Ali Ayoubi, Politique et cinéma en Iran, enjeux et stratégies: le cas de la Maison du cinéma, thèse soutenue en 2024, membres du jury : Seyyed Rouhollah Hosseini (Rapp.), Nahid Shahverdiani (Rapp.), Paul Bacot, Ḥasan Ḥusaynī et Hoda Zabolinezhad
Le but de ce travail de recherche est d’éclairer les relations entre acteurs politiques et acteurs du cinéma. Il s’agit d’identifier dans un premier temps ces acteurs et puis de dégager leurs caractéristiques sociales, culturelles, politiques et économiques. Nous souhaitons ainsi mettre en évidence leurs objectifs et expliciter les ressources et les contraintes qui entretiennent leurs relations. Comment s’organisent, se coalisent ou s’opposent leurs intérêts ? Quels sont les réseaux qui structurent champs politique et cinématographique, comment sont-ils organisés et articulés les uns aux autres ? Les deux hypothèses principales de cette recherche sont : a)Le principal conflit entre les courants fondamentaliste et réformiste porte sur l’étendue du contrôle de l’État sur le cinéma.B) La concurrence de ces deux approches (institutions idéologiques et semi-laïques au sein de l'État) a ouvert la voie à l'adoption de stratégies complexes pour les cinéastes, et le cinéma iranien a pu se libérer partiellement du contrôle total de l'État.L'analyse du discours et la méthodologie semi-structurée de ces hypothèses ont été étudiées. Des enquêtes ont été menées auprès de plusieurs artistes et les politiques cinématographiques iraniennes ont été examinées à différentes périodes. La fermeture de la Maison du cinéma a été étudiée comme un symbole de tension entre la politique et le cinéma, en particulier en Iran. Dans cette thèse, nous avons montré que les cinéastes iraniens sont capables de surmonter divers obstacles et de réaliser leurs films sociaux et même critiques de différentes manières avec un jeu complexe et en même temps très attractifs. L'existence de diverses institutions, parallèles et distinctes est devenue un facteur de ce jeu. Ce problème a aidé les cinéastes à trouver leur chemin entre différentes organisations et institutions politiques afin de continuer à travailler.
Mohammad Javad Shafiei, L'évaluation des relations inter-ethniques dans la vie quotidienne en Iran : trois formes de la domination ethnique., thèse soutenue en 2023 à Lyon 2 en co-direction avec Nader Vahabi, membres du jury : Firouzeh Nahavandi (Rapp.), Richard Balme (Rapp.), Samadia Sadouni
À partir du cas des tensions et des mécontentements ethniques en Iran contemporain, cette thèse interroge l’évolution des relations interethniques à travers trois formes de domination. Depuis la mise en place d’un État centraliste en Iran en 1925, les cinq groupes ethniques considérés dans cette thèse subissent trois types de domination, soit : la domination légale-bureaucratique, la domination traditionnelle-charismatique et la domination symbolique. Ce travail éclaire les processus par lesquels les dominants imposent aux dominés (des groupes ethniques non-fars) des rapports inégalitaires constants ce qui conduit immanquablement à des protestations et des conflits.
Thibault Jeandemange, Quand la musique a une signification politique : étude sur le langage musical au service de la conquête et de la conservation du pouvoir, thèse soutenue en 2018 à Lyon, membres du jury : Brigitte Vassort-Rousset (Rapp.), Philippe J. Maarek, Eric Drott et Chloé Gaboriaux
Cette thèse montre que la musique participe activement à la production des identités et des valeurs dans la communication politique pour la conquête et la conservation du pouvoir. La musique, de par sa capacité à fédérer des émotions par des rituels, fait partie des outils symboliques privilégiés dans les stratégies de production et de légitimation de l’imaginaire, afin de produire et structurer les émotions (comme le sentiment d’appartenance, la sensation de « bien-être », l’identité sociale et politique, etc.). Or, aucune théorie en science politique n’a, à ce jour, vraiment expliqué en quoi la musique est constitutive d’idées et de valeurs politiques.Riche d’un corpus empirique original pour la science politique, composé de partitions musicales et d’une centaine d’archives audiovisuelles (clips et hymnes de campagne), cette thèse propose de faire une histoire des esthétiques musicales du pouvoir et de comprendre l’articulation entre les caractéristiques musicales intrinsèques (tonalité, rythme, timbre, hauteur, volume, etc.) et les finalités politiques du pouvoir. L’étude des invariants de la musique du pouvoir amène à questionner d’une part, l’héritage historique et les fondamentaux de la musique du pouvoir et, d’autre part, les stratégiesmusicales prises dans la communication politique contemporaines en régime pluraliste.
Shahnaz Salami, Enjeux et perspectives de la politique du droit d'auteur en Iran à l'heure de la globalisation et à la lumière du droit français et international : exemple du cinéma, thèse soutenue en 2017 à Lyon, membres du jury : Fariba Adelkhah (Rapp.), Michel Vivant (Rapp.), Agnès Milhe de Saint Victor et Seyyed Rouhollah Hosseini
La reconnaissance du droit d’auteur en Iran rencontre d’importantes difficultés à l’heure de la globalisation où la standardisation du droit d’auteur au niveau international se heurte aux problématiques nationales : telle est l’idée principale de la première partie de cette thèse. Dans un premier temps, une étude du droit d’auteur en République Islamique d’Iran montre que la politique culturelle iranienne en matière de propriété littéraire et artistique s’inspire de l’approche française du droit d’auteur. Dans un deuxième temps, une analyse du droit positif international permet de constater les enjeux socioculturels, politiques et économiques qui expliquent la tendance du législateur iranien à instaurer un équilibre entre le particularisme iranien et le droit positif international par le biais d’une série de réformes. Cette partie illustre enfin les difficultés auxquelles le législateur iranien doit faire face afin de trouver une harmonisation entre les conventions internationales d’une part, et le niveau de développement du pays d’autre part. La deuxième partie de cette thèse analyse le développement du piratage cinématographique, l’essor du marché noir du film et l’évolution des réseaux de l’économie informelle de la communication qui constituent autant d’obstacles à la volonté de conformer le droit d’auteur iranien au droit d’auteur international. Le piratage des films mérite d’être vu comme étroitement imbriqué dans l’environnement social, politique, culturel et économique de l’Iran d’aujourd’hui. Telle est l’idée sur laquelle est fondée cette deuxième partie. Traversant l’histoire technologique, économique, sociale et politique du cinéma iranien, cette étude tente de découvrir les raisons du développement de l’activité pirate en Iran, ses conséquences sur l’industrie du cinéma iranien et sur la société iranienne. À travers cette analyse sur le piratage, cette thèse présente enfin ce phénomène comme une voie souterraine et méconnue par laquelle opère dans l’ombre la mondialisation culturelle en Iran. Cette analyse montre en filigrane comment les réseaux du marché pirate de films donnent corps à une « économie souterraine » organisant une mondialisation culturelle "underground" en Iran.
Nasim Nekouie Naeenie, Les enjeux de la sauvegarde du patrimoine culturel matériel en Iran depuis 1997 jusqu'en 2015, thèse soutenue en 2017 à Lyon, membres du jury : Taoufik Bourgou (Rapp.), Brigitte Vassort-Rousset (Rapp.), Valérie Colomb
La Révolution de 1979 a provoqué en Iran une vague de méfiance à l’égard des autres pays et l’hostilité envers les États-Unis a mis le pays dans une position conflictuelle avec le monde occidental. Avec l’affaire de la prise d’otages en novembre 1979, les relations entre l’Iran, les États-Unis et l’Europe ont été coupées. Tout cela n’a pas été sans conséquences sur la conservation du patrimoine culturel : si Persépolis a échappé à la destruction, en revanche le mausolée de Reza Shah a été complétement détruit par les révolutionnaires. Cependant des démarches effectuées par les spécialistes eurent pour résultat l’enregistrement pour la première fois de trois monuments historiques de l’Iran sur la liste du patrimoine mondial : Tchogha Zanbil près de Suse, Persépolis dans la province de Fars et la place de Naghsh-e-Jahan à Ispahan. Malheureusement, le déclenchement subit de la guerre avec l’Irak n’a pas laissé le temps de mettre en place les mesures de protection et pendant huit ans les sites et les monuments historiques de l’Iran ont subi quantité de dégâts.Après la guerre, jusqu’en 1997, le gouvernement de M. Rafsandjani entreprit de relever les ruines résultant de « la Guerre Imposée ». Mais l’inflation, qui pourtant ne fut à aucun moment supérieure à ce qu’elle avait été pendant « l’époque de la Construction », entraîna peu à peu la dépréciation de la monnaie et l’augmentation des inégalités sociales. Cette situation, qui empira jusqu’au gouvernement de M. Rohani, fit qu’on porta moins d’attention au patrimoine culturel. En fait, après la Révolution de 1979, les biens du patrimoine culturel de l’Iran ont été répartis en deux groupes : ceux qui pouvaient être considérés comme le patrimoine religieux, et ceux qui, antérieurs à la conquête musulmane de la Perse, n’avaient aucun rapport avec la spiritualité musulmane chiite. Les investissements pour la restauration et la protection des monuments du premier groupe n’ont été faits que pour propager le chiisme et dans le but d’influencer de plus en plus l’opinion publique, déjà sensible à la question de la religion et aux miracles des imams chiites. Cependant, bien qu’appartenant à ce groupe, certaines mosquées historiques et des caravansérails n’intéressent pas les organismes culturels du pays, du fait de leur faible rentabilité. En soi, la meilleure solution pour réaliser les plans de sauvegarde des monuments historiques serait la participation de la population, mais l’étude du lien entre la société et le gouvernement montre qu’une telle coopération dépasse largement le seul domaine culturel et prend aujourd’hui en Iran un sens politique.
Bibi Fakhereh Moussavi, Les mobilisations des femmes Afghanes nées et socialisées en Iran après la révolution de 1979., thèse soutenue en 2017 à Lyon, membres du jury : Brigitte Vassort-Rousset (Rapp.), Chloé Gaboriaux
Cette thèse porte sur la question de la mobilisation de la nouvelle génération des femmes en Afghanistan après 2001. Elle interroge d’abord l’existence d’un mouvement féministe, selon les significations des outils théoriques occidentaux. Ensuite, elle analyse la mobilisation des femmes à partir des éléments qui provoquent une mobilisation pour la transformation socialeet politique afin d’assurer les droits des femmes : ceux qui ont un impact important sur la société comme la politique ou l’économie qui ne laisse pas la place aux femmes pour s’exprimer librement. La nouvelle génération des femmes qui ont grandi sous la Révolution et les théories des révolutionnaires s’engagent progressivement dans un combat pour le droit et la démocratie sous l’influence du développement : la modernisation économique, l’éducation, l’immigration et la mondialisation.
Ljubisa Bojic, Process of Media Addiction and Its Implications to Political Participation in Serbia, thèse soutenue en 2013 à Lyon 2, membres du jury : Srbobran Brankovic et Claude Journès
L’apparition de l’internet et sa propagation sur 38,8% de la population mondiale entre 1995 et 2013 indiquent que les nouveaux médias ont causé des changements significatifs dans les sociétés à travers le monde. Les caractéristiques du nouveau medium, telles que l’interactivité et la possibilité de son utilisation de n’importe quel lieu, à tout moment, pointent la possibilité élevée de développement de l’addiction par ses utilisateurs. Les données indiquent la hausse de l’utilisation générale des médias au cours des soixante dernières années. D’autre part, pendant cette même période a été notée la baisse de la participation politique, ensemble avec le déclin de la socialisation et de la participation active dans des organisations professionnelles. Les questions de recherche sont réparties en de grandes questions, relatives à l’examen sur les personnes qui sont plus sujettes à devenir dépendantes aux medias, à découvrir si les personnes sont plus dépendantes aux medias anciens ou nouveaux et à clarifier quelles sont les conséquences de la dépendance aux médias, y compris son impact sur la participation politique. Les ouvrages des penseurs classiques ont été examinés pour servir de fondement aux hypothèses, portant une attention particulière à l’anomie, l’aliénation et la société de masse. L’examen des ouvrages de la littérature contemporaine a été focalisé sur les notions de la structure sociale moderne, de l’avancée technologique, de la mondialisation, de la déception par la démocratie, du nouveau paysage médiatique et du narcissisme. L’hypothèse principale, résultat de l’examen des perspectives théoriques différentes, indique que les changements sociaux, telle que l’apparition de la production de masse et l’expansion des medias de masse, réduisent la possibilité d’expression et augmentent la manipulation de l’intérêt du profit. Cela peut être à l’origine des frustrations qui engendrent des sortes différentes de dépendance, qui remplacent les buts non réalisés, causant ainsi la baisse de la participation politique. Cette baisse permet aux “mauvaises personnes”, qui exercent mal les fonctions représentatives, de devenir des acteurs sociaux, ce qui peut, potentiellement, causer davantage de frustrations. La recherche a été conduite à l’aide d’un sondage représentatif, mis en œuvre en Serbie en 2011. Cette étude établit une nouvelle méthodologie de mesure de la dépendance par le biais d’un seul sondage; pour la première fois, elle distingue des personnes dépendantes aux médias par le niveau de leur dépendance et la longueur d’utilisation des médias comme indices objectifs, tandis qu’elle comprend aussi des indices subjectifs.....
Élise Roullaud, La Confédération paysanne à l’épreuve de la Politique agricole commune (1987-2007) : Transformations des pratiques de représentation et du travail militant, thèse soutenue en 2013 à Lyon 2 en co-direction avec Jean-Luc Mayaud, membres du jury : Hélène Michel (Rapp.), Antoine Roger (Rapp.), Lilian Mathieu
En prenant pour objet d’étude la Confédération paysanne, cette thèse se propose d’examiner les évolutions des formes et modes de représentation des intérêts agricoles sous l’effet de l’intégration européenne. Sur la base d’une enquête de terrain croisant plusieurs méthodes (archives, entretiens, observations, questionnaire), l’étude de ce syndicat mêle l’analyse du processus d’européanisation et la sociologie des groupes d’intérêt européens à la sociologie du militantisme agricole et des mobilisations collectives. En adoptant une approche attentive aux logiques organisationnelles, configurationnelles et dispositionnelles, cette recherche rend compte de deux dimensions. La première éclaire la reconfiguration de l’action syndicale au travers de l’analyse de l’espace de la représentation agricole européenne et des modalités pratiques de l’investissement militant sur la scène politique européenne. La seconde souligne la manière dont la Politique agricole commune « travaille » la Confédération paysanne en affectant l’économie des rapports de force syndicaux internes et externes, ainsi que le travail de production des orientations syndicales, mais également le répertoire d’action syndical. Cette recherche met ainsi en évidence les processus de socialisation et de politisation comme vecteurs de la dynamique d’européanisation.
Juan Carrillo, Comprendre l’exclusion sociale à la lumière de la reconnaissance : réflexions théoriques sur l'approche d'Axel Honneth et illustration à partir d'une étude de cas à Bogotá, thèse soutenue en 2012 à Lyon 2 en co-direction avec Matteo Gianni, membres du jury : Numa Murard (Rapp.)
Aujourd’hui, le concept d’exclusion sociale est ambigu, voire banalisé, alors que le processus même affecte des millions d’individus. La plupart des études en sociologie et en politiques sociales dont il est l’objet s’adonnent principalement à une analyse de sa dimension matérielle (et objective). Malgré l’avancée et l’importance de ces études, il existe une dimension symbolique (et subjective) à nos yeux très partiellement explorée jusqu’alors, et qui permettrait de mieux appréhender le processus d’exclusion en termes relationnels. Notre travail se propose d’examiner avec précision cette dimension symbolique dont le contenu moral suggère que l’exclusion peut être conçue comme le signe d’une injustice et plus précisément le signe d’une situation de non-reconnaissance.Ainsi, en faisant appel aux réflexions du philosophe allemand Axel Honneth sur la notion de reconnaissance, et plus particulièrement sur les catégories définies comme étant de « non-reconnaissance », nous traçons de manière critique le chemin théorique qui conduit à une lecture de l’exclusion sociale à la lumière de l’approche honnethienne de la reconnaissance, c’est-à-dire, à une analyse de l’exclusion en termes de non-reconnaissance. En outre, notre travail vise à illustrer le lien entre exclusion sociale et reconnaissance à partir d’une étude de terrain basée sur 40 entretiens réalisés entre juin 2007 et mars 2009 à Bogotá en Colombie. Ceci nous permettra non seulement d’analyser le « caractère opératoire » de la reconnaissance, mais surtout de voir jusqu’à quel point la démarche entreprise favorise la découverte de nouvelles compréhensions du processus d’exclusion, compréhensions sans lesquelles une analyse « opératoire » resterait incomplète.La première partie de cette thèse offre un aperçu général des concepts d’exclusion et de reconnaissance selon l’idée qu’au sein de la dimension symbolique de l’exclusion se révèle un contenu moral que nous nous proposons d’examiner à partir de l’approche de la reconnaissance d’Axel Honneth. La deuxième partie s’attache à l’étude de ce contenu moral ainsi que des éléments qui permettent de faire une lecture de l’exclusion selon les travaux de Honneth. Cette lecture théorique est illustrée sur le terrain comme le montre la présentation de notre étude de cas à Bogotá. La troisième partie examine, à travers l’analyse des entretiens, dans quelle mesure le potentiel heuristique de l’approche honnethienne favorise la compréhension du processus d’exclusion sociale.
Nicolas Fortané, Genèse d’un problème public , thèse soutenue en 2011 à Lyon 2
Voilà une vingtaine d’années que le concept d’addiction a été élaboré par quelques psychiatres et chercheurs en neurosciences afin de rendre compte, à travers un nouveau regard, des phénomènes de dépendance (en associant drogues illicites, alcool et tabac). Il a ensuite été utilisé pour la première fois en 1999 dans une politique publique en France, à savoir le plan triennal de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT).Le processus de construction du problème public des addictions constitue ainsi l’objet de cette thèse. Dans quelles mesures la reconfiguration de certains espaces des champs médical et politico-administratif a partie liée à l’institutionnalisation du paradigme addictologique et comment celui-ci a contribué à transformer les drug policies contemporaines ? Le problème public des addictions doit son émergence au succès politique d’un petit groupe d’acteurs qui a su transposer un concept médical dans le langage de l’action publique. Dans le prolongement des politiques de réduction des risques, les addictions bousculent le mode de régulation des usages de drogues, en favorisant leur sanitarisation plutôt que leur pénalisation. Par le biais d’une sociologie historique et politique de l’action publique, cette thèse retrace ainsi la genèse de l’addictologie et des drug policies françaises jusqu’au plan triennal de la MILDT de 1999.
Nicolas Fortané, Genèse d'un problème public, thèse soutenue en 2011, membres du jury : Pierre Muller (Rapp.), Patrick Hassenteufel (Rapp.), Henri Bergeron
Voilà une vingtaine d’années que le concept d’addiction a été élaboré par quelques psychiatres et chercheurs en neurosciences afin de rendre compte, à travers un nouveau regard, des phénomènes de dépendance (en associant drogues illicites, alcool et tabac). Il a ensuite été utilisé pour la première fois en 1999 dans une politique publique en France, à savoir le plan triennal de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT).Le processus de construction du problème public des addictions constitue ainsi l’objet de cette thèse. Dans quelles mesures la reconfiguration de certains espaces des champs médical et politico-administratif a partie liée à l’institutionnalisation du paradigme addictologique et comment celui-ci a contribué à transformer les drug policies contemporaines ? Le problème public des addictions doit son émergence au succès politique d’un petit groupe d’acteurs qui a su transposer un concept médical dans le langage de l’action publique. Dans le prolongement des politiques de réduction des risques, les addictions bousculent le mode de régulation des usages de drogues, en favorisant leur sanitarisation plutôt que leur pénalisation. Par le biais d’une sociologie historique et politique de l’action publique, cette thèse retrace ainsi la genèse de l’addictologie et des drug policies françaises jusqu’au plan triennal de la MILDT de 1999.
Sylvie Aebischer, « Mettre l’élève et le management au centre du système » , thèse soutenue en 2010 à Lyon 2
Cette thèse revient sur l'élaboration de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 et examine plus particulièrement les conditions de la circulation des idées pédagogiques au sein du ministère de l'éducation nationale. Elle interroge les liens entre pensée pédagogique innovante et réforme managériale de l'Etat et propose un double point de vue sur la genèse de cette loi. Elle s'interroge d'abord sur le temps court de la réforme par une étude détaillée des acteurs, des activités et des productions discursives du cabinet Jospin. Elle propose ensuite une contextualisation historique de temps long à travers une histoire des politiques scolaires et des positions pédagogiques défendues à la fois par le parti socialiste et la Fédération de l'Education Nationale. La question de la circulation des idées est abordée notamment au travers de la constitution des cultures professionnelles, politiques et syndicales et des mécanismes concrets de l’appropriation et de la restitution des idées par les acteurs.
Sylvie Aebischer, « Mettre l'élève et le management au centre du système », thèse soutenue en 2010, membres du jury : Frédéric Sawicki
Cette thèse revient sur l'élaboration de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 et examine plus particulièrement les conditions de la circulation des idées pédagogiques au sein du ministère de l'éducation nationale. Elle interroge les liens entre pensée pédagogique innovante et réforme managériale de l'Etat et propose un double point de vue sur la genèse de cette loi. Elle s'interroge d'abord sur le temps court de la réforme par une étude détaillée des acteurs, des activités et des productions discursives du cabinet Jospin. Elle propose ensuite une contextualisation historique de temps long à travers une histoire des politiques scolaires et des positions pédagogiques défendues à la fois par le parti socialiste et la Fédération de l'Education Nationale. La question de la circulation des idées est abordée notamment au travers de la constitution des cultures professionnelles, politiques et syndicales et des mécanismes concrets de l’appropriation et de la restitution des idées par les acteurs.
Luc Chambolle, Une citoyenneté en actes , thèse soutenue en 2000 à Lyon 2
ALes définitions classique de la citoyenneté ainsi que les analyses traditionnelles de la participation politique ne permettent que difficilement de rendre compte des conceptions pragmatiques de la citoyenneté que les citoyens mettent en oeuvre, de définir les citoyennetés construites par les citoyens. L'analyse de 900 courriers de plainte adressées par de "simples individus" aux maires de Lyon Michel Noir et Raymond Barre entre 1989 et 1999 est l'occasion d'aborder la façon dont les acteurs construisent, dans leur échange épistolaire avec le premier magistrat, une citoyenneté en actes. En s'appuyant sur les ressources que nous offre la sociologie pragmatique il est en effet possible de distinguer plusieurs grammaires d'interpellation qui constituent autant de conceptions pratiques de la citoyenneté. Ces conceptions différentes et partagées de la citoyenneté convoquent des figures courantes de l'autorité publique et engagent des rapports différenciés à cette autorité (mandat impératif, relation de sujétion, relation fonctionnelle, condamnation au nom de la pureté. . . ). Elles permettent de s'extraire d'une vision surplombante et monolithique de la citoyenneté au profit de définitions plurielles constituant autant de ressources pour les citoyens désirant s'exprimer auprès de l'autorité locale.
Tomris Ozlem Yilmaz, « Vision nationale » (Millî Görüş) : Religion, nationalisme et politique chez les Turcs de France et d'Allemagne, thèse soutenue en 2018 à Sorbonne université sous la direction de Didier Lapeyronnie, membres du jury : Abdelhafid Hammouche
Ce travail tente d’explorer les questions du nationalisme turc dans le cadre d’une expérience d’immigration turque, et ce, à travers les membres de la communauté islamique Millî Görüş en France et en Allemagne. Prenant en compte les divers rôles que la communauté joue dans la vie de ses sympathisants en terre d’accueil, il met en évidence le lien entre les constructions nationales et le processus de socialisation communautaire. Si la communauté semble jouer un certain rôle d’intermédiaire dans la réappropriation des questions en lien avec le pays d’accueil, elle véhicule aussi la transmission d’un ensemble de valeurs en rapport avec la « turcité » qui, de par la force de son enracinement sur un terrain religieux, politique, culturel et historique, demeure manifestement une identité résistante, tout en permettant d’établir les voies de l’identification à la nation turque et au pays d’origine.
Jérémy Bouillet, Débat privé, enjeu public? : comment les citoyens ordinaires construisent des opinions sur le problème de l'énergie, thèse soutenue en 2017 à Université Grenoble Alpes ComUE sous la direction de Yves Schemeil, membres du jury : Jean-Gabriel Contamin (Rapp.), Vincent Tiberj (Rapp.), Mathieu Brugidou, Sonja Zmerli et Bernard Denni
L’énergie apparaît comme un problème public majeur, dans la résolution duquel les pouvoirs publics s’engagent régulièrement. Mais, à l’autre bout de cette chaîne, comment les individus ordinaires s’approprient-ils le problème public de l’énergie ? Dans les mesures classiques de l’opinion publique, les questions énergétiques et environnementales sont souvent loin d’occuper les premières places dans la hiérarchie des priorités. Or, pour réduire la pression engendrée par nos modes de consommation sur les écosystèmes, le changement des comportements et des attitudes de consommation est présenté comme un levier majeur. La question énergétique est-elle alors un enjeu politique pour tous mais un problème pour personne ? Pour répondre à cette question nous nous interrogeons sur la fabrique des opinions ordinaires et nous proposons de considérer ces dernières comme des énoncés discursifs testés dans des situations sociales plus ou moins complexes, conflictuelles et publiques. En amont, bon nombre d'acteurs ayant accès à l'espace public contribue à orienter et promouvoir certaines injonctions normatives pour définir la « bonne » pratique. Mais ces injonctions ne sont ni stables, ni homogènes : elles font l'objet de controverses et donnent lieu à des reformulations discursives parfois dissonantes. Entre enjeux technologiques, économiques, écologiques, sociétaux, etc. l’énergie comme problème public est alors soumise à un cadrage par des ordres normatifs dynamiques définissant certaines déviances et se voit proposer des solutions reconnues comme légitimes sous l’effet, entre autres, de l’action publique. Mais, ce niveau de description fait l’économie de la parole des citoyens « ordinaires », couvrant ainsi un présupposé instrumental commun qui estime que les citoyens dotés de la « bonne » information agissent « correctement ». Ce présupposé est contestable. Certes, une majorité écrasante d’enquêtés souligne son accord de principe aux économies d’énergie, témoignant ainsi de sa connaissance – même partielle – de l’existence d’un « problème public de l’énergie » et d’un engagement – même limité – aux injonctions à la modération en termes de consommation énergétique. Mais cet accord tacite se heurte à d’autres injonctions, à la compétition des problèmes, des pratiques sociales et à la mise en œuvre pratique des solutions. Ni surcompétents, ni incompétents, les citoyens ordinaires construisent donc du sens à travers des ordres normatifs concurrentiels et cherchent à le rendre compatible avec leurs modes de vie. Pour ce faire, la confrontation de leurs opinions et l’ajustement collectif de leurs représentations sont nécessaires. En reprenant certaines notions du pragmatisme, nous interrogeons la manière dont les perceptions du problème de l’énergie varient selon les scènes sociales où il est discuté, leur publicité ou encore le degré de conflictualité qu’il génère, et nous montrons que des communautés locales interprétatives d’un problème – et éventuellement de solutions – peuvent émerger et contribuer à alimenter la légitimité du problème dans l’espace public. Par ce biais, nous soulignons qu’il existe des espaces adossés au politique mais qui ne répondent pas toujours aux critères de conflictualisation et montée en généralité. Ces espaces illustrent l’intérêt de prendre en compte l’ambivalence et la labilité des opinions dans l’appropriation d’un problème public et la normalisation de ses solutions.
Ali Jafari, De l'homme attendu à l'homme aliéné : la domination idéologique dans le système éducatif en Iran, thèse soutenue en 2014 à Paris 4 sous la direction de Didier Lapeyronnie, membres du jury : Azadeh Kian et Saeed Paivandi
A partir de la Révolution Islamique (1979), sous l’effet de la domination idéologique et du projet d’"Islamisation" qu’elle portait, le système éducatif en Iran a voulu former un "homme nouveau". Cette thèse a traité les tentatives du système éducatif pendant les 34 dernières années pour établir et perpétuer la domination idéologique et puis, analysé les valeurs diffusées par le programme scolaire notamment à travers les manuels scolaires et l'école, valeurs qui définissent les caractéristiques de cet "homme attendu" par le système éducatif. Mais les résistances des élèves dans l'école et des jeunes dans la société montrent que le système éducatif n'est pas arrivé à former son "homme attendu". Une grande partie des résistances apparait là où les failles de l'idéologie dominante se présentent. De plus, former les individus de la société selon un modèle monotype dans la période où nul, où qu’il se situe, n'échappe aux effets et aux conséquences de la modernité est impossible. En ouvrant une fenêtre vers d’autres mondes, les media officieux, Internet, les chaines de satellite, les réseaux sociaux virtuels, les diasporas et les intellectuels ont joué un rôle important dans ces résistances. Mais au 21ème siècle, dans une société à structure socio-politique fermée et génératrice, parce que fermée, d’une société aliénante, la tentative de copie conforme du modèle imposé par l'idéologie dominante ne peut aboutir qu’à la dichotomie. Cette étude conclut que l'aliénation sous ses différents aspects apparait comme la conséquence d'un modèle monotype imposé aux élèves par l'idéologie dominante. Ainsi le système éducatif a participé à la reproduction de l'aliénation dans cette société aliénante.
Louis-Ange Onkerekakoula, Approche cognitive des comportements politiques, thèse soutenue en 2010 à Lyon 2 sous la direction de Robert Martin, membres du jury : Yves Schemeil, Louis Frécon et Armelle Andrieu Jacquet
L’objectif de cette étude est de rechercher les facteurs qui sous-tendent les comportements politiques chez les étudiants. L’approche développée est cognitive et conative. À ce titre, les connaissances, les représentations et les mécanismes de raisonnement sont invoqués comme éléments explicatifs des comportements. Ces processus sont appréhendés à l’aide d’outils linguistiques. L’analyse des résultats suggère l’existence de représentations politiques plutôt négatives, au sein de la population. Ces représentions génèrent des raisonnements qui induisent des d’attitudes critiques, méfiantes, à l’égard de la sphère politique, avec en toile de fond l’expression de nombreuses attentes. Pour autant, ces représentations, globalement négatives, ne doivent pas occulter la présence de perceptions positives à l’égard de l’univers politique, développées par les sujets experts qui envisagent la politique dans ses liens avec des domaines connexes. En outre, l’analyse des choix politiques fait ressortir deux formes de raisonnement sous-jacentes : des raisonnements motivés, davantage utilisés par les sujets sans proximité partisane, et des raisonnements plus heuristiques, fondés sur un savoir mémorisé adoptés par les répondants plus politisés.
Rodolphe Gouin, La transformation des protopartis , thèse soutenue en 2008 à Bordeaux 4 sous la direction de Daniel-Louis Seiler
L'objectif de cette recherche est la constitution d'un espace logique de l'explication causale de la transformation d'un protoparti, dont on puisse déduire la totalité des hypothèses explicatives permises, afin d'établir par une recherche empirique la configuration de causes qui amène un mouvement social à se lancer dans la compétition électorale. Nous défendons l'hypothèse qu'une position rigoureusement causaliste et instrumentaliste inspirée de la philosophie de sciences cognitives peut être soutenue en sciences sociales, et qu'elle permet une explication causale de phénomènes processuels. Nous déduisons de ces hypothèses un modèle logique de l'explication causale qui est nécessairement multicausal du point de vue des pôles de l'explication, des registres explicatifs, des fonctions causales, de l'intrafonctionnalité et des niveaux d'explication [1]. Une déduction-réduction conceptuelle s'opère alors à travers la sélection et le nécessaire recadrage de théories et de concepts de la sociologie politique et de la psychologie sociale cognitive [2]. Le modèle explicatif ainsi construit est ensuite appliqué à un cas d'étude [3] : le Sillon de Marc Sangnier (1894-1910), mouvement laïque de jeunes catholiques ralliés à la République, œuvrant pour l'instauration de la « véritable Démocratie ». Trois séries de conclusions proposent d'évaluer les résultats empiriques (sur le cas de transformation de protoparti), épistémologiques (sur l'hypothèse d'une posture instrumentaliste et de sa traduction multicausale pour les sciences sociales) et les rapports nouveaux que la science politique pourrait entretenir avec la nature et l'histoire.
Jean-Martin Coly, Situation migratoire et ethnicité , thèse soutenue en 2002 à Bordeaux 2 sous la direction de Didier Lapeyronnie
Les Diolas, population du sud du Sénégal immigrent à Bordeaux à la recherche de moyens leur permettant d'améliorer les conditions de vie de leurs villages d'origine. Ces individus qui sont originaires d'une région dotée de capacités agricoles certaines révèlent à travers leur voyage les problèmes et les échecs de gestion économique et politique des responsables de leur pays. Dans ce travail, nous nous sommes intéressés aux stratégies d'adaptation des Diolas à Bordeaux. Ces derniers sont une population rurale, qui en s'installant en milieu urbain interrogent différents aspects de leur identité. L'essentiel pour nous n'a pas été de détailler l'ensemble des critères de différenciation objectivement enregistrables ou de cataloguer des critères dont l'analyse historique montre la variabilité. Nous avons plutôt tenté d'analyser les processus par lesquels certains critères sont retenus comme faisant sens, comme éléments de démarcation et d'identification, donc, comme intervenant dans la recomposition des identités du groupe en exil. Au sein de cette communauté que nous avons analysée, différents processus d'individualisation sont en cours : les parents sont encore marqués par des démarches qui intègrent de façon importante des éléments identitaires de leur passé à savoir le maintien de liens communautaires et des références à la culture Diola ; les jeunes manifestent une distance culturelle avec les logiques mises en place par leurs parents, ce qui ne les empêche pas de définir une identité qui prend compte de l'origine culturelle de leurs parents.
Patrick Moquay, Coopération intercommunale et société locale , thèse soutenue en 1996 à Bordeaux 4 sous la direction de Jacques Palard
La diversite des pratiques de cooperation intercommunale reflete des differences de contexte. Les conditions locales de cooperation, en termes d'organisation des acteurs et de systemes de valeurs, expliquent le deroulement des processus de cooperation. L'affirmation d'une solidarite intercommunale, fondant la volonte de cooperer, repose sur la legitimation de la cooperation comme forme d'action publique, sur l'expression d'un projet commun et sur la construction du territoire intercommunal, qui est aussi definition d'une communaute. L'action intercommunale exige la mise en oeuvre par les acteurs de capacites politiques, capacites d'initiative et d'animation comme de participation et de negociation. Les logiques d'institutionnalisation de l'action intercommunale decoulent enfin de l'appropriation et de la manipulation des formes juridiques, et de la cristallisation d'un systeme de pouvoir intercommunal. Les faits de leadership et les modalites de diffusion et d'appropriation de modeles d'action se revelent en definitive determinants dans les pratiques locales de cooperation intercommunale.