trajectoires permet d'identifier les "barrières à l'entrée" du système. Plus largement, il s'agit de comprendre les rétributions et gratifications des experts en développement dans un contexte de travail conflictuel. La thèse vise enfin à montrer les rôles des experts en développement, et plus largement de l'expertise dans le processus de régulation et de légitimation du système de l'aide. En analysant aussi bien la rhétorique experte des acteurs de l'aide, que le rôle du recours à l'expertise dans le gouvernement du système, ce travail vise à démontrer l'existence d'un gouvernement expert de l'aide publique au développement. Ce dernier repose sur un "éthos" des "développeurs" qui en tant qu' "éthos global" fait une large part à la nouvelle idéologie néolibérale du New Public Management.

    Gaëlle Dequirez, Nationalisme à longue distance et mobilisations politiques en diaspora : le mouvement séparatiste tamoul sri lankais en France (1980-2009), thèse soutenue en 2011 à Lille 2 en co-direction avec Éric Meyer, membres du jury : Jean-Gabriel Contamin, Michel Hastings, Christophe Jaffrelot et Nira Wickramasinghe    

    Cette thèse porte sur le mouvement séparatiste tamoul sri lankais en France, depuis son émergence au début des années 1980 jusqu'à 2009. L'enjeu est de comprendre les ressorts du nationalisme à distance tel qu'il est diffusé par les associations tamoules de la région parisienne qui ont soutenu les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE). Il est aussi de questionner le concept de nationalisme à longue distance. A partir d'une enquête reposant principalement sur des entretiens et de l'observation directe, ce travail propose notamment une analyse du fonctionnement interne du mouvement et de ses relations externes. C'est d'abord le projet identitaire et politique du nationalisme eelamiste qui est défini, ainsi que la façon dont les leaders pro LTTE ont diffusé cette idéologie nationaliste dans l'ensemble de la diaspora tamoule. Le succès des discours séparatistes ne peut cependant se comprendre sans une analyse des dispositifs qui permettent en France d'ancrer la nation tamoule dans la vie quotidienne des migrants. Cette thèse montre ainsi que le mouvement nationaliste tamoul fonctionne comme une institution dans laquelle les comportements de dévouement sont valorisés, mais aussi dans laquelle la possibilité d'investissements différenciés est aménagée. Enfin, cette étude montre comment le mouvement eelamiste en France a été amené à se reconfigurer sous l'effet des relations externes établies à différentes échelles d'action.

    Nira Wickramasinghe, Un monde en tension. Légitimité et légitimation des pratiques et discours du monde des affaires français en Afrique depuis les années 1990, thèse soutenue en 2011 à Paris 1 

    Quentin Delpech, A Puro Golpe! , thèse soutenue en 2011 à Paris 1  

    Dès les années 1960, de nombreuses marques étasuniennes ont en effet externalisé leur production au Sud dans le sillage de nombreux accords de libre-échange. Au-delà de la recherche de foyer de main d'œuvre docile et bon marché, cette externalisation au Sud de la production a permis de mettre à distance des consommateurs du Nord les conditions concrètes, souvent déplorables et régulièrement illégales, de fabrication d'un ensemble de produits qui leur sont destinés - l'électronique et l'habillement notamment. La dé localisation d'activités vers des pays du Sud n'a ainsi pas seulement répondu à l'injonction de la recherche du moindre coût, elle a facilité l'externalisation des scandales potentiels au regard des conditions de travail et, plus généralement, du respect des nonnes du travail. Pourtant, cette mise à distance alliée aux conditions souvent hostiles aux mobilisations dans le monde du travail au Sud n'a pas enfoui définitivement la question des droits des travailleurs. Bien au contraire, au cours des années 1990, le mouvement antisweatshop, composé d'acteurs hétérogènes (des syndicats, des associations d'étudiants et de consommateurs, des organisations religieuses en autres) est parvenu à imposer dans l'espace public américain la cause des travailleurs du Sud. Dès la fin des années 1980, parallèlement à des campagnes de sensibilisation des consommateurs américains, des syndicats internationaux et américains se sont lancés dans des campagnes de syndicalisation de travailleurs du Sud employés directement dans des usines de sous-traitance d'opérations productives de multinationales de l'électronique et de l'habillement en particulier dans les sweatshops d'Amérique centrale notamment. Entre 1990 et 2005, on comptait près de cent campagnes de ce type dans les pays du bassin des Caraïbes visant essentiellement des grandes marques américaines. Cette thèse décrit l'origine et le fonctionnement concret de ces campagnes de syndicalisation dans le contexte répressif du Guatemala.

    Erik Kennes, Fin du cycle post-colonial au Katanga, RD Congo , thèse soutenue en 2009 à Paris 1 en co-direction avec Bogumił Jewsiewicki-Koss  

    La thèse essaie de répondre à la question de la nature et des transformations de l'opposition katangaise à l'Etat central en RD Congo depuis l’indépendance. Le lien fondamental est exploré avec les structures de l'Etat colonial et post-colonial, qui semblent toucher à leur fin avec le régime de Joseph Kabila. Cette opposition est analysée dans la forme de l'identité katangaise positive (mémoire des anciens « empires ») et négative (opposition aux non autochtones). Ensuite et surtout, la survivance de l'identité positive est liée aux actions des oppositions armées à l'extérieur qui sont l'expression de la partie sud et nord de la province. L'accès au pouvoir de Laurent Kabila sonne le glas de ces oppositions mais les transforme par leur intégration dans l’État central.

    Laure Bereni, De la cause à la loi , thèse soutenue en 2007 à Paris 1  

    L'adoption des lois «sur la parité» (1999 et 2000) est une énigme: quand il émerge en France au début de la décennie 1990, le slogan de parité (au sens d'égalité arithmétique des deux sexes dans les assemblées élues) apparaît utopique, en raison de son caractère présumé contraire à «l'universalisme républicain». La thèse explore les logiques de transformation de cette revendication initialement marginale en dispositif institutionnel. La catégorie d'«espace de la cause des femmes», qui désigne l'ensemble des collectifs luttant au nom des femmes et pour les femmes, permet de saisir à la fois l'hétérogénéité des actrices, des lieux et des investissements pour la parité (traversant les frontières entre les univers associatif, étatique, partisan, académique. . . ) et les liens qui les unissent (par le jeu des multipositionnalités et des réseaux). On montre que la structure intersectionnelle de l'espace de la cause des femmes éclaire la légitimation de la parité.

    Ariane Debourdeau, Prendre en compte l'environnement dans la sphère du produire , thèse soutenue en 2007 à La Rochelle  

    Cette thèse étudie différents dispositifs socio-techniques de normalisation et de régulation des discours et des pratiques de la Sphère du produire (Jonas) – et plus spécifiquement des entreprises – en matière d’environnement et de développement durable (systèmes de management, reporting, labellisation, etc. ). Elle s’attache à décrire finement la mise en réseau de ces dispositifs, i. E. Leur médiation par des textes formulés et véhiculés par des acteurs hétérogènes. Cette architecture textuelle complexe est « traduite » dans les pratiques environnementales des entreprises – qui sont autant de nouvelles extensions du réseau. La méthodologie adoptée est de type ethnographique, sous la forme de trois monographies décrivant des « politiques » environnementales d’entreprises. Il s’agit d’y interroger la problématique environnementale comme instance potentielle de politisation de la Sphère du produire, ainsi que les instruments de la preuve d’un « engagement ». Cette recherche porte donc sur des formes hybrides de l’action publique environnementale, prenant appui sur des compromis entre rationalité économique, innovation scientifico-technique et mise en indicateur. À la textualité, se superposent des formes de mise en calcul et en mesure de l’environnement qui supposent d’interroger leurs prémisses, via « l’enquête technique », à la fois dématérialisée (statistiques et indicateurs environnementaux) et rematérialisée en re-pensant la notion d’essence technique. In fine, la relation de coproduction du marché et de l’environnement se dessine comme pragmatique du « moindre mal », sorte de compromis minimal quant à la possibilité d’une éthique écologique de la Sphère du produire.

    Julien Meimon, En quête de légitimité , thèse soutenue en 2005 à Lille 2 

    Sandrine Gousset, Sociabilités bourgeoises et investissements "philanthropiques" , thèse soutenue en 2004 à La Rochelle  

    Cette thèse porte sur les clubs Rotary pris comme “objet carrefour” et étudiés sous divers angles, notamment comme espace de sociabilité bourgeoise et espace politique à la fois national et transnational. Elle vise en particulier à faire progresser la connaissance des sociabilités bourgeoises. La thèse comporte cinq parties consacrées respectivement à la spécificité de l'objet et aux difficultés à l'approcher, au recrutement et aux caractéristiques de cette population, à sa sociabilité, aux liens entre sociabilité et politisation, et à la dimension philanthropique et internationale de l'action rotarienne. L'auteure s'appuie sur un travail de terrain de quatre ans, avec une véritable immersion quasi ethnographique dans le milieu, et utilise diverses approches théoriques pour étudier cet objet longtemps ignoré des sciences politique et sociales.

  • Camille Popineau, Faire la guerre, faire l'État : sociohistoire de la rébellion des forces nouvelles de Côte d'Ivoire (1990-2020), thèse soutenue en 2023 à Paris 1 sous la direction de Gilles Dorronsoro et Richard Banégas, membres du jury : Sandrine Lefranc (Rapp.), Jacobo Grajales Lopez (Rapp.), Ricardo Soares de Oliveira et Didier Péclard  

    L’auteure propose une sociohistoire de la rébellion des Forces nouvelles en Côte d’Ivoire (2002-2011) et interroge la façon dont la guerre a changé la trajectoire de l’État ivoirien du début des années 1990 à aujourd’hui. En analysant la trajectoire des acteurs et des groupes sociaux actifs dans la rébellion, cette thèse donne à voir l’évolution du champ politique ivoirien. D’abord, les trajectoires de ces acteurs avant, pendant et après la guerre montrent que, si la guerre amène à une reconfiguration des élites dirigeantes, elle n’affecte que marginalement les critères d’entrée dans le champ du pouvoir et les modes de production et de reproduction de la classe dirigeante ivoirienne, qui passent par des logiques d’assimilation de nouveaux groupes. Ensuite, la thèse montre que les logiques de patronage continuent d’être au fondement de l’exercice du pouvoir dans la Côte d’Ivoire post-conflit, mais que les réseaux bénéficiant de ces relations de dépendance se complexifient après la guerre, en intégrant les hommes en armes à la suite des accords de paix. De ce fait, le nouveau régime qui s’impose dans l’après-guerre repose sur une économie politique violente. Ainsi, cette thèse redonne à la guerre sa place dans la compréhension des trajectoires historiques de formation de l’État et de la domination en Afrique.

    Constance Cheynel, Des catholiques en quête de respect ? : Engagements, mobilisations et stratégies de respectabilisation aux Associations familiales catholiques (1958 – aujourd'hui)., thèse soutenue en 2022 à Ecole doctorale SDOSE Paris sous la direction de Éric Agrikoliansky, membres du jury : Céline Béraud (Rapp.), Yann Raison du Cleuziou (Rapp.), Martina Avanza et Bruno Dumons  

    Cette thèse porte sur les Associations familiales catholiques, un mouvement familial créé au début du XXe siècle afin de défendre les valeurs de la « doctrine familiale de l’Église ». Membre de l’Union nationale des associations familiales depuis 1945, les AFC interpellent le gouvernement, les élus et les pouvoirs publics sur les questions de politique familiale. Elles sont également à l’initiative de grandes mobilisations contre la démocratie sexuelle. Association autonome vis-à-vis de l’Église, celle-ci n’est en position de force, ni dans le champ familial, ni dans le champ catholique, lors de l’avènement de la Ve République en 1958, date de début de notre étude. Le processus de sécularisation précoce et avancé de la France a ensuite contribué au déclin des modes de vie et des valeurs de ces catholiques, et nourri leur sentiment d’appartenir à une communauté discriminée. Pourtant, lorsque notre enquête débute en 2017, les membres des AFC représentent un groupe intégré au champ du pouvoir. Comment expliquer la montée en puissance de ce groupe de catholiques conservateur·trice·s ?Pour répondre à ce questionnement, nous mobilisons les outils conceptuels de la sociologie des mouvements sociaux dans une double perspective attentive, d’une part, à normaliser l’approche des mobilisations conservatrices et, d’autre part, à penser l’articulation entre religieux et politique. Nous analysons les réactions de ces militant·e·s à leur déclin statutaire comme une « quête de respect », non pas qu’ils·elles en soient complètement dépossédé·e·s, mais que celui-ci est à leurs yeux menacé et affaibli. Nous étudions plus particulièrement la tension entre singularisation et normalisation qui traverse les adoptées pour se respectabiliser.Cette recherche doctorale repose sur 3 principaux terrains : l’un socio-historique (1958-2005) mené à partir de la consultation des fonds d’archives privés du mouvement, et de sa correspondance avec la Conférence épiscopale disponible au Centre national des archives de l'Église de France ; l’un ethnographique, dans le cadre de trois années d’enquête auprès de la Confédération nationale des AFC et de plusieurs AFC (40 entretiens avec les militant·e·s les plus actif·ve·s, 30 observations de la vie routinière et délibérative du mouvement) ; l’autre statistique avec la passation de 2 questionnaires (n= 68 et n=174).Le manuscrit commence par présenter les ficelles de l’enquête ethnographique auprès de militant·e·s catholiques conservateur·trice·s, craintif·ve·s voire réfractaires à l’enquête sociologique, et défend l’impératif d’une posture éthique à leur égard, comme cela devrait l’être pour n’importe quel enquêté. Les données historiques, étudiées aux chapitres 2 et 3, apprennent que les AFC forment un espace de repli pour les catholiques qui souhaitent préserver leur double appartenance catholique et conservatrice. Ce rôle est en tension avec de rester des entrepreneurs de morale légitimes. Grâce à leurs capitaux sociaux, symboliques et politiques, les responsables du mouvement se sont progressivement conformé·e·s aux normes républicaines et démocratiques. Organisation ressource dans les mouvements sociaux dès les années 1970, les AFC privilégient en outre un répertoire d’action tinté d’une certaine discrétion et modération. Les matériaux recueillis lors de l’enquête ethnographique confirment et approfondissent ces analyses aux chapitres 4 et 5. Ils démontrent que les AFC occupent une position particulière dans l’espace du catholicisme : pourvoyeuses de ressources militantes, dotées d’une histoire et d’une marque symbolique forte, elles constituent des bases de repli tout autant que des infrastructures dans lesquelles des militant·e·s de différentes orientations et camps politiques peuvent consolider leurs carrières. L’organisation déploie enfin une politique de respectabilité élitiste qui valorise les militant·e·s qui incarnent le mieux une éthique de la responsabilité, adaptée aux actions politiques menées.

    Beatriz Eugenia Barrios Devia, La vie politique au prisme des leaders sociaux : sociologie de l'engagement politique dans le Cauca, Colombie., thèse soutenue en 2022 à Paris EHESS sous la direction de Benoît de L'Estoile, membres du jury : Natacha Gagné (Rapp.), Anne-Marie Losonczy (Rapp.), Bastien Bosa et Véronique Boyer-Araújo  

    Cette thèse doctorale porte sur les formes de participation sociale et politique en milieu rural et leur lien avec la question agraire colombienne non résolue. Le terrain choisi pour explorer ces dynamiques est Cajibio Cauca, dans le sud-ouest du pays, notamment les occupations de terres. Dans cette thèse, j’analyse le rôle joué par les leaders sociaux, en tant qu’intermédiaires des agents, qui participent à la mise en place de projets de société et à la politisation des populations locales. Ces dirigeants locaux promeuvent la construction des identités politiques et sociales à partir de l’appropriation du cadre légal multiculturel et de la revendication d’une identité de classe paysanne. L’analyse montre que l’enjeu est de participer à la politique locale et à la gestion des ressources du gouvernement central.Dans cette thèse, je rends compte du rapport interactif entre les différents modes de gouvernement et les pratiques de subjectivation, notamment politiques. J’y étudie, à partir d’une approche interactionnelle Goffmanienne, les parcours de vie des leaders sociaux pour montrer comment les compétences développées par ces agents sont indispensables pour mettre en œuvre des actions collectives et pour susciter l’adhésion des populations locales à leurs diverses entreprises. Les données ethnographiques de cette recherche ont été constituées entre les années 2018 et 2019 et elle s’est nourrie aussi d’une expérience professionnelle de 5 ans en tant que salariée d’ONG locale et internationale.

    Julie Castro, "Sortir dans les maquis" : politiques de lutte contre le sida et travailleuses du sexe au Mali, thèse soutenue en 2021 à Paris EHESS sous la direction de Didier Fassin, membres du jury : Fred Eboko (Rapp.), Guillaume Lachenal (Rapp.), Pascale Absi et Annabel Desgrées du Loû  

    Cette thèse met en lumière les effets inattendus des interventions menées au nom de la lutte contre le sida auprès des travailleuses du sexe, au Mali, au tournant des années 2010. Dans un contexte marqué par l’intensification de la lutte contre le VIH/sida et la mise à l’agenda des populations les plus affectées par ce virus, cette politique de santé prend alors la forme de “sorties dans les maquis”. Pour mener les enquêtes épidémiologiques, sensibiliser, et dépister les travailleuses du sexe, les équipes de lutte contre le sida se rendent dans les maquis, des établissements populaires communément associés à la prostitution où l’on vient pour consommer de l'alcool et/ou avoir des rapports sexuels. L’analyse, qui repose sur une ethnographie réalisée à Bamako entre 2009 et 2011, décrit l’encastrement de cette politique de santé mondiale dans une configuration locale singulière, et les conséquences tout à fait inattendues qui en résultent en termes de vulnérabilité structurelle et d'action publique. Je montre d’abord que les interventions mettent à mal les « arts de faire » mobilisés par les maquisardes pour atténuer les risques liés à la fréquentation de lieux très mal réputés, qu’elles font obstacle à leurs tactiques de sécurisation matérielle, et qu’elles concourent à stigmatiser un grand nombre de citadines des classes populaires. Je rends ensuite compte des écarts qui séparent les programmes sur le papier des programmes réels, en décrivant les décalages relatifs aux normes et bonnes pratiques, aux instruments, aux objectifs, et en donnant à voir les angles morts de cette politique de santé. Au fil du texte, la thèse souligne la pertinence de la méthode ethnographique qui, parce qu’elle permet d’appréhender la fabrique des effets concrets d’une politique de santé, suggère des pistes précieuses pour la transformation de l’action publique.

    Estelle Delaine, A l'extrême droite de l'hémicycle : une sociologie politique des nationalistes dans le champ de l'Eurocratie, thèse soutenue en 2021 à Paris EHESS sous la direction de Sylvain Laurens, membres du jury : Catherine Achin (Rapp.), Nonna Mayer (Rapp.), Martina Avanza et Didier Georgakakis  

    On oppose ordinairement parlementarisme et extrême droite. On admet alors que l’un et l’autre seraient distincts par essence : le parlementarisme générerait des débats, puis des décisions collectives ou progressistes, et l’extrême droite imposerait une vision rétrograde, inégalitaire et violente de et dans la société. Pourtant, dans de nombreuses configurations historiques, des extrêmes droites dures se sont structurées avant, après et pendant un passage par la voie parlementaire. Pour dépasser les dichotomies a-historiques entre « parti antisystème » et « parti du système » (catégories polysémiques et vernaculaires) et disposer d’outils d’analyses qui intègrent les manières dont un Parlement peut –à l’encontre de ses propres principes officiels - procurer des ressources à des partis de droite radicale, cette thèse propose de partir de la réalité statistique et matérielle de la présence d’élites partisanes d’extrême droite dans des Parlements. Reposant principalement sur une ethnographie menée auprès de membres d’équipes parlementaires Front national (FN) de la huitième législature au Parlement européen, cette thèse s’inscrit dans la continuité des études sur les stratégies de conquête du pouvoir par des partis d’extrême droite, s’intéressant au passage au moins partiel par la voie parlementaire. Basée sur une ethnographie de trois ans et demie au Parlement européen et dans les meetings du FN, elle défend l’idée que cette « étape parlementaire » est fondamentale pour de nombreux partis d’extrême droite. Elle constitue une étape décisive dans la formation de ses membres, étape qui a jusqu’ici peu été documentée par les sciences sociales.

    Léo Fourn, Des vies mouvementées : bifurcations et ajustements biographiques au fil des parcours militants et migratoires de révolutionnaires syrien.ne.s exilé.e.s en France et au Liban, thèse soutenue en 2020 à AixMarseille sous la direction de Sylvie Mazzella, membres du jury : Salwa Ismail (Rapp.), Mounia Bennani-Chraïbi (Rapp.), Stéphane Dufoix et Claire Bidart    

    Parmi les protagonistes du soulèvement syrien débuté en 2011, nombreux·ses ont quitté leur pays pour se réfugier dans des pays limitrophes ou plus lointains. Que deviennent ces révolutionnaires après la révolution et l’'exil ? Cette thèse porte sur les devenirs de protestataires ordinaires qui se sont mobilisé·e·s à partir de 2011, avant de se réfugier en France et au Liban. À partir d’une enquête multisituée, elle propose de retracer leurs parcours biographiques, en se concentrant plus spécifiquement sur les dimensions migratoire et militante de ces parcours. Révolution, guerre et exil marquent des bifurcations radicales impliquant une forte imprévisibilité quant à leurs devenirs. Dès lors, l'’enquête révèle la façon dont les révolutionnaires exilé·e·s s’efforcent de maintenir et de reconstruire une cohérence biographique malmenée par ces épreuves. Elle met spécifiquement en lumière les ajustements biographiques opérés via la poursuite du militantisme et la mise en récit de leurs parcours mouvementés. En définitive, il s'’agit d’analyser conjointement l'’exil de militant·e·s et le militantisme d’'exilé·e·s, dans deux contextes fortement distincts.

    Sara Panata, Le Nigéria en mouvement(s) : la place des mouvements féminins et féministes dans les luttes socio-politiques nationales (1944-1994), thèse soutenue en 2020 à Paris 1 sous la direction de Anne Hugon, membres du jury : Pascale Claire Barthélémy (Rapp.), Laurent Fourchard (Rapp.), Abosede A. George et Florence Rochefort  

    Le Nigéria en mouvement(s), revient sur le parcours de onze mouvements féminins et féministes nigérians au fil d’un demi-siècle d’action socio-politique, et tend ainsi un autre miroir à l’histoire du pays. Cette étude commence en 1944, alors que le pays est une colonie britannique, avec l’avènement d’une forme organisationnelle particulière : les mouvements de femmes nationaux et autonomes vis-à-vis des institutions et d’autres acteurs politiques. De manière singulière par rapport à d’autres pays, ce pôle associatif indépendant est l’acteur privilégié pour les questions socio-politiques liées aux femmes sur cinquante ans d’histoire. L’étude se penche sur la place que ces mouvements ont envisagé de dessiner pour les femmes au sein de la nation (coloniale puis indépendante), sur les droits qu’ils ont réclamés, et sur les chemins collectifs empruntés pour les obtenir. Hétéroclites et représentant une gamme très large d’orientations intellectuelles, ces onze mouvements se rapprochent par leur engagement contre l’infériorisation des femmes dans la société et par une volonté de parler pour toutes les Nigérianes (ou pour un large sous-ensemble à base religieuse). Au travers d’archives privées et militantes inédites, de documents coloniaux, d’histoires de vie, cette thèse montre le rôle primaire joué par ces mouvements dans la définition des citoyennetés nigérianes et invite à réexaminer la manière dont ils ont cherché à dépasser les fractures internes pour penser le pays en tant qu’ensemble unitaire. Suivant les parcours biographiques militants, ce travail amène également à considérer l’internationalisation de ces mouvements et son impact sur les mobilisations internes. À la croisée entre histoire africaine, études de genre et sociologie des mouvements sociaux, cette thèse plaide pour la révision d’une approche centrée sur les grands événements et acteurs historiques, souvent privilégiés dans l’étude des mobilisations féminines en Afrique, tels que les mouvements nationalistes pour l’indépendance ou les moments de démocratisation. Une nouvelle périodisation est ainsi proposée : les mobilisations sont envisagées comme un continuum fluctuant comprenant des phases ascendantes et descendantes, ce qui permet d’en restituer les nuances, de retracer des trajectoires intellectuelles sur la longue durée, et de comprendre les mécanismes de transmission. Ainsi, l’étude de ces mouvements dans leur continuité, en échappant à un regard téléologique qui se concentre sur les changements socio-politiques majeurs, révèle des actrices, des mobilisations, et des modes d’action occultés par l’historiographie. Cette histoire s’achève en 1994, quand cette forme organisationnelle s’essouffle, non sans avoir entre temps fait bouger les lignes de l’histoire socio-politique du pays.

    Emilien Julliard, Réformer les syndicats. Une sociologie politique du syndicalisme états-unien des mouvements sociaux des années 1960 aux années 2010, thèse soutenue en 2018 à Paris Sciences et Lettres ComUE sous la direction de Michel Offerlé, membres du jury : Sophie Béroud, Romain Huret, John Krinsky et Arnaud Mias  

    À partir d’une enquête portant sur deux syndicats majeurs et des centres universitaires spécialisés sur le syndicalisme et les relations professionnelles, cette thèse traite des transformations du syndicalisme états-unien, des mouvements sociaux des années 1960 aux années 2010. Souvent associées à l’idée d’une « revitalisation syndicale », ces mutations sont analysées ici comme des processus de mise en réforme réalisés par des acteurs pluriels (syndicalistes, universitaires, éducateurs syndicaux, consultants, militants associatifs) qui, pour des raisons différentes, ont promu un rapprochement du champ syndical de l’espace des mouvements sociaux et du monde associatif. Des stratégies et des modes d’action devant permettre de syndiquer de nouveaux membres ont été valorisés, de même que des recettes organisationnelles utilisées ailleurs (dans des entreprises et des associations principalement). Ces acteurs ont entendu faire des syndicats des organisations plus « militantes » et « efficaces », en recourant à des savoir-faire et à des représentations de mobilisations des années 1960, ainsi qu’à des dispositifs managériaux. Contrairement à d’autres contextes, notamment à cause d’une adhésion généralement obligatoire pour bénéficier d’une représentation syndicale et être couvert par les accords collectifs négociés avec les employeurs, la réponse apportée à la « crise du syndicalisme » a moins été de chercher à assimiler les adhérents actuels et potentiels à des clients d’organisations leur fournissant des services, qu’à des militants. La thèse montre que ces entreprises réformatrices ont conduit à partiellement délégitimer des pratiques syndicales, des formes d’organisation et les acteurs qui les portent. Elles ont également contribué à structurer les mobilisations syndicales sous forme de campagnes pilotées par des permanents spécialisés, où les membres ne sont bien souvent amenés qu’à jouer un rôle symbolique, éphémère et dirigé.

    Raphaël Challier, « Simples militants » : sociologie comparée de l'engagement politique (FN, JC, UMP) en milieu populaire dans la France contemporaine, thèse soutenue en 2018 à Paris 8 sous la direction de Michel Kokoreff, membres du jury : Sophie Béroud (Rapp.), Olivier Schwartz (Rapp.), Julian Mischi  

    La thèse étudie l'engagement de militants subalternes d'un point de vue politique (militants « de terrain ») et social (membres des classes populaires). Ces « simples militants », comme ils se désignent eux-mêmes, constituent des observateurs privilégiés des fractures entre les leaders politiques et les citoyens ordinaires. La thèse a consisté en l'ethnographie comparée des activités de militants (Front national, Jeunes communistes et Union pour un mouvement populaire) dans trois villes de banlieue parisienne et de Lorraine. L’observation de la vie militante ordinaire - réunions, distributions, collages, campagnes d’élections municipales – a été complétée par des entretiens et des comptages localisés. La thèse se divise en deux parties. La première se compose de trois chapitres d’analyse localisée du politique qui décrit le contexte socio-politique des engagements des enquêtés et les différences sociales au sein des collectifs observés. La seconde partie se découpe en deux chapitres comparatifs qui interrogent les tensions opposant la « tête » et la « base » des organisations étudiées en prêtant une attention particulière à restituer les dimensions de domination et d’autonomie qui caractérisent l'expérience des militants subalternes. En mettant en lien la construction des hiérarchies politiques avec les rapports de classe en milieu militant, la thèse invite à différencier l’étude des militantismes selon les milieux sociaux et à questionner le fonctionnement classiste des partis. Symétriquement, elle interroge les recompositions des classes populaires sous l'angle de leur rapport au politique, qui reflète des séparations culturelles persistantes avec les classes aisées.

    Rebecca Ndour, Les cadres sociaux de l'ethnicité. : analyse des conditions d'émergence et de transmission de l'ethnicité par le cas des Sereer (Sénégal)., thèse soutenue en 2018 à Paris Sciences et Lettres ComUE sous la direction de Serge Paugam, membres du jury : Mamadou Diouf, Sylvain Faye et Alexandra Filhon  

    Cette thèse est partie d'une interrogation sur les modalités de transmission en milieu urbain de l’ethnicité sereer, associée par excellence à la ruralité dans le paradigme ethnique sénégalais et réputée menacée de disparition. L’approche déconstructiviste de l’ethnicité, essentielle en particulier dans l’étude des « ethnies » africaines, s’est avérée insuffisante pour une compréhension adéquate de l’expérience d’appartenance vécue par les enquêtés. Il a donc semblé pertinent de remobiliser la notion weberienne de croyance en une origine commune, qui ouvre la possibilité de réintégrer la dimension subjective de l’ethnicité vécue comme lien de filiation entre les membres du groupe et, dans un mouvement complémentaire inspiré par la théorie des liens sociaux et des régimes d’attachement, d’envisager ce lien de filiation dans sa relation avec d’autres liens caractéristiques de la vie sociale. Ainsi repositionnée, l’ethnicité peut être analysée à travers les cadres sociaux de sa formation, de sa mise en œuvre et de sa transmission, et apparaît comme un fait social à part entière s’imposant au regard du sociologue. L'enquête, menée de manière inductive auprès de personnes se disant sereer installées à Dakar et à Paris, a mené au constat d'une forte diversité dans les rapports revendiqués par les intéressés à l’ethnicité sereer. Il est apparu que ces rapports s’organisent sur le fond de la représentation idéale dominante d’une modernisation linéaire, opposant schématiquement tradition et modernité, à laquelle l'approche théorique de l'ethnicité elle-même est encore partiellement soumise. L'analyse du matériau d’enquête a ainsi conduit à la construction d'une typologie des rapports idéalisés aux origines et des modalités de transmission associées. Il en ressort qu’au niveau du groupe, l’ethnicité sereer, réinterprétée selon le cadre relationnel, international ou national, mobilise différemment les personnes s’en réclamant. A un niveau plus individuel et familial, la confrontation des discours et pratiques des enquêtés à la typologie a permis d’éclairer la manière dont les rapports aux origines, travaillés par des réalités de socialisation et de positionnement social différentes pour les membres du groupe, influencent leurs pratiques familiales de transmission et le sentiment d’appartenance ethnique des descendants. Il apparaît finalement que loin de les soustraire à la machine sociale, l’expérience ethnique met le groupe et son projet de reproduction à l’épreuve des facteurs sociaux, dans le temps et l’espace, et pose en réalité la question de ce qu’est faire société.

    Daniele Inda Marchiando, Devenir(s) autochtones. Contribution à une sociologie de l'engagement identitaire, thèse soutenue en 2018 à Paris Sciences et Lettres ComUE sous la direction de Alban Bensa et Paula López Caballero, membres du jury : Hélène Combes, François-Xavier Fauvelle et Gilles Laferté  

    Cette thèse vise à contribuer à la compréhension de l'émergence des mouvements autochtones de la deuxième moitié du XXe siècle, à partir de l'analyse des mobilisations identitaires de la population de langue huichol de Nayarit, au Mexique. Dans le prolongement de l'acquis d'une partie des travaux scientifiques sur le sujet, on observe que l'émergence de ce type de mobilisations est liée à la mise en place des politiques publiques pour la conservation et la patrimonialisation des cultures autochtones ». Néanmoins, il émerge également que l’existence de cet ensemble d’opportunités objectives ne suffit pas à rendre raison du phénomène étudié. En effet, la genèse du phénomène tient aussi à des processus de stratification sociale qui ont donné lieu à l’émergence de fractions de la population porteuses de savoirs et de savoir-faire transposables aux mobilisations identitaires, ainsi que d’une conception valorisante des cultures autochtones. L’engagement identitaire ne relève donc pas d’une logique purement instrumentale : il est aussi le produit de dispositions profondément intériorisées. Seule l’articulation de ces éléments permet de rendre raison de la genèse du phénomène. En définitive, l’émergence du mouvement autochtone étudié est donc le produit d’une sociogenèse issue d’une convergence entre différents processus socio-historiques, dont les principaux sont l’émergence d’un espace des possibles politiques favorable au développement de mobilisations à caractère identitaire et celle de fractions de la population porteuses des compétences nécessaires à l’investissement de cet espace, ainsi que d’un système de croyances favorable à la genèse d’une forme d’engagement identitaire.

    Florence Ihaddadene, La marchandisation de l'engagement des jeunes : les "dérives" du service civique à la Ligue de l'enseignement, thèse soutenue en 2018 à Paris 10 sous la direction de Valérie Boussard et Maud Simonet, membres du jury : Philippe Bezes (Rapp.), Patrick Cingolani (Rapp.), Frédéric Lebaron      

    Cette thèse se propose d’éclairer la transformation des fédérations associatives et de leur relation à l’État à travers une monographie de la mise en œuvre du service civique à la Ligue de l’enseignement entre 2012 et 2016. En analysant l'idée d'une "dérive" évoquées par les acteurs du dispositif, cette recherche montre les effets de cette politique sur les bénéficiaires, les travailleurs et les organisations. Il s’agit de montrer comment le développement de ce dispositif, dans un contexte de new public management, entraîne dans une association comme la Ligue de l’enseignement une rationalisation des moyens humains et financiers qui servent en fin de compte sa « performance ». La première partie de la thèse présente le contexte dans lequel est créé le dispositif : l’absence de politique globale de la jeunesse et les transformations organisationnelles des associations permettent un consensus global autour du service civique. La seconde partie dévoile le travail gratuit sur lequel s’appuie la mise en œuvre du dispositif : celui des volontaires, en quête d’indépendance, des tuteurs, managers chargés d’invisibiliser le travail qu’ils doivent valoriser, et des référents dont la professionnalisation est empêchée par la standardisation des processus. La dernière partie montre les mécanismes de marchandisation de l’engagement des jeunes : d’un côté, la gestionnarisation masque la mise en concurrence des fédérations, d’un autre, les marchés publics masquent le monopole de la Ligue de l’enseignement. Un épilogue présente les enjeux de la mondialisation de ces volontariats par un pays « exportateur d’aide humanitaire » et leur impact sur l’ethnicisation d’un marché du travail international.

    Aurélien Raynaud, Engagement et conversion politique en conjoncture critique , thèse soutenue en 2017 à Lyon sous la direction de Bernard Lahire  

    La présente thèse vise à comprendre les ressorts sociaux de la conversion politique d’un pionnier de la Résistance, le journaliste Emmanuel d’Astier (1900-1969). Issu de l’aristocratie catholique et conservatrice, proche de l’Action française et journaliste bohême auteur d’articles antisémites et antirépublicains dans l’entre-deux-guerres, d’Astier est en 1940 lefondateur d’une des premières organisations de résistance à l’occupation nazie. Á l’avant-garde de l’antivichysme sous l’Occupation, haut dirigeant de la Résistance, d’Astier devient à la Libération député et compagnon de route du Parti communiste. Son engagement dans la Résistance joue un rôle majeur dans sa conversion politique. Pour comprendre la trajectoire d’Emmanuel d’Astier, il convient d’entrer dans la fabrique sociale de l’acteur, c’est-à-dire de décortiquer les mécanismes et processus continus de la construction sociale de sa personne. Dans cette perspective, il s’agit d’abord de considérer le temps long biographique au cours duquel l’individu est socialement façonné par les multiplesexpériences qu’il est amené à vivre. Il s’agit ensuite d’analyser comment le temps court de l’engagement résistant s’articule au temps long de l’expérience biographique. Ainsi, l’un des enjeux de ce travail est de comprendre à la fois les conditions sociales de possibilité et les incidences biographiques de l’engagement contestataire en contexte autoritaire et critique.Articulant sociologie de la socialisation et sociologie de l’action collective, cette thèse interroge in fine les multiples façons dont histoires sociales individuelles et histoires sociales collectives se percutent, et comment les cheminements des trajectoires individuelles dépendent de ces rencontres.

    Chadia Boudarssa, Entre travail et engagement, les acteurs expatriés et nationaux de solidarité internationale au Maroc : volontaires, salariés, bénévoles et stagiaires. Le cosmopolitisme à l'épreuve ?, thèse soutenue en 2017 à Sorbonne Paris Cité sous la direction de Patrick Cingolani, membres du jury : Matthieu Hély (Rapp.), Maud Simonet (Rapp.), Michel Peraldi  

    Dans cette enquête ethno-sociologique sur la solidarité internationale au Maroc auprès de 24 ONG (de nationalités française, espagnole, italienne, canadienne et marocaine), nous avons pris le parti de focaliser notre recherche sur les expatriés et le personnel national (de 9 nationalités différentes) en tenant compte du sens que donnent les acteurs à cet engagement et ces pratiques de solidarité internationale tout en restituant les parcours et les conditions sociales de l’entrée dans la solidarité internationale.La première partie sera consacrée à la description du cadre d’intervention des ONG internationales au Maroc et les catégories objectives du personnel humanitaire : volontaire, stagiaire, bénévole et salarié. Puis, nous présenterons les processus de recrutement et les activités menées dans les ONG internationales tels qu’ils sont décrits par les acteurs. En définitive, nous questionnerons la tension entre travail et engagement, l’enchantement et le désenchantement.Dans un deuxième temps, nous nous attacherons à décrire les caractéristiques sociologiques des 68 acteurs humanitaires rencontrés en mettant en exergue les déterminants objectifs et subjectifs de l’engagement et du travail dans ce domaine d’activité. Nous finirons par établir une typologie des pratiques de la solidarité internationale donnant à voir un éthos commun d’une communauté partageant des affinités et des expériences culturelles d’autre part nous envisagerons les acteurs de la solidarité internationale comme un groupe professionnel.Enfin, la troisième section sera consacrée à questionner d’une part la pratique migratoire que constitue la mission de solidarité internationale et d’autre part les capitaux et pré-dispositions nécessaires pour la concrétiser. Nous montrerons que l’analyse du travail et de l’engagement via le cosmopolitisme permet de comprendre le sens à la fois objectif et subjectif que revêt ce type d’activité expatriée. Finalement, le travail en ONG est un moyen pour se réaliser et s’émanciper entre filiation et désaffiliation. Alors que cette action transnationale, orientée en valeurs et vers les autres, suppose une rencontre cosmopolite réussie, nous examinerons, à l’aune de la vie quotidienne, les décalages entre la rencontre attendue et la rencontre réalisée.

    François Enten, LES SYSTÈMES D’ALERTE PRÉCOCE (SAP) EN ÉTHIOPIE COMME JEUX D’ACTEURS, DE NORMES ET D’ÉCHELLES - Fabrique et usage des chiffres de l’aide alimentaire en Éthiopie (2002/2004 et 2016), thèse soutenue en 2017 à Paris EHESS sous la direction de Jean-Pierre Olivier de Sardan, membres du jury : Éloi Ficquet, Rony Brauman et Sabine Planel  

    Les Systèmes d’alerte précoce (SAP) sont des dispositifs d’évaluation de la sécurité alimentaire permettant de guider les décideurs humanitaires et gouvernementaux dans le ciblage de l’aide alimentaire d’urgence, grâce à des analyses quantifiées et cartographiées. Analysé au travers du prisme sociologique, le SAP est lu comme un système expert flou permettant de stabiliser des consensus institutionnels dans des environnements incertains, grâce à son investissement de forme chiffré et cartographié. La thèse est articulée autour de l’hypothèse centrale que le SAP éthiopien participe aux stratégies d’extraversion de l’aide internationale par l’État-Parti, renforçant ses capacités de contrôle et d’encadrement des populations et de l’administration. Cette hypothèse est vérifiée au travers d’analyses de jeux d’acteurs – les experts en charge du ciblage de l’aide, agissant comme des courtiers de développement situés aux interfaces institutionnelles multiples – , au travers des normes professionnelles, pratiques et sociales mobilisées lors des exercices d’évaluation, et des jeux d’échelles passant du micro au macro. Une première partie démontre comment le registre technico-scientifique du SAP découle des représentations techniques et apolitiques des famines et de l’évolution du régime de l’aide alimentaire internationale. L’exploration ethnographique de la pratique des agents révèle que les normes officielles du SAP éthiopien relèvent d’une hybridation entre des normes humanitaires et des normes de la bureaucratie éthiopienne. Les généalogies des normes humanitaires et de la bureaucratie éthiopiennes conduites au travers d’analyses sociologiques, anthropologiques et historiques, mettent en exergue comment le registre technique permet d’agréger ces deux mondes institutionnels, en occultant toute dimension politique. Un retour ethnographique détaillant les jeux de normes montre comment leur articulation par les agents, le long des échelles de la hiérarchie, est présidée par l’empirisme et la négociation, aménageant les marges de manœuvre aux kadre du Parti, pour influer discrètement sur les résultats et le ciblage de l’aide. À l’échelle villageoise, nous verrons comment le ciblage de l’aide renforce l’encadrement et le contrôle des populations par les kadre. Enfin, nous reviendrons sur les enjeux méthodologiques des enquêtes de terrain conduites par un ancien humanitaire.

    Aurélien Raynaud, Engagement et conversion politique en conjoncture critique, thèse soutenue en 2017 sous la direction de Bernard Lahire, membres du jury : Annie Collovald (Rapp.), Laurent Douzou    

    La présente thèse vise à comprendre les ressorts sociaux de la conversion politique d’un pionnier de la Résistance, le journaliste Emmanuel d’Astier (1900-1969). Issu de l’aristocratie catholique et conservatrice, proche de l’Action française et journaliste bohême auteur d’articles antisémites et antirépublicains dans l’entre-deux-guerres, d’Astier est en 1940 lefondateur d’une des premières organisations de résistance à l’occupation nazie. Á l’avant-garde de l’antivichysme sous l’Occupation, haut dirigeant de la Résistance, d’Astier devient à la Libération député et compagnon de route du Parti communiste. Son engagement dans la Résistance joue un rôle majeur dans sa conversion politique. Pour comprendre la trajectoire d’Emmanuel d’Astier, il convient d’entrer dans la fabrique sociale de l’acteur, c’est-à-dire de décortiquer les mécanismes et processus continus de la construction sociale de sa personne. Dans cette perspective, il s’agit d’abord de considérer le temps long biographique au cours duquel l’individu est socialement façonné par les multiplesexpériences qu’il est amené à vivre. Il s’agit ensuite d’analyser comment le temps court de l’engagement résistant s’articule au temps long de l’expérience biographique. Ainsi, l’un des enjeux de ce travail est de comprendre à la fois les conditions sociales de possibilité et les incidences biographiques de l’engagement contestataire en contexte autoritaire et critique.Articulant sociologie de la socialisation et sociologie de l’action collective, cette thèse interroge in fine les multiples façons dont histoires sociales individuelles et histoires sociales collectives se percutent, et comment les cheminements des trajectoires individuelles dépendent de ces rencontres.

    Sandrine Vinckel, La violence et le silence : politiques de réconciliation, relations interpersonnelles et pratiques sociales de coexistence au Katanga, RDC, thèse soutenue en 2016 à Paris 1 sous la direction de Richard Banégas, membres du jury : Benjamin Rubbers (Rapp.), Élisabeth Claverie (Rapp.), Sandrine Lefranc  

    A partir de l'étude des interactions quotidiennes entre Katangais et Kasaïens, après les violences de masse perpétrées contre les Kasaïens « non originaires» au début des années 1990, la thèse montre que les Katangais et les Kasaïens mettent en œuvre, dans le cadre de leurs interactions en face-à-face (Goffman), des pratiques de coexistence fondées sur l'évitement, le silence et les non-dits. Le silence sur les violences passées et l'évitement des sujets politiques interprétables en fonction du conflit entre les deux communautés constituent en fait une norme interactionnelle de coexistence pacifique, à rebours de l'injonction au dialogue et à la compréhension mutuelle, qui est au cœur des pratiques des ONG de pacification « par le bas». La thèse montre également que dans certains contextes politiques ou socio-économiques macros constituant des situations de crise (Dobry ; Vidal), se produit un phénomène de polarisation des identités collectives : les Katangais et les Kasaïens ne sont alors plus perçus que par rapport à leur origine ethno-régionale. L'anticipation du déroulement des situations d'interaction devient plus difficile, du fait de I' « incertitude structurelle» qui caractérise ces situations de crise; et les pratiques routinisées de coexistence fondées sur l'autocensure et l'évitement tendent à diminuer. A partir de ces conclusions, la thèse interroge les injonctions morales à la réconciliation et au dialogue, qui sont à l'œuvre dans les théories et pratiques de pacification «par le bas», et la possibilité même d'une réconciliation «par le bas», diffusant de proche en proche une « culture de la paix » qui finirait par imprégner toute une société.

    Sadio Soukouna, Les bâtisseurs locaux du lien entre migration et développement : la coopération décentralisée d'Île-de-France au prisme des alliances stratégiques entre migrants maliens et pouvoirs locaux dans la région de Kayes au Mali, thèse soutenue en 2016 à Paris 1 sous la direction de Jérôme Valluy et Patrick Gonin, membres du jury : Mahamet Timera (Rapp.), Stéphane Dufoix (Rapp.), Céline Thiriot  

    La déconstruction des liens de coopération entre les pouvoirs publics locaux et les migrants s'opère dans cette thèse par l'étude des réseaux d'alliance stratégiques en France et au Mali. Ils sont à l'origine du processus d'institutionnalisation de la migration et du développement dans les dispositifs locaux de coopération internationale dans la région de Kayes au Mali. L'engagement de ces acteurs met en lumière la multiplicité des stratégies de légitimation et la divergence des intérêts. La cohabitation de ces différentes rationalités permet d'étudier la dimension stratégique de cette alliance au prisme des luttes d'influence, de pouvoir, de résistance à la domination, d'identification et d'auto-identification. Cette recherche montre que malgré leur hétérogénéité, ces éléments contribuent de manière paradoxale à unifier les acteurs de la configuration locale de la migration et du développement. L'étude de cas de la coopération décentralisée entre la région de Kayes, la région d'Île-de-France et les ressortissants de la région de Kayes en France est mobilisée pour révéler l'importance stratégique de l'alliance créée entre migrants, pouvoirs locaux et ONG. Elle permet notamment de cerner les tensions, conflits et relations d'interdépendance au cœur des changements et des recompositions de la coopération décentralisée franco-malienne depuis maintenant trois décennies. La spécificité de cette coopération est finalement mise en exergue au moyen de l'étude de cas comparative des modes d'engagement français et canadiens dans le développement local au Mali.

    Hugo Bréant, Les chemins internationaux de la mobilité sociale : expériences de mobilité et d'immobilité sociale dans les parcours migratoires comparés d'émigrés comoriens et togolais, thèse soutenue en 2016 à Paris 1 sous la direction de Jérôme Valluy, membres du jury : Muriel Darmon (Rapp.), Emmanuelle Santelli (Rapp.), Mahamet Timera et Choukri Hmed  

    Cette thèse prend pour objet les parcours biographiques d'émigrés comoriens et togolais, en s'intéressant à la double dimension de ces mobilités internationales, entendues à la fois comme des processus de mobilité spatiale et comme des trajectoires de mobilité sociale. Pour étudier ces mobilités, l'enquête a été menée en France et dans les deux pays d'origine. Près de 200 récits de vie, complétés par des observations au sein des familles, ont pu être réalisés auprès de non-émigrés, d'émigrés, d'émigrés de retour et de leurs proches. La recherche questionne le franchissement des frontières internationales comme moyen de s'affranchir des frontières sociales nationales, c'est-à-dire les manières dont les émigrés s'approprient la mobilité internationale et peuvent converti leurs expériences migratoires en ressources leur permettant de s'engager dans un processus de mobilité sociale ascendante. Cette enquête souligne que les histoires migratoires nationales, les conditions politiques restrictives de la mobilité internationale et les dispositions familiales à la migration se combinent pour construire des parcours inégaux. La comparaison multidimensionnelle entre des émigrés originaires de deux pays, aux propriétés sociales diverses, met d'abord en lumière l'influence centrale des histoires familiales et du milieu social d'origine des émigrés dans l'explication des parcours individuels. L'enquête démontre par ailleurs que les mobilités internationales conduisent les émigrés à traverser plusieurs espaces sociaux et nationaux et à s'engager dans des trajectoires qui mêlent à la fois des expériences d'immobilité et de mobilité sociale. Au-delà de ces expériences individuelles contrastées, la thèse indique enfin que la migration participe tout autant à reproduire les inégalités qu'à brouiller les frontières sociales du pays d'origine.

    William Herrera Ríos, S'emparer des "absents" : la construction du Secrétariat national du migrant de l'Equateur (2007-2013) entre compétitions politiques, concurrences bureaucratiques et fragilités d'une innovation institutionnelle, thèse soutenue en 2016 à Paris 1 sous la direction de Michel Dobry, membres du jury : David Garibay (Rapp.), Gioconda Herrera Mosquera (Rapp.)  

    Cette thèse se consacre à la gestation et au destin d'une institution étatique conçue pour la gestion de l'émigration et l'encadrement des rapports de l'État équatorien avec ses ressortissants à l'étranger -le Secrétariat national du migrant de l'Équateur (Senami) -et aux activités que cette institution a déployées à ces fins. Au moment où le Senami est créé en mars 2007 par le président Rafael Correa, l'enjeu consiste à assembler une institution «transnationale» capable d'agir au plus près des émigrés comme pour s'emparer des«absents» ou des «oubliés de la Patrie», pour reprendre le langage des acteurs, et les intégrer à l'État d'origine ainsi qu'à l'entreprise politique de la "Révolution citoyenne" dirigée par Correa. Disposant du soutien présidentiel, tout aurait laissé à croire que le Senami bénéficiait des conditions favorables pour se développer au sein de l'État. Or, six ans après sa création, l'acte de disparition de la jeune institution est signé en juin 2013 par celui-là même qui en était l'un de ses principaux promoteurs au départ, le président Correa. Le processus de construction institutionnelle du Senami et les efforts déployés pour l'installer durablement dans l'appareil étatique sont ainsi au cœur de cette thèse. Nous nous attacherons en particulier aux luttes politiques autour de la place de l'émigré en Équateur ainsi qu'aux compétitions bureaucratiques au cours desquelles non seulement se définit l'enjeu migratoire et la politique censée l’encadrer, mais se joue aussi le devenir de l'institution conçue pour les émigrés.

    Patrice Diatta, Du gouvernement des banlieues à l’émergence des périphéries dans la gouvernance urbaine mondiale ?. Mises en récits du global et singularités des champs politiques nationaux. : Mises en récits du global et singularités des champs politiques nationaux, thèse soutenue en 2016 à Sorbonne Paris Cité sous la direction de Cécile Blatrix, membres du jury : Alain Faure (Rapp.), Gilles Massardier (Rapp.), Maurice Engueleguele, Catherine Laurent et Antoine Pécoud    

    Face aux crises sociales, écologiques et politiques liées au processus d’urbanisation, on assiste au développement d’une sorte de consensus international autour de la « démocratie participative » comme une des meilleures pratiques (best practices) de gestion politique pour relever les défis. L’objet de cette thèse consiste à convoquer à la fois la sociologie des réseaux de politiques publiques pour voir dans quelles conditions et par quelles catégories de groupes d’acteurs se diffuse à l’échelle mondiale et locale ce principe participationniste à prétention universelle, et le courant des instruments d’action publique pour questionner l’idée d’une convergence des dispositifs participatifs conçus comme des outils stabilisés voire labellisés de gestion publique locale. C’est à ces questions que va tenter de répondre la présente recherche à partir de l’analyse de la « démocratie participative » dans trois politiques municipales de trois communes à la périphérie de grandes métropoles : Nanterre (en région parisienne), la Commune I (du District de Bamako) et Yeumbeul-Nord (dans la région de Dakar). Ces trois villes populaires sont toutes membres d’un réseau transnational d’élus locaux de périphérie — Le Réseau FALP - dont le discours politique antilibéral préconi des étropo1es plus inclusives.

    Fabien Carrié, Parler et agir au nom des « bêtes » : production, diffusion et réception de la nébuleuse idéologique « animaliste » (France et Grande-Bretagne, 1760-2010), thèse soutenue en 2015 à Paris 10 sous la direction de Bernard Pudal, membres du jury : Fabrice Bensimon (Rapp.), Dominique Guillo (Rapp.), Laurent Jeanpierre et Gisèle Sapiro    

    On propose une sociogenèse de la nébuleuse idéologique « animaliste », une histoire sociale de l’idée de représentation politique des bêtes au Royaume-Uni et en France depuis la seconde moitié du 18ème siècle jusqu’à la période contemporaine. Le point de départ de l’étude réside en un constat, à savoir l’existence de rapports et de représentations différenciés à l’animal de chaque côté de la Manche. Ces rapports et représentations s’objectivent dans le niveau de développement des mobilisations collectives pour la libération et le droit des animaux, puissant au Royaume-Uni, faible en France. Il s’agit ici de rendre compte des logiques sociales de production, diffusion, réception et réappropriation, d’une configuration nationale à l’autre, des acceptions successives de l’idée de porte-parolat des bêtes. L’examen des trajectoires, propriétés et positions des agents et des groupes qui se sont saisis de cette idéologie, articulé à l’analyse interne de leurs prises de position, met au jour les enjeux des luttes engagées autour de la prise de parole au nom de l’animal, la prescription des interactions appropriées entre les hommes et les bêtes permettant aux producteurs de l’idée d’affirmer, par analogies, une définition légitime du monde social . En s’attachant à suivre les processus pluriels à l’aune desquels est structurée la nébuleuse, on peut ainsi expliquer les modalités de naturalisation ou non de l’idée de porte-parolat des bêtes en France et au Royaume-Uni et rendre compte des mécanismes de l’universalisation des idéologies au sein des configurations nationales.

    Raphaël Botiveau, Negotiating union South Africa’s National Union of Mineworkers and the end of the post-apartheid consensus, thèse soutenue en 2014 à Paris 1 sous la direction de Richard Banégas et Claudio Pellegrini, membres du jury : T. Dunbar Moodie (Rapp.), Ida Regalia (Rapp.), Elodie Béthoux  

    Cette thèse de doctorat s’intéresse au principal syndicat sud-africain, le National Union of Mineworkers (NUM), fondé en 1982. Partant de ses premières années, au cours de la dernière décennie du régime d’apartheid, elle retrace sa trajectoire, en tant qu’organisation syndicale, dans l’après apartheid. L’industrie des mines emploie aujourd’hui près d’un demi-million de travailleurs en Afrique du Sud et cette recherche, entamée à l’automne 2009, a été marquée par les grandes grèves de mineurs qui ont débuté en janvier 2012. Plusieurs mines de platine visitées avant et, pour certaines, après ces conflits, ont été affectées et, notamment, celle où a été perpétré le « massacre de Marikana ». Le 16 août 2012, des unités de la police antiterroriste ont ouvert le feu sur les grévistes et tué 34 mineurs. Cette répression étatique d’une violence inégalée depuis l’apartheid n’a pas pour autant mis un terme aux grèves qui ont atteint leur paroxysme au cours du premier semestre 2014.

    Vanessa Jérome, Militants de l’autrement : sociologie politique de l'engagement et des carrières militantes chez Les Verts et Europe écologie-Les Verts (EELV), thèse soutenue en 2014 à Paris 1 sous la direction de Frédérique Matonti, membres du jury : Julien Fretel (Rapp.), Sylvie Ollitrault (Rapp.), Frédéric Lebaron  

    Mêlant approche biographique et enquête ethnographique, et combinant les concepts d'habitus, d'institution et de carrière, nous avons analysé l'ensemble des logiques sociales, biographiques et partisanes qui structurent l'engagement et les carrières des militants verts. Retraçant leurs trajectoires sociales depuis la création du parti en 1984, nous avons découvert la présence prépondérante d'(ex)-catholiques et de plusieurs générations distinctes de soixante-huitards. En ascension sociale et souvent politisés très tôt, il partage les dispositions à l'ascèse et à l'empathie avec les minorités actives qui leur permettent de résister à la dureté du processus d'idéologisation et de socialisation partisane. Forts de la restructuration de leur habitus sur le monde "minoritaire", les militants s'envisagent comme une avant-garde politique et sociale, et entendent se distinguer dans l'espace des (prise de) positions politiques en incarnant un idéal de "politique autrement". Ils forment un collectif toujours renouvelé - mais numériquement constant - de militants intéressés à l'élaboration d'une offre politique autonome et à la compétition électorale. Acquérant ou reconvertissant quelques capitaux, ils entrent en politique, en faisant le plus souvent valoir quelque expertise sectorielle, et élaborent et mettent en œuvre les politiques publiques dont ils ont la charge. Mais rapidement cantonnés dans des "niches" politiques et institutionnelles malgré un apprentissage réussi du métier politique et une capacité à jouer stratégiquement de leurs différents rôles, ils ne parviennent généralement qu'à se maintenir dans le statut coûteux de (semi)professionnels de la politique.

    Elsa Rambaud, Médecins sans frontières : Sociologie d'une institution critique, thèse soutenue en 2013 à Paris 1 sous la direction de Michel Dobry, membres du jury : Didier Demazière (Rapp.), Laurent Jeanpierre (Rapp.), Patrick Lehingue et Isabelle Delpla  

    Première ONG de secours médical d'urgence, MSF est de ces organisations qui ont institutionnalisé la critique. Les courants sociologiques les plus opposés y ont vu une activité « extra - ordinaire» dont les ressorts seraient essentiellement idéels. Mettant à mal cette hypothèse unificatrice, MSF permet d'étudier l'ancrage social de ces pratiques. On étudie la construction par ses leaders d'une position d'avant-garde dans le champ humanitaire. Dotée d'un centre de recherche, MSF dispose de sa grammaire - entendue ici dans un sens métaphorique et de ses « grammairiens ». L'un dans l'autre, elle peut déployer de magistraux coups critiques comme l'arrêt de sa collecte pour le tsunami. L'analyse des dispositions et du charisme critiques du « Roi René )) des MSF, Rony Brauman, s'avère indispensable à la compréhension des « instances» associatives dédiées à cette activité. Elle repose aussi sur une répartition incertaine des espaces de travail et un ensemble de techniques de fragmentation du pouvoir. Après avoir analysé le «jeu du rappel à l'ordre )), on verra les MSF composer avec les attentes critiques de l'ONG. Ces différentes adaptations éclairent un cens critique qui n'est pas sans effet sur les opérations de MSF. La critique étant indissociable de l'exercice du pouvoir, son étude donne la clef d'une gouvernance interne ponctuée de« crises» et nourrie d'attachements puissants à MSF. Croisant sociologie des relations internationales, du militantisme et de la critique à l'appui de cette normalisation épistémologique, cette thèse repose sur une série d'entretiens et de discussions informelles, différents fonds d'archives et de nombreuses observations de type ethnographique.

    Sümbül Kaya, La production militaire du citoyen : sociologie politique de la conscription en Turquie, thèse soutenue en 2013 à Paris 1 sous la direction de Gilles Dorronsoro, membres du jury : Hamit Bozarslan (Rapp.), Michel Offerlé (Rapp.), Muriel Darmon et Marc Bessin  

    En Turquie, la conscription est un principe à valeur constitutionnelle qui est considéré comme un droit et un devoir pour chaque citoyen turc de sexe masculin. Ce dernier est dans l’obligation de servir sous les drapeaux l’année où il atteint ses vingt ans, même s’il réside à l’étranger. Par ailleurs, le lecteur serait peut-être surpris de savoir que ces rites festifs ne découlent pas de la mise en place du service obligatoire en 1924, ils étaient quasi inexistants avant les années 1990 et leur apparition coïncide avec la contre-insurrection contre les séparatistes kurdes dans le sud-est du pays.L’objet de ce travail est précisément de comprendre la conscription (askerlik) à partir des années 1980 comme expérience socialisatrice pour les conscrits, comblant un vide dans les études, pourtant nombreuses, qui portent sur l’armée turque.

    Kadidiatou Ali Gazibo, La régionalisation de la paix et de la sécurité internationales post-guerre froide dans le cadre de la CEDEAO : la construction d'un ordre sécuritaire régional, entre autonomie et interdépendance, thèse soutenue en 2013 à Paris 1 sous la direction de Yves Viltard, membres du jury : Thomas Lindemann (Rapp.), Mahaman Sanoussi Tidjani Alou (Rapp.)  

    Ce travail a pour objectif d'analyser la nature et l'ampleur des tentatives d'institutionnalisation d'un régime régional de sécurité dans le cadre de la communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Elle part du constat que la fin de la guerre froide et la globalisation ont provoqué un changement dans la nature de la conflictualité et changé la donne pour l'ONU et les grandes puissances dans le domaine du maintien de la paix. Face à la multiplication des conflits internes et régionaux, on observe l'émergence de nouveaux acteurs de sécurité qui leur contestent le monopole des opérations de maintien de la paix et de la sécurité. En Afrique de l'Ouest, sous l'action de la CEDEAO, on assiste à partir de 1990 à la "sécurisation" progressive d'enjeux non militaires (politique, social, économique et environnemental) avec comme objectif, la mise en place d'une communauté de sécurité. En nous appuyant sur les cas empiriques d'interventions de la CEDEAO au Libéria, en Sierra Léone et en Guinée-Bissau entre autres, nous analysons pourquoi et comment la régionalisation des opérations de paix a produit des transformations, notamment une politique d'intégration et une reformulation des enjeux sécuritaires dans la région. Cela nous conduit à appréhender la CEDEAO comme région et comme acteur de sécurité dans le champ des relations internationales. En recourant à différentes approches (fonctionnalistes, constructivistes, réalistes), nous explorons d'une part le processus régional de sécurisation au plan empirique et institutionnel, et d'autre part les difficultés, les apprentissages et les jeux d'acteurs dans le champ des opérations de paix. Dans la mesure où ce dernier est ouvert et investi par différents acteurs, se pose également la question de la coordination de leurs interventions.

  • Aykız Doğan, L'étatisation turque dans l'entre-deux-guerres et ses acteurs : construire un ordre mondial par l'expertise, thèse soutenue en 2022 à Paris 1 sous la direction de Roser Cussó, membres du jury : Jay Rowell (Rapp.), Philippe Bourmaud, Claire Visier et Martine Kaluszynski  

    Cette thèse s’appuie sur une enquête multisituée et archivistique et met en dialogue différents travaux scientifiques français, turcs et anglo-saxons en sociologie, histoire et science politique. Examinant le rôle de l’expertise étrangère et des acteurs internationaux dans l’édification d’un État-nation, la thèse s’inscrit dans un domaine de recherche qui n’a pas été étudié en profondeur. L’étatisation turque de l’entre-deux-guerres constitue un exemple d’internationalisation des pays qui, après avoir affirmé leur indépendance politique, se sont construits comme État-nation selon des modèles et des structures internationales hégémoniques. À travers plusieurs études de cas dans les domaines de la statistique, de la justice, de l’éducation et de l’industrialisation, nous analysons le rôle de l’expertise et des acteurs internationaux qui contribuent à la traduction des modèles internationaux dans le contexte national turc et participent de diverses manières à la construction de l’État. Nous observons les interactions et la rencontre de ces acteurs externes avec une culture politique préexistante et ses élites. Ce travail permet de situer et de saisir les conditions de la construction d’un nouvel État et d’une nouvelle économie dans un contexte global, et d’observer les stratégies d’internationalisation de celui-ci pour renforcer sa compétitivité sur la scène internationale. Ce questionnement sur le passé permet de mieux comprendre, non seulement la Turquie contemporaine, mais aussi l’ordre international actuel.

    Clémentine Lehuger, L'Etat "magnégné" : Imaginaires, pratiques et rapports à l'Etat à Mayotte, thèse soutenue en 2022 à Paris 1 sous la direction de Delphine Dulong et Florence Brisset-Foucault, membres du jury : Patrick Le Lidec (Rapp.), Stéphanie Guyon  

    La thèse étudie le champ politique local dans le département de Mayotte, en considérant ce microcosme insulaire comme un observatoire privilégié de l’État « au concret » aussi bien qu’idéalisé. En questionnant la dialectique centre-périphérie constitutive de la catégorie « outre-mer », que l’on retrouve dans les discours et les pratiques locales, cette thèse montre en effet comment l’État et ses agents se « réinventent » en outre-mer, à travers entre autres ce qui est souvent désigné sur place comme du « bricolage » (magnégné, en shimaoré). Attentive à l’histoire aussi bien qu’à ses usages politiques, la thèse décrit au moyen d’entretiens, d’observations et d’archives les différents rapports à l’État ainsi que les diverses formes de participation au gouvernement du territoire des agents de l’État métropolitain.es (préfecture, rectorat), de ses représentant.es loca.ux/les (élu.es et agents des collectivités territoriales), mais aussi de ses habitant.es (mahorais.es, « expatrié.es »). Elle analyse ainsi les luttes symboliques, sociales et politiques dans lesquelles l’État est pris à Mayotte, et via lesquelles il se déploie, proposant ainsi une redéfinition du gouvernement des marges en contexte post-colonial.

    Damien Riccio, La condition clandestine : une ethnographie des travailleurs migrants à Mayotte, thèse soutenue en 2022 à Bordeaux sous la direction de Antoine Roger et Benoît de L'Estoile, membres du jury : Michael Joshua Lambek (Rapp.), Ronan Hervouet, Antoine Hochet et Stéphanie Guyon  

    Ce travail de recherche ethnographique porte sur l’emploi, à Mayotte, de la main d’oeuvre migrante en provenance des îles voisines des Comores. Cette main d’oeuvre est localement qualifiée de « clandestine ». Pourtant, elle répond à un ensemble de besoins particuliers dans un contexte de déploiement rapide de dispositifs de politique publique, conséquences de la départementalisation de Mayotte. Si les travaux en matière de migration de travail se sont ordinairement intéressés aux raisons de l’exil et à ses effets sur les logiques migratoires, ou inversement aux relations entre les conditions accordées aux populations migrantes dans la société d’accueil et les processus d’acculturation et d’assimilation, l’objet de ce travail invite à une perspective différente. En effet, il ne s’agit pas seulement de se placer du point de vue des migrants, mais de rendre compte de l’ensemble des processus sociaux et historiques qui configurent la place de cette main-d’oeuvre dans la société mahoraise. La place et le traitement accordés à cette catégorie de population seront analysés au prisme des transformations structurelles qui traversent la société mahoraise depuis la départementalisation de ce territoire en 2011. En effet, le déploiement rapide des politiques publiques qui accompagnent cette transformation statutaire tendent à redéfinir les logiques de distribution des ressources parmi les populations locales. Traditionnellement, la société mahoraise, au même titre que les sociétés comoriennes, s’est construite sur un modèle stratifié, impliquant donc des accès inégaux aux ressources pour les membres qui composent cette société, en fonction de la position sociale de chacun. Or, les effets de normalisation qui accompagnent la départementalisation tendent à imposer une logique différente en termes de distribution des ressources : le modèle traditionnel de la stratification tend à être remplacé – au moins théoriquement – par un modèle « égalitaire » ne limitant pas l’accès aux ressources à la position sociale des acteurs. Ce travail de recherche propose d’analyser les effets de cette contradiction apparente sur la main d’oeuvre migrante. Partant du postulat que l’entretien et le renouvellement de la force de travail sont des éléments indispensables au fonctionnement et au maintien de toute économie, quelles sont les évolutions et les adaptations mises en oeuvre par la main d’oeuvre migrante face aux transformations imposées par la départementalisation ?

    Côme Salvaire, The plebeian metropolis : a residual sociology of popular autonomies in Lagos and Mexico City, thèse soutenue en 2021 à Paris Institut détudes politiques sous la direction de Patrick Le Galès et Laurent Fourchard, membres du jury : Diane E. Davis (Rapp.), Claire Bénit-Gbaffou et Javier Auyero  

    A la fin des années 1990, Mexico et Lagos se sont vues accorder une autonomie politique importante par leurs États respectifs. Plutôt que guidée par « par le haut », par l’articulation de leurs élites économiques à la nouvelle mondialisation, leur autonomisation a opéré « par le bas », mue par la disjonction entre leurs classes populaires paupérisées et les institutions étatiques. Dans chaque ville, à partir du début des années 1980, la politique populaire et la régulation socioéconomique ont en effet connu un processus de reterritorialisation dans les quartiers sous l’effet de l’informalisation et de la densification des enjeux de régulation localisés. Les mécanismes de régulation populaires qui se développèrent ne purent être pleinement accommodés par les États ; ils ont joué un rôle prépondérant dans l’ouverture de processus d’institutionnalisation urbains. Par l’ethnographie, nous examinons divers mécanismes populaires d’autorégulation des économies d’« urban mining » qui se sont développées dans les deux villes à partir des années 1980. Qu’elles soient ou non intégrées directement aux partis politiques des élites politiques urbaines renouvelées, ces formes de régulation populaire doivent être comprises à un niveau meso plutôt que comme des fragments d’informalité, de prédation, de corruption, de clientélisme ou de violence. Elles servent la reproduction d’ordres de régulation relativement autonomes, dont l’intégration politique joue un rôle inextricable tant dans l’activation que dans la contrainte des processus de formation continue des institutions de gouvernement urbain, invitant une reconsidération de l’idéal-type wébérien de la « ville plébéienne ».

    Mamadou Alimou Diallo, Gouverner les étrangers au Maroc : les Subsahariens au guichet, et au-delà, thèse soutenue en 2021 à Paris 10 sous la direction de Béatrice Hibou, membres du jury : Mohamed Tozy (Rapp.), Richard Banégas, Michel Agier, Abdellali Hajjat et Danièle Lochak    

    Pourquoi choisir le thème de l’immigration pour étudier la formation de l’État au quotidien et les transformations des façons de gouverner dans le Maroc contemporain ? Le territoire marocain est réputé être une « passoire » où transitent toutes les catégories d’étrangers indésirables dont la seule ambition serait de passer massivement dans les pays européens, un territoire aux frontières désormais connues pour être « mortifères ». En revanche, on sait peu de choses sur la façon dont les populations étrangères y sont gouvernées, administrées et contrôlées par une diversité d’acteurs qui mettent en œuvre une pluralité de dispositifs de pouvoir dans des espaces hétérogènes. De la wilaya à la médina, du consulat aux tranquillos, du camp aux guichets,de la gare routière aux frontières, de la forêt au centre-ville, du quartier à la chambre d’un faussaire ou d’un passeur, de l’agence d’un professionnel de l’immobilier (semsar, concierge, bailleur et agent immobilier) au bureau d’un professionnel du droit (avocat, notaire, adoul), de la rue au bureau d’une association, de la cafétéria à la mosquée, du centre d’enfermement au tribunal, du lieu de travail au bureau d’un syndicat, émerge un archipel qui donne à voir des figures improbables, des espaces insolites, des pratiques illégales, des dispositifs bricolés et des acteurs pluriels, qui collaborent et s’affrontent, négocient la frontière, contournent et transgressent les règles juridiques et les normes sociales. L’accès à ces espaces met en rapport des acteurs en position de pouvoir et en situation d’intermédiation avec des étrangers en quête de ressources et de services : avoir accès à la nationalité marocaine ; faire reconnaitre son enfant illégitime auquel l’État refuse la nationalité marocaine ; demander une autorisation de séjour ou un visa de travail ; demander un certificat de résidence ; louer un appartement ou acheter un bien immobilier interdit à une catégorie d’étrangers ; hériter des biens laissés par un étranger décédé ; aider la police à identifier un migrant décédé ; acheter un ticket de bus pour voyager aux frontières ; solliciter une assistance sociale et matérielle auprès d’une association ; demander la régularisation ; se faire fabriquer des faux papiers d’identification…Si la gestion de l’immigration est instantanément associée aux bureaux et aux guichets des étrangers, aux législateurs et aux services de sécurité ainsi qu’aux cours et aux tribunaux, le gouvernement des étrangers invite quant à lui à aller au-delà de ces acteurs et lieux bureaucratisés, spécialisés et institutionnalisés. À partir du cas marocain, cette thèse met en lumière ce que gouverner les étrangers veut dire au quotidien ; comment, concrètement, ce processus ne se réalise que par une multiplicité d’intermédiaires, par une hybridation de pratiques d’acteurs évoluant dans des espaces hétérogènes et par la coexistence de diverses façons de penser les étrangers. Elle souligne également combien la situation contemporaine ne peut se comprendre qu’en tenant compte de la trajectoire historique propre au Maroc, et notamment tout l’héritage colonial et des premières années d’indépendance. Nourrie d’enquêtes multi-situées, variant les échelles et combinant ethnographie, archives, entretiens et observation participante, cette thèse montre que la politique d’immigration d’un État ne se mesure pas uniquement au regard des pratiques des grands commis de l’État et de ses agents qui la mettraient en œuvre au « guichet » et dans les bureaux de l’administration publique, mais qu’elle ne se comprend qu’en intégrant dans l’analyse les pratiques et les façons de gouverner d’acteurs hybrides et privés, issus du monde associatif et du monde des affaires ainsi que les tactiques employées par les migrants eux-mêmes. L’originalité de cette thèse tient à sa capacité à tenir ensemble toutes ces échelles de gouvernement.

    Herry Malo, Verdir la société : les organisations environnementales nationales à la croisée des champs, thèse soutenue en 2021 à Rennes 1 sous la direction de Romain Pasquier et Julien Weisbein, membres du jury : Simon Persico (Rapp.), Nathalie Berny et Michel Grossetti  

    Cette thèse s'intéresse à l'espace social formé par les associations et les fondations environnementales nationales. En articulant méthodes qualitative (entretiens, corpus documentaire) et quantitative (analyse des réseaux sociaux), elle étudie selon quelles modalités et sous quelles conditions ces organisations parviennent, individuellement et en tant qu'espace, à créer des dynamiques d'autonomisation face aux hétéronomies historiques qui les caractérisent. À travers une approche structurale, elle montre que cet espace éclaté s'organise en deux pôles. Alors que le premier rassemble des organisations qui valorisent des formes d'autonomie vis-à-vis des champs limitrophes (administratif, économique, syndical, scientifique et reste du monde associatif), celles du second pôle revendiquent l'ouverture de l'espace comme moyen d'accomplir leur mission sociale, en l'occurrence accompagner ces champs dans leur transition écologique. Pour l'ensemble des organisations, les relations avec les champs externes sont vectrices d'injonctions qui viennent contraindre leur action, et particulièrement les dynamiques de coopération. Sous certaines conditions, elles parviennent toutefois à se saisir de ces multiples allégeances comme d'une ressource qui vient renforcer leur capacité d'action stratégique. Le croisement de cette pluralité de contraintes et des capacités d'action différenciées des organisations favorisent le maintien d'une diversité des modèles organisationnels. En faisant discuter théorie des champs, analyse structurale et néo-institutionnalisme en sociologie des organisations, ce travail contribue à l’étude des spécificités de l’action collective dans des espaces à l’autonomie faible et variable.

    Lucille Gallardo, Africagay contre le sida , thèse soutenue en 2020 à Paris 10 sous la direction de Catherine Deschamps et Christophe Broqua  

    Cette thèse s’intéresse aux collaborations inter-associatives franco-africaines de lutte contre le sida et propose d’étudier leurs singularités. Elle s’arrête sur le cas du réseau Africagay contre le sida qui regroupe, depuis la fin des années 2000, une vingtaine d’associations d’Afrique francophone et les associations françaises Aides et Sidaction, mobilisées pour défendre la cause homosexuelle sur le continent africain. À partir d’une enquête ethnographique qui associe l’observation des activités du réseau dans plusieurs pays et à différentes échelles, à des entretiens et au dépouillement de fonds d’archives, elle propose une analyse socio-historique et relationnelle des déterminants et des effets de l’engagement transnational. La thèse envisage les collaborations franco-africaines au prisme d’une dialectique mêlant interdépendances et asymétries. Interdépendantes pour se légitimer dans l’espace international de lutte contre le sida, les associations et les personnes prises dans ces collaborations ne sont pas égales. "L’international" constitue une ressource socialement distinctive. Elle profite davantage aux personnes et aux organisations qui sont dans les positions les plus avantagées dans leurs espaces nationaux respectifs et au sein du collectif. Néanmoins les pratiques d'extraversion, considérées comme un sens pratique de l'action sous contrainte, permettent aux personnes les moins dotées socialement de tirer profit de cette forme d'action collective. Au croisement des sociologies de l’international, des mobilisations, et de l’aide internationale, cette thèse permet de comprendre comment se perpétuent et se redéploient des proximités singulières et des rapports de pouvoir caractéristiques des relations franco-africaines, d’un point de vue non-substantialiste

    Lucille Gallardo, Africagay contre le sida, thèse soutenue en 2020 sous la direction de Catherine Deschamps et Christophe Broqua, membres du jury : Patrice Pinell (Rapp.), Laëtitia Atlani-Duault, Christophe Benavent et Hakan Seckinelgin      

    Cette thèse s’intéresse aux collaborations inter-associatives franco-africaines de lutte contre le sida et propose d’étudier leurs singularités. Elle s’arrête sur le cas du réseau Africagay contre le sida qui regroupe, depuis la fin des années 2000, une vingtaine d’associations d’Afrique francophone et les associations françaises Aides et Sidaction, mobilisées pour défendre la cause homosexuelle sur le continent africain. À partir d’une enquête ethnographique qui associe l’observation des activités du réseau dans plusieurs pays et à différentes échelles, à des entretiens et au dépouillement de fonds d’archives, elle propose une analyse socio-historique et relationnelle des déterminants et des effets de l’engagement transnational. La thèse envisage les collaborations franco-africaines au prisme d’une dialectique mêlant interdépendances et asymétries. Interdépendantes pour se légitimer dans l’espace international de lutte contre le sida, les associations et les personnes prises dans ces collaborations ne sont pas égales. "L’international" constitue une ressource socialement distinctive. Elle profite davantage aux personnes et aux organisations qui sont dans les positions les plus avantagées dans leurs espaces nationaux respectifs et au sein du collectif. Néanmoins les pratiques d'extraversion, considérées comme un sens pratique de l'action sous contrainte, permettent aux personnes les moins dotées socialement de tirer profit de cette forme d'action collective. Au croisement des sociologies de l’international, des mobilisations, et de l’aide internationale, cette thèse permet de comprendre comment se perpétuent et se redéploient des proximités singulières et des rapports de pouvoir caractéristiques des relations franco-africaines, d’un point de vue non-substantialiste

    Juliana Lima Vaz de Carvalho Pinheiro Moreira, La fabrique sociale et politique de la paix : la reconversion autoritaire du régime angolais dans le post-guerre, thèse soutenue en 2019 à Paris 1 sous la direction de Richard Banégas, membres du jury : Didier Péclard (Rapp.), Ricardo Soares de Oliveira et Sandrine Lefranc  

    Cette thèse analyse les processus socio-politiques ordinaires qui régissent à la fois les « temps de guerre » et les « temps de paix ». Nous faisons l’hypothèse que dans les États marqués par un conflit de longue durée, celui-ci structure de manière durable les formes et les rapports de domination, cristallisant des habitus sociaux et politiques, et que l’arrivée de la paix, parce qu’elle bouleverse l’ordre politique institué, inaugure une période de fluidité politique, caractéristique des processus de transition. Interrogeant ce que la guerre et la paix font à l’ordre social et politique dans le cadre du processus de formation de l’État angolais nous montrons cependant que ce fut la préservation du statu quo du régime angolais après l’arrivée de la paix qui a permis d’éviter une éventuelle crise politique. Explorant l’hypothèse de la reconversion autoritaire du régime de José Eduardo dos Santos nous montrons que le renouvellement des pratiques de domination des formes d’exercice du pouvoir du temps de la guerre en temps de paix est à la base des processus de légitimation de son hégémonie politique et de l’extension de celle-ci sur l’ensemble du territoire angolais, pour la première fois intégralement sur contrôle du régime. In fine, nous montrons que l’articulation entre imaginaires de paix et politiques de sortie de conflit du régime angolais contribue à la fabrication de la paix et de la stabilité politique.

    Francis Sanseigne, Inventer une cause, (dé)faire une loi , thèse soutenue en 2019 à Lyon sous la direction de Jacques Michel  

    Le but de cette thèse est de comprendre les conditions d’adoption de la « loi Neuwirth » en décembre 1967 qui dépénalise le libre recours à des moyens de contraception. La modification d’un dispositif légal qui remonte à la loi 1920 renvoie à l’existence d’une relation de pouvoir dotée d’une forme historiquement datée, et partant, socialement construite, qu’il convient d’aborder comme telle pour expliquer sa transformation. Sa formation n’est en effet pas concevable avant la fin du XIXème siècle dans le cadre du processus de nationalisation et d’étatisation de la société. Dès lors, comprendre l’adoption de la « loi Neuwirth » suppose de rendre compte à la fois de la constitution des conduites procréatrices en objet légitimed’intervention étatique, de décrire relationnellement l’invention de la cause contraceptive dans les années 1950, et de saisir les rapports qui peuvent s’établir entre, d’une part, les individus et groupes mobilisés en faveur de cette dernière et, d’autre part, les gouvernants. Bref, saisir pleinement une relation de pouvoir et sa transformation exige de produire une analyse à parts égales des éléments qui la composent en les traitant comme des espaces en interdépendance. Ce travail socio-historique à la croisée de la sociologie des mobilisations, de la sociologie de l’Etat et la sociologie de l’action publique, se base sur l’exploitation de nombreux fonds d’archives, la construction et l’analyse de deux bases données et la réalisation d’entretiens.

    Verena Richardier, Le souci d’autrui en miettes – Capitalisme émotionnel et division du travail humanitaire depuis Lyon, Pékin et Bamako, thèse soutenue en 2019 à Lyon sous la direction de Laurence Roulleau-Berger, membres du jury : Didier Demazière (Rapp.), Laëtitia Atlani-Duault et Jean-Paul Payet  

    L'action humanitaire des organisations intermédiaires, situées entre donateurs et donataires d'un don de plus en plus strictement financier, s'est peu à peu adaptée aux dispositifs de biopouvoir des gouvernements. Profession chargée de normes gestionnaires, orientée notamment par une exigence, non pas de profit, mais de rentabilité, elle s'est progressivement divisée et spécialisée. Une même organisation et certains de ses partenaires locaux sont ainsi observés depuis Lyon, Pékin et Bamako. Intégrée dans une écologie de professions , cette ONG a ainsi été analysée avec ses partenaires financiers et ses partenaires de mises en œuvre, dans l’objectif de toujours tenir ensemble les situations, contextes et processus de globalisation à l’œuvre. Cette thèse explore ainsi l’institutionnalisation d’un mode de gouvernance particulier, reposant de plus en plus sur les émotions individuelles des travailleurs et de leurs « bénéficiaires ». En effet, elles sont essentielles pour animer un travail permanent de négociations. Elles inscrivent ainsi ce gouvernement humanitaire dans un capitalisme des émotions, déployé au-delà des frontières extérieures entre pays et des frontières intérieures, entre privé et professionnel.

    Francis Sanseigne, Inventer une cause, (dé)faire une loi, thèse soutenue en 2019 sous la direction de Jacques Michel, membres du jury : Frédéric Pierru (Rapp.), Catherine Achin et Bernard Lahire    

    Le but de cette thèse est de comprendre les conditions d’adoption de la « loi Neuwirth » en décembre 1967 qui dépénalise le libre recours à des moyens de contraception. La modification d’un dispositif légal qui remonte à la loi 1920 renvoie à l’existence d’une relation de pouvoir dotée d’une forme historiquement datée, et partant, socialement construite, qu’il convient d’aborder comme telle pour expliquer sa transformation. Sa formation n’est en effet pas concevable avant la fin du XIXème siècle dans le cadre du processus de nationalisation et d’étatisation de la société. Dès lors, comprendre l’adoption de la « loi Neuwirth » suppose de rendre compte à la fois de la constitution des conduites procréatrices en objet légitimed’intervention étatique, de décrire relationnellement l’invention de la cause contraceptive dans les années 1950, et de saisir les rapports qui peuvent s’établir entre, d’une part, les individus et groupes mobilisés en faveur de cette dernière et, d’autre part, les gouvernants. Bref, saisir pleinement une relation de pouvoir et sa transformation exige de produire une analyse à parts égales des éléments qui la composent en les traitant comme des espaces en interdépendance. Ce travail socio-historique à la croisée de la sociologie des mobilisations, de la sociologie de l’Etat et la sociologie de l’action publique, se base sur l’exploitation de nombreux fonds d’archives, la construction et l’analyse de deux bases données et la réalisation d’entretiens.

    Anne Monier, Mobilisations philanthropiques transnationales , thèse soutenue en 2016 à Paris EHESS sous la direction de Michel Offerlé  

    Notre thèse renouvelle l'analyse de la philanthropie, en offrant une perspective « par le bas » de celle-ci, la concevant comme relation de mobilisation. Fondé sur une enquête qualitative (entretiens, ethnographie, archives, analyse de documents) menée en France et aux Etats-Unis, ce travail se centre en particulier sur le cas des associations d'American Friends des institutions culturelles françaises. Croisant une thématique bien investie par les travaux sur la philanthropie individuelle nationale (la relation et les acteurs philanthropiques) avec une perspective transnationale, notre thèse pose la question suivante : Qu'est-ce que le transnational « fait » à la mobilisation philanthropique ? Elle interroge ainsi la manière dont la philanthropie au-delà des frontières conduit à une forme particulière de mobilisation des élites. Elle démontre que la mobilisation philanthropique transnationale nécessite la mise en œuvre d'une forme d'intermédiation diplomatique. Participant au renouvellement des études sur la diplomatie, en les croisant avec la littérature sur l'intermédiation, notre thèse dévoile les liens étroits qui existent entre philanthropie et diplomatie. S'intéressant aux acteurs, elle contribue à la sociologie des élites à travers l'analyse des luttes de pouvoir, des hiérarchisations et modes de distinction des élites dans une perspective transnationale. S'appuyant sur une approche compréhensive, elle met également en avant le rôle des représentations dans les relations inter- et transnationales. Enfin, adoptant une approche écologique, elle contribue aux réflexions sur les transformations de l'Etat, et notamment les reconfigurations public / privé.

    Cindy Morillas, Individualisation versus Démocratisation ? : conditions et formes du militantisme étudiant en situation autoritaire (Cameroun, 1962-2014), thèse soutenue en 2015 à Bordeaux sous la direction de Dominique Darbon, membres du jury : Olivier Fillieule (Rapp.), Marie-Émmanuelle Pommerolle  

    Dans les situations démocratiques, « militer » et « mobiliser » tendent à être quasi synonymes de« contester ». L’analyse des militantismes étudiants en situation autoritaire au Cameroun remet cettereprésentation en cause. En nous appuyant sur l’opposition entre mobilisations contestataires etconservatrices et sur une approche sociohistorique de militantismes étudiants en situation autoritaire surcinquante années, nous distinguons deux types d’associations étudiantes. Les associations étudiantes« autonomes » sont initiées par des étudiants tandis que celles « institutionnelles » le sont par desautorités universitaires. Au sein des rares associations étudiantes autonomes, le militantisme« autonome » promeut la négociation de compromis avec les autorités malgré la diversité des dispositifsde contrôle. Ce type de militantisme tend à remettre en question les autorités lesquelles réagissent enlabellisant de « contestataires » ou de « subversifs » les militants et organisations autonomes. Au sein desplus fréquentes associations étudiantes institutionnelles, le militantisme « institutionnel » entretient descompromissions avec les autorités lesquelles peuvent favoriser un minimum d’ascension sociale et/oupolitique. Est ainsi assurée la reproduction politique et sociale du pouvoir en place. Contrairement à l’idéereçue selon laquelle les processus d’individualisation − en tant qu’affaiblissement des dispositifstraditionnels d’assignation des identités communautaires − favoriseraient la démocratisation, le régimeautoritaire camerounais trouve les ressources de sa pérennité dans des pratiques militantes opportunistesliées à des processus d’individualisation plus égoïste que morale. L’analyse de quarante-sept récits de viede leaders étudiants nous amène à distinguer trois types de carrière militante selon le degré de fidélité àl’un ou l’autre type d’association étudiante : le « leader fidèle », le « leader reconverti » et le « leadersyncrétique ». Les leaders fidèles autonomes et des leaders syncrétiques au sein d'associationsinstitutionnelles, plus résistants aux dispositifs de contrôle, élargissent le champ des possibles politiques,tant en termes de représentations que de pratiques.

    Ginette Patience Nkolo Asse Sosso, Les femmes entrepreneures dans la société politique camerounaise, thèse soutenue en 2015 à Bordeaux sous la direction de René Otayek, membres du jury : Laurent Vidal (Rapp.)  

    Avec le retour du multipartisme au Cameroun dans les années mil neufcent quatre-vingt-dix, l’État camerounais voit émerger des nouveaux acteursparmi lesquelles les femmes entrepreneures. L’objectif de cette thèse est dedéterminer quels enseignements structurels, les dynamiques sociopolitiquesdes femmes entrepreneures dans la sphère sociopolitique nous livrent sur lefonctionnement du système politique camerounais à l’aune du genre. A traversce questionnement, l’objectif est de voir dans quelle mesure l’entrée desfemmes en général et l’intégration des femmes entrepreneures en particulierdans le système politique entraînent un changement d’ethos de la vie politiquecamerounaise fortement imprégnée de l’ethos de la notabilité-séniorité et de lamasculinité et fortement caractérisée par la gouvernance de la manducation etla politique de l’autoreproduction.

    Sidi N'Diaye, Le passé violent et la politique du repentir en Mauritanie : 1989-2012, thèse soutenue en 2012 à Paris 10 sous la direction de Jean-Charles Szurek, membres du jury : Abdel Wedoud Ould Cheikh (Rapp.), Dominique Darbon et Sandrine Lefranc    

    Cette thèse rend compte de la crise de 1989 en Mauritanie, de ses ressorts lointains et complexes, et du processus inabouti de sortie négociée d’un conflit longtemps recouvert du voile du déni et du silence. Au-delà d’une simple histoire événementielle, elle se propose de considérer les raisons, pour parler comme George Mosse, de la « brutalisation » de la société mauritanienne, la signification dont cette violence et son exacerbation était porteuse et la « politique de réconciliation » initiée par les gouvernements successifs après la chute du président Ould Taya en août 2005. Ce travail, qui est donc une écriture de l’histoire du passé violent et de ses voies d’extrication en Mauritanie, a supposé de notre part de répondre à deux impératifs : premièrement, comprendre le sens des événements, le comment et le pourquoi. Autrement dit, travailler, tout en les interrogeant, à la restitution objective des faits. Deuxièmement, évoquer ce qu’a été la politique de l’Etat mauritanien pour faire face à son histoire problématique, faite de tensions ethniques et sociales, et trouver une issue à la crise.

    Hélène Dufournet, Gouverner sans choisir , thèse soutenue en 2011 à Cachan Ecole normale supérieure sous la direction de Jacques Commaille  

    En posant la question de l’influence des ONG sur la décision du gouvernement français d’adopter le traité d’interdiction des armes à sous-munitions à Oslo en décembre 2008, cette thèse offre l’occasion de revisiter tout un ensemble de travaux de Relations Internationales sur les conditions de succès des mobilisations transnationales dans la production et l’adoption des normes internationales. Alors que les théoriciens de relations internationales travaillent presque exclusivement sur ce qui se joue à l’échelle internationale, entre les ONG et les Etats, ce travail propose au contraire de resserrer la focale uniquement sur la prise de décision politique française. Il propose ainsi de chercher les raisons du « succès » des mobilisations transnationales non pas dans leurs caractéristiques propres, mais plutôt dans les logiques politiques et institutionnelles qui façonnent les décisions politiques nationales. Cette thèse décrit un processus de décision politique en partie imposée aux pouvoirs publics par une mobilisation transnationale. Elle montre ainsi comment l’espace des choix se restreint au point d’obliger les pouvoirs publics à adopter un traité de désarmement auquel ils auraient largement préféré se soustraire. Mais elle révèle également comment l’Etat n’en reste pas moins doté d’une capacité de gouverner qui lui permet de récupérer subtilement la main. C’est cette tension que signifie l’expression gouverner sans choisir.

    Hélène Dufournet, Gouverner sans choisir, thèse soutenue en 2011 sous la direction de Jacques Commaille, membres du jury : Vincent Simoulin (Rapp.), Françoise Dreyfus et Patrice Duran    

    En posant la question de l’influence des ONG sur la décision du gouvernement français d’adopter le traité d’interdiction des armes à sous-munitions à Oslo en décembre 2008, cette thèse offre l’occasion de revisiter tout un ensemble de travaux de Relations Internationales sur les conditions de succès des mobilisations transnationales dans la production et l’adoption des normes internationales. Alors que les théoriciens de relations internationales travaillent presque exclusivement sur ce qui se joue à l’échelle internationale, entre les ONG et les Etats, ce travail propose au contraire de resserrer la focale uniquement sur la prise de décision politique française. Il propose ainsi de chercher les raisons du « succès » des mobilisations transnationales non pas dans leurs caractéristiques propres, mais plutôt dans les logiques politiques et institutionnelles qui façonnent les décisions politiques nationales. Cette thèse décrit un processus de décision politique en partie imposée aux pouvoirs publics par une mobilisation transnationale. Elle montre ainsi comment l’espace des choix se restreint au point d’obliger les pouvoirs publics à adopter un traité de désarmement auquel ils auraient largement préféré se soustraire. Mais elle révèle également comment l’Etat n’en reste pas moins doté d’une capacité de gouverner qui lui permet de récupérer subtilement la main. C’est cette tension que signifie l’expression gouverner sans choisir.

    Aurélie Latoures, Saisir l'État en action en Afrique subsaharienne , thèse soutenue en 2008 à Bordeaux 4 sous la direction de Christian Coulon  

    La lutte contre les "mutilations génitales féminines" (MGF), érigée en cause globale, témoigne de l'insertion paradoxale des sociétés africaines sur la scène internationale. Pour autant, les politiques anti-MGF qui émergent dans les sociétés excisantes à partir des années 1990 ne sont-elles qu'une réponse automatique aux prescriptions internationales en faveur de l'éradication de ces pratiques ? Adoptant une perspective sociologique de l'action publique extravertie, le présent travail de thèse explore comment une pratique sociale et culturelle (les MGF) devient un problème et une cause mobilisatrice ; et comment cette cause est politisée, autrement dit traduite dans les champs politiques maliens et kenyans. La comparaison du passage de la "mise en sens" à la "mise en action" du problème des MGF, dans un contexte globalisé, met en évidence des trajectoires d'appropriation politique contrastée de la cause. L'appropriation est différentielle dans le cas malien - avec un cadre d'action publique "maternaliste-éducatif" dominant, faisant de la loi une option "non malienne" ; et plutôt mimétique dans le cas kenyan - avec des cadres d'action publique pluralistes moulés sur les mises en sens globales (comme par exemple le Children's Act voté en 2001). Ces différences questionnent les rapports y compris stratégiques à l'extraversion dans le gouvernement des sociétés africaines. Au-delà de la problématique des MGF, cette étude permet donc d'appréhender l'Etat au quotidien, c'est à dire en action. Concurrencé, privatisé et réduit à ses fonctions technicistes, il n'en reste pas moins ici la glue d'une gouvernalité multièniveaux négociée de la cause des MGF.

  • Thibaud Marczak, Les députés socialistes face à de Gaulle : analyse d'une décision critique (13 mai – 1er juin 1958), thèse soutenue en 2022 à Paris EHESS sous la direction de Ivan Ermakoff et Jean-Philippe Heurtin, membres du jury : Quentin Deluermoz (Rapp.), Laurent Jeanpierre (Rapp.), Brigitte Gaïti, Nicolas Rousselier et Philippe Urfalino  

    Ce travail de thèse analyse le vote d’investiture du général de Gaulle à Paris le 1er juin 1958 comme un cas empirique de « décision critique ». Il se donne pour tâche d’expliciter les processus décisionnels à l’origine des prises de position des députés socialistes. La classe des « décisions critiques » délimite un ensemble de décisions caractérisées par : 1) des risques personnels ; 2) des risques pour autrui ; et 3) un verrouillage des possibles dans l’avenir. Cette enquête évalue dans un premier temps la pertinence d’une série d’hypothèses explicatives centrées sur la culture politique héritée, les menaces et les engagements, et les interactions entre groupes parlementaires. Face à la portée explicative de chacune d’elle – c’est-à-dire à leurs apports et à leurs limites – il apparaît nécessaire de fournir une explication qui intègre ces trois types de causes mais ne s’y réduit pas. Les interactions internes au groupe, dans la mesure où elles conditionnent les effets de la culture politique, des menaces et des engagements, et des interactions intergroupes, constituent la pierre angulaire des processus décisionnels à l’oeuvre dans le groupe parlementaire socialiste. Ces derniers sont marqués par l’émergence progressive d’un clivage cognitif parmi les membres du groupe, à l’origine de leur division le 1er juin.

    Lucas Monteil, L'Espace des désirs : enquête sur la construction des homosexualités masculines en Chine post-maoïste, thèse soutenue en 2019 à Paris 8 sous la direction de Éric Fassin, membres du jury : Sébastien Chauvin (Rapp.), Tania Angeloff (Rapp.), Jean-Louis Rocca  

    Souvent pensée en termes d’ « identité » ou de « culture », « nationale » ou « mondialisée », la question homosexuelle en Chine est d’abord tributaire d’une histoire singulière : celle des significations dont l’amour de même sexe pour les hommes, l’amour et le sexe en général, ont été investis au cours de la modernisation chinoise, marquée successivement par le nationalisme modernisateur (1911-1949), la révolution maoïste (1949-1976) puis les réformes post-maoïstes de l’économie (à partir de 1978). D’abord largement « effacées » de l’espace public, les formes et représentations de la vie homoérotique ont bénéficié de nouvelles opportunités d’expression dans le contexte de libéralisation économique et d’ouverture aux échanges internationaux. Cette enquête conduite au long de six années, de 2009 à 2015, dans trois métropoles de Chine continentale - Shanghai, Pékin, Chengdu - interroge pourtant l’association tant ordinaire que savante de l’homosexualité en Chine aux sujets supposés de la modernité - jeunes, issus des nouvelles classes moyennes et globalisés. Elle met en exergue l’existence de configurations distinctes d’homosexualité masculine en Chine post-maoïste, dont les formes socio-culturelles diffèrent en fonction de leur position, plus ou moins centrale ou périphérique, dans un espace en même temps social, géographique, symbolique et trans/national en rapide transformation. La thèse montre plus largement en quoi toutes les dimensions articulées de ce que l’on peut appeler un goût érotique - comment, quoi, et qui aime-t-on, qu’est-ce qu’aimer veut dire, comment l’apprend-on et d’où cela vient-il… - se développent et s’articulent différemment dans cet espace chinois des homosexualités, de façon consubstantielle aux processus caractérisant la Chine des réformes et de l’ouverture.Les formes historiquement et socialement situées de socialisation à l’homosexualité, qui varient notamment par l’importance respective des rencontres interpersonnelles et des scénarios culturels émergents d’homosexualité, renseignent sur les transformations à l’œuvre dans le domaine des discours publics, marqués par une libéralisation politique partielle et une circulation socialement inégale. La prégnance et la banalité des échanges économico-sexuels au sein des configurations périphériques, en contraste avec la forte stigmatisation de la prostitution dans les univers centraux, illustre l’effet sur la vie érotique du profond bouleversement des conditions de production et de la structure sociale chinoise, caractérisé notamment par le développement des migrations intérieures. D’autres différences relatives aux types corporels idéaux structurent l’espace des homosexualités en présence, la prégnance de l’ « amour vieux-jeune » (laoshaolian) dans les univers périphériques tranchant en particulier avec le caractère hégémonique d’une homogamie d’âge au centre, informant l’évolution différenciée, selon la classe et la génération, des formes de socialisation primaire. L’observation de rapports différenciés au mariage hétérosexuel entre les mondes homoérotiques centraux et périphériques éclaire quant à elle les transformations de l’institution maritale et des normes sexuelles dans la période post-maoïste, marquées par l’émergence d’une norme de mariage romantique et d’amour authentique, particulièrement prégnante parmi la jeunesse des classes moyennes. La circulation transnationale des catégories sexuelles en Chine est finalement saisie sous l’angle de leur réception différenciée et des logiques situées de leur appropriation et mise en circulation à l’intérieur de l’espace des homosexualités et de l’espace national qui le détermine. L’enquête conduit ici à un retournement de l’investigation, de la contextualisation du sexe à l’éclairage du contexte, qui revient, plutôt qu’à rechercher les traits des cultures « chinoise » ou « globalisée » dans l’homosexualité chinoise, à interroger la Chine, comme la mondialisation, dans une perspective sexuelle.

    Maria Eugenia Funes, La espiritualización de lo cotidiano. Estilos de vida, experiencias espaciales y sectores medios en la periferia de Buenos Aires, thèse soutenue en 2018 à Universidad de Buenos Aires sous la direction de Patrick Michel et Verónica Giménez Béliveau, membres du jury : Mercedes Saizar, Nicolas Viotti et Jean-Philippe Heurtin  

    Cette thèse cherchera à comprendre la diffusion de la spiritualité contemporaine dans le cadre d'une série de transformations dans la vie quotidienne d'une partie des secteurs moyens argentins. L'un de ses objectifs sera la compréhension du phénomène de la spiritualité Nouvel-âge. dans les secteurs moyens argentins en tant que composant d'un mode de vie. L'un de ses objectifs sera la compréhension du phénomène de la spiritualité Nouvel-âge. Cela impliquera l'analyse des différentes façons dont les cosmovisions et les pratiques spirituelles s’articulent avec d'autres dimensions de la vie quotidienne, tels que l'éducation, la santé, le lieu de résidence et de la vie économique. Ce problème fait partie de l’augmentation de la visibilité de diverses expressions de religiosité dans les sphères publiques au cours des dernières décennies.À un niveau plus concret, la thèse cherchera à montrer l'influence des réseaux de sociabilité et des espaces de socialisationspirituelle dans la diffusion d'une cosmovision et de certaines orientations de valeur qui affectent les formes prises par les différentes pratiques de la vie quotidienne. Dans un niveau encore plus empirique, cette thèse cherchera à contribuer à la compréhension des processus d'influence mutuelle entre la religiosité, comprise comme un phénomène culturel, et les configurations de l'espace. Pour ce faire, on analysera le cas des acteurs participant à des processus de mobilité résidentielle vers une zone de la partie nord de la périphérie de Buenos Aires a partir des années 1990 en lien avec des espaces et des pratiques spirituelles. Les donnes qui sont analysés ici ont été construites à partir d'une stratégie d'enquête qualitative fondée, principalement, sur une recherche ethnographique.

    Caroline Izambert, Soigner les étrangers ? L’État et les associations pour la couverture maladie des pauvres et des étrangers en France des années 1980 à nos jours, thèse soutenue en 2018 à Paris Sciences et Lettres ComUE sous la direction de Nancy L. Green, membres du jury : Alexis Spire, Jean-Paul Gaudillière, Laure Pitti et Bertrand Taithe  

    Ce travail ambitionne de comprendre comment ont évolué les dispositifs qui permettent en france aux personnes de nationalité étrangère d'accéder à la prévention et aux soins en ville et à l'hôpital. nous nous demanderons comment et pourquoi sur une période longue un etat permet ou au contraire empêche l'accès d'une population majoritairement plus pauvre que la population générale, les étrangers, à un bien supérieur, la santé.l'objectif est de rendre compte du mouvement apparemment paradoxal que l'on observe depuis près d'une trentaine d'années : d'une part, des politiques migratoires de plus en plus restrictives et répressives, de l'autre, la santé devenue 'un des derniers refuges du droit' (didier fassin) pour les étrangers. cette période a été marquée par des évolutions législatives majeures, qui scanderont notre travail, notamment la mise en place de l'aide médicale d'etat et du droit au séjour pour soins en 1999. nous nous intéresserons aux acteurs étatiques, et en premier lieu, au ministère de la santé mais également à la sécurité sociale et aux associations qui ont joué un rôle double : elles ont mené un intense travail de plaidoyer pour le maintien et le perfectionnement des dispositifs d'accès aux soins et se sont vues délégués une partie de la dispense de soins auprès des populations étrangères. l'accès aux archives officielles étant limité du fait du caractère très contemporain du sujet, nous nous appuierons sur les fonds détenus par les organismes et les personnes privés ainsi que sur la constitution d'archives orales. s'il s'agit d'un travail d'histoire, nous intégrerons des données ethnographiques recueillies lors d'enquêtes de terrain.

    Claire Vincent, Le petit monde du développement porté par les migrants : une sociologie de la reconnaissance des « associations de migrants » dans les arènes françaises de la coopération au développement (1981-2014), thèse soutenue en 2018 à Paris 10 sous la direction de Stéphane Dufoix, membres du jury : Thomas Lacroix (Rapp.), Jean-Baptiste Meyer (Rapp.), Laëtitia Atlani-Duault et Sylvie Capitant    

    En croisant analyses d’archives, entretiens et observations ethnographiques, cette thèse fait le récit du processus de reconnaissance des associations de développement auto ou hétéro-désignées comme « de migrants » depuis 1981. Elle retrace dans un premier temps les étapes de l’élaboration, de l’expression, puis de l’audition d’une demande de reconnaissance et de participation aux arènes de la coopération française. Elle examine ensuite les conditions de la prise en main par une alliance institutionnelle et militante d’un nouveau problème public. Un cadre nouveau, celui du « développement porté par les migrants » prend place dans les arènes de la coopération dès 2002. Il se traduit par la fixation d’une grammaire de reconnaissance, de dispositifs d’appui, l’invention d’une nouvelle catégorie d’acteurs - les « OSIM » - et la création d’acteurs collectifs dédiés à leur représentation. Les luttes pour l’institutionnalisation de ce nouveau cadre sont analysées. Face à des logiques globales, nationales et locales hétéronomes, il négocie son autonomie en misant sur la décentralisation et l’adoption des normes technicienne et apolitiques dominantes. Enfin, ce travail analyse les conditions d’une parité de participation des associations de migrants aux arènes translocales de la coopération. En déconstruisant deux évidences politiques, militantes et savantes du « développement porté par les migrants » de l’action « locale » et du « lien communautaire », ce travail explore les rapports inégalitaires et ethnicisants dans les arènes de la coopération française et rend compte d’un « petit monde » caractérisé par un ordre de reconnaissance ambiguë et peu visible.

    Gabrielle Angey, Le mouvement Gülen entre la Turquie et l’Afrique subsaharienne : expériences croisées d'une institution transnationale, thèse soutenue en 2017 à Paris EHESS sous la direction de Nathalie Clayer, membres du jury : Yannick Fer et Élise Massicard  

    L’objectif de cette thèse est de montrer comment une communauté musulmane d'origine turque caractérisée par la culture du secret, l’informalité et l'action sociale s’institutionnalise dans la transnationalisation. Par une étude connectant la Turquie, l'Afrique du Sud, le Sénégal et le Kenya, il s'agit de comprendre ce que l’expansion transnationale vers l’Afrique subsaharienne et les interactions qui en émergent révèlent de l’institution tout en la recomposant, dans ses mécanismes organisationnels mais aussi dans sa capacité (ou non) à produire de la croyance et à susciter de l’engagement et des loyautés chez les Turcs comme chez les Africains.