Isabela Piacentini de Andrade, La réparation dans la jurisprudence de la cour interaméricaine des Droits de l'Homme, thèse soutenue en 2013 à Paris 2, membres du jury : Niki Aloupi (Rapp.), Jean-Marc Thouvenin (Rapp.), Gérard Cahin et Jean Michel Arrighi
La réparation internationale de dommages individuels est un sujet assez nouveau et peu réglementé en droit des gens. Chapitre manquant du droit de la responsabilité internationale de l’État tel qu’il a été codifié par la Commission du droit international des Nations Unies dans son Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (2001), la responsabilité internationale de l’État à l’égard de l’individu trouve dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme un environnement salutaire à son développement. Jouissant d’une compétence large en matière de réparations conférée par l’article 63§1 de la Convention américaine des droits de l’homme, la Cour interaméricaine a développé une jurisprudence très riche et originale qui fournit un ensemble coordonné de règles et principes permettant de dégager un régime juridique de la réparation de dommages individuels dans le cadre de rapports transétatiques. L’étude du régime de réparations interaméricain permet d’identifier que ses spécificités – liées à la nature transétatique du rapport de responsabilité et à la nature grave des violations qu’on retrouve dans le contentieux régional – n’impliquent pas un détournement des règles classiques de la responsabilité internationale mais plutôt leur complétion : le régime juridique de la réparation qui se dégage de la jurisprudence de la Cour interaméricaine contribue définitivement à combler les lacunes du droit des gens ayant trait à la discipline de la réparation internationale de dommages soufferts par des personnes privées.
Anne-Catherine Fortas, La surveillance de l'exécution des arrêts et décisions des Cours européenne et interaméricaine des droits de l'Homme, thèse soutenue en 2013 à Paris 2, membres du jury : Linos-Alexandre Sicilianos (Rapp.), Hélène Tigroudja (Rapp.), Jean Michel Arrighi et Jean Combacau
La sentence internationale est communément réputée obligatoire et non exécutoire et l’exécution est conçue comme une phase « post-adjudicative » relevant de l’imperium de l’Etat. L’étude des mécanismes de surveillance de l’exécution des arrêts et décisions des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme permet un renversement de ces postulats. Alors que les articles 46§2 de la CEDH et 65 de la CADH prévoient des surveillances de nature politique de l’exécution desdits arrêts et décisions, la pratique a été toute autre. Il s’avère que les procédures de surveillance en question sont respectivement quasi juridictionnelle et juridictionnelle et continuent autrement le procès. Elles sont aussi contentieuses, car les organes de surveillance tranchent des différends relatifs à l’exécution des arrêts et décisions, selon les principes directeurs du procès. Les contentieux de l’exécution européen et interaméricain permettent alors une redéfinition du procès en droit international et attestent que la notion de phase « post-adjudicative » n’existe pas. Ces procédures de surveillance ont en outre une double finalité. La première s’attache au contrôle de deux types de comportements étatiques, des comportements imposés et escomptés. Ces contrôles révélant que l’Etat n’est pas libre de ses moyens d’exécution, visent à aboutir au résultat de l’exécution effective de l’arrêt ou de la décision juridictionnelle telle que cette exécution est conçue par les organes de surveillance. La seconde finalité consiste en des suivis d’actes rendus au cours des surveillances et desquels résulte une chose à exécuter. D’un point de vue procédural, les suivis de cette chose qui émerge des précisions apportées à la chose jugée et aux comportements étatiques, révèlent l’existence de nouveaux types de recours dans le contentieux international. D’un point de vue substantiel, les suivis de la chose sont une contrainte formelle pour l’Etat qui n’est libéré des procédures de surveillance que s’il exécute l’arrêt ou la décision conformément à la chose à exécuter. Ces suivis sont donc des voies d’exécution et attestent alors de la force exécutoire interne des arrêts et décisions des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme, que les organes de surveillance garantissent.
Giorgi Tsitsagi, Le régime de navigation et la protection de l'environnement dans la mer Noire, thèse soutenue en 2013 à Paris 2, membres du jury : Charles Leben, Philippe Delebecque et Photini Pazartzis
La géographie de la mer Noire n’a jamais été favorable à l’application sans condition du principe de la liberté de la navigation. Durant des siècles, elle fut, et elle reste encore, l’objet de la réglementation spéciale qui tient à cette particularité et à l’importance géopolitique de la région. Le régime de la navigation dans cette région est donc l’adaptation du principe de la liberté de la navigation à ses particularités, ce qui explique la révision quasi permanente du régime établi. Parmi plusieurs accords internationaux, seule la Convention de Montreux s’est avérée intangible, mais là encore, il semble que la géographie de la région et à présent la nécessité du respect de l’environnement la fragilisent aujourd’hui. La thèse dévoile cette fragilité et montre que la navigation dans la mer Noire se heurte elle aussi au même problème. Cette thèse évoque donc la nécessité de combler le vide juridique laissé par l’absence des règles de la sécurité de la navigation et de la protection de l’environnement marin dans la Convention de Montreux, ainsi que dans le régime juridique de la mer Noire. L’étude comparée des droits internes des États riverains et des textes à vocation régionale montre également les mesures prises par les États concernés, mais aussi le problème de l’adaptation du régime de la navigation dans cette région aux exigences d’aujourd’hui du droit international de la mer, notamment en matière de sécurité de la navigation et de la protection de l’environnement maritime.
Béatrice Trigeaud, Les règles techniques dérivées de l'Organisation de l'aviation civile internationale et de l'Organisation maritime internationale, thèse soutenue en 2013 à Paris 2, membres du jury : Marie-Françoise Labouz (Rapp.), Geneviève Bastid Burdeau et Charles Leben
Pour réglementer les activités de navigation civile internationale, aérienne et maritime, les États ont choisi d’agir au moyen de deux institutions spécialisées du système des Nations Unies. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et l’Organisation maritime internationale (OMI) ont été investies du pouvoir de superviser l’élaboration de règles techniques applicables à ces matières. De façon générale, les règles adoptées par ces Organisations doivent, pour prendre effet, être acceptées par les États, sous diverses formes (tacites ou expresses, collectives, voire individuelles). Leur application est tributaire d’actes unilatéraux des États, qui agissent parfois collectivement, étant souvent amiablement contrôlés par l’OACI ou l’OMI. Derrière une apparente clarté, se dissimulent des zones d’ombre. Outre, la situation des tiers et des personnes privées, et les rapports entre l’ordre international et les ordres juridiques étatiques, la nature de ces institutions normatives interroge. Y voir des autorités normatives agissant sur le fondement de pouvoirs constitués serait, en effet, ignorer le jeu incessant de la volonté des États, qui, partout là où il étire les pouvoirs de l’institution, montre l’irréductible liberté contractuelle et constituante de ces mêmes États. Le degré de centralisation de ces systèmes s’effacerait sous le constat que leur effectivité repose sur la volonté même de leurs sujets, plus ou moins tenue par des nécessités techniques, ce qui n’est pas sans conséquences pratiques.
Hadi Azari, La demande reconventionnelle devant la Cour internationale de justice, thèse soutenue en 2012 à Paris 2, membres du jury : Hervé Ascensio (Rapp.), Pierre D'Argent (Rapp.), Gilbert Guillaume, Alain Pellet et Carlo Santulli
La demande reconventionnelle est une conclusion du défendeur qui poursuit des avantages autres que le simple rejet de la prétention du demandeur. Elle peut être introduite dans toutes les juridictions, mais devant la Cour Internationale de Justice elle présente des caractéristiques particulières que notre recherche a souhaité mettre en lumière. Celles-ci apparaissent tant dans les éléments constitutifs de cette demande que dans ses conditions de recevabilité. En ce qui concerne les éléments de sa définition, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’elle est une demande autonome et indépendante, qu’elle est un moyen de défense, qu’elle est formée par le défendeur et qu’elle est une demande incidente. Toutefois, s’il ne fait aucun doute qu’elle constitue une demande autonome, il n’en demeure pas moins que la pertinence de son influence sur le sort de la demande de la partie adverse, l’identification de la partie habilitée à l’introduire en cas de saisine de la Cour par compromis, et sa distinction d’autres demandes réciproques, restent à déterminer. S’agissant des conditions de sa recevabilité, une distinction délicate doit être établie entre la « connexité » requise par l’article 80 du Règlement et la « jonction » de la demande à l’instance en cours. A ce titre une question centrale se pose, celle de savoir si le juge peut refuser une demande reconventionnelle pourtant connexe à l’objet du litige, et inversement, l’accepter quand la connexité fait défaut. Alors que la jurisprudence de la Cour paraît incertaine et la doctrine reste partagée, notre thèse avance des arguments pour une réponse favorable.
Niki Aloupi, Le rattachement des engins à l'Etat en droit international public (navires, aéronefs, objets spatiaux), thèse soutenue en 2011 à Paris 2, membres du jury : Photini Pazartzis (Rapp.), Laurence Ravillon (Rapp.), Jean Combacau et Tullio Treves
Contrairement aux autres biens meubles, les navires, les aéronefs et les objets spatiaux affectés à la navigation internationale sont rattachés à un Etat. Le lien de droit public établi entre ces engins et l’Etat est communément appelé « nationalité ». Mais ce terme n’exprime pas à leur propos une institution à tous égards identique à la nationalité des personnes. Le rattachement examiné ne repose en effet pas sur des éléments de fait (naissance, ascendance etc.), mais uniquement sur un acte administratif interne, l’immatriculation. L’étude de la pratique, notamment des conventions internationales et des législations nationales, montre clairement que – contrairement à ce qu’on soutient souvent – il n’y a pas lieu de subordonner ce rattachement à un lien effectif. Ce qui importe, compte tenu notamment du fait que ces engins évoluent dans des espaces soustraits à toute compétence territoriale, est d’identifier l’Etat qui est seul compétent à l’égard de l’« ensemble organisé » formé par le véhicule, les personnes et la cargaison à bord, et qui est responsable de ses activités. Le droit international interdit dès lors la double immatriculation, mais il laisse aux Etats le pouvoir discrétionnaire de déterminer les conditions d’attribution de leur « nationalité », sans subordonner l’opposabilité internationale de celle-ci à quelque autre exigence que ce soit. Le danger est toutefois que cela favorise un certain laxisme de l’Etat d’immatriculation, ce qui exposerait au risque que des dommages graves soient causés aux personnes impliquées dans les activités de ces engins et – surtout – aux tiers. Mais ce sont les obligations internationales imposées et les droits corrélatifs reconnus dans le chef de l’Etat d’immatriculation qui sont déterminants à cet égard et non quelque mystérieuse « effectivité » du rattachement. Autrement dit, s’il n’est pas nécessaire d’imposer à l’Etat d’immatriculation des conditions internationales limitant sa liberté dans l’attribution de sa « nationalité » aux engins, il est indispensable d’exiger que celui-ci respecte ses obligations, c’est-à-dire exerce effectivement son contrôle et sa juridiction. Cette constatation se vérifie quel que soit l’engin en cause. Le rattachement créé par l’immatriculation constitue donc une institution "sui generis", commune aux navires, aéronefs et objets spatiaux et dont le régime juridique est encadré par le droit international.
Badr El Banna, La place du Liban dans la répression internationale du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme, thèse soutenue en 2010 à Paris 2 en co-direction avec Sami Salhab
La présente recherche s’inscrit dans le cadre d’une évaluation juridique du dispositif libanais contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qui a été conduite sur la base des conventions et mécanismes internationaux existants à cet effet notamment les Recommandations du GAFI. Le Liban semble être largement conforme aux obligations internationales en la matière. Son régime de lutte est basé sur la considération qu’une approche efficace du crime financier ne nécessite pas uniquement une approche pénale, mais doit être accompagnée de mesures préventives, qui consistent principalement en une coopération à la lutte contre ce phénomène de toutes les personnes et entreprises vulnérables à ces opérations. Reste qu’un élargissement de l’application de ce régime serait nécessaire dans l’avenir proche en vue d’une meilleure approche du crime financier. La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme prend au Liban la forme d’une chaîne reliant différentes entités institutionnelles, dont la Commission d’enquête spéciale constitue l’un des premiers maillons. Sa capacité à transformer les données financières en renseignements financiers est un élément capital de cette lutte. Malgré le fait que cette Commission est confrontée à un certain nombre de défis, elle a dû s’affirmer comme un organisme crédible capable de traiter avec les institutions financières et les autres entités déclarantes, avec les organismes publics et avec ses homologues à l’échelle internationale et, dans le cadre de ce processus, de s’adapter à l’évolution des relations traditionnelles entre les acteurs économiques et les organisations chargées de l’application des lois.
Aikaterini Grymaneli, L’exercice extraterritorial de pouvoirs coercitifs en mer, thèse en cours depuis 2009 en co-direction avec Jean Combacau et Niki Aloupi
Exceptionnel dans les relations internationales, l’exercice extraterritorial des pouvoirs coercitifs l’est aussi pour les espaces marins. La recrudescence des activités illicites/ indésirables des particuliers, qui menacent les intérêts, individuels ou collectifs, des États, conduit ces derniers à intervenir de plus en plus souvent dans des zones au-delà de leur juridiction nationale. Ces interventions suscitent divers problèmes juridiques. Pour les justifier, les États s’appuient habituellement sur une série de bases différentes qu’il convient de systématiser, et dont les contours doivent être circonscrits. En la matière, les règles permissives de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, pour l’essentiel coutumières, sont complétées par un vaste réseau d’accords. Dans le contexte particulier du maintien de la paix et de la sécurité internationales, une autorisation du Conseil de sécurité peut également justifier un exercice exceptionnel de pouvoirs coercitifs dans les zones au-delà de la juridiction nationale. À défaut, les États sont parfois tentés de recourir à des justifications douteuses, (prétendument) issues du droit international général. Ensuite, l’exercice de pouvoirs coercitifs est encadré, au moins minimalement, par une série de garanties. Le fondement prétendu et le caractère extraterritorial ne peuvent pas demeurer sans incidences. Nul doute qu’elles puissent être incertaines au-delà de la juridiction nationale. Cela n’empêche que la pratique témoigne ainsi d’une richesse et d’une complexité – exacerbée par l’implication d’une pluralité d’acteurs – qui, en dépit d’une insécurité juridique, permettent minimalement à l’État concerné et au particulier impliqué dans cette situation de (faire) respecter des intérêts fondamentaux.
Ioannis Prezas, L'administration de territoires par les Nations Unies, thèse soutenue en 2007 à Paris 2
Exceptionnel dans les relations internationales, le phénomène de l’administration directe d’un territoire a refait son apparition dans la pratique récente de l’ONU comme en témoignent les cas du Kosovo et du Timor oriental. Consistant en une substitution de l’organisation à un État, ce mode original d’action soulève une série d’interrogations. S’agissant de la reconnaissance à l’ONU du pouvoir d’administrer un territoire tout d’abord deux possibilités s’ouvrent. La première se veut aussi respectueuse que possible du consentement des États ou parties intéressés, qui décident de procéder librement à un acte d’attribution du pouvoir d’administrer à l’ONU, notamment en vue du règlement pacifique d’un différend. La deuxième se passe presque entièrement du consentement lorsque le Conseil de sécurité entend se substituer unilatéralement à un État au titre du chapitre VII de la Charte de l’ONU. Ensuite, l’exercice concret par l’ONU du pouvoir d’administrer un territoire suscite une pléiade de questions de droit mettant en cause la portée exacte de ses pouvoirs et devoirs lorsqu’elle décide de remplir des fonctions « gouvernementales ». S’il ne fait aucun doute que l’ONU se voit le plus souvent reconnaître formellement tous les pouvoirs d’« État » à l’égard d’une collectivité territoriale qui lui reste en principe étrangère, il n’en demeure pas moins que l’institution internationale ne peut être assimilée purement et simplement à un État, sa nature « dérivée » expliquant ainsi un certain nombre de dérogations importantes qui suffisent à l’éloigner de la logique animant à l’ordinaire la gestion étatique des affaires d’une collectivité humaine.
Nicolas Leroux, La condition juridique des organisations non-gouvernementales internationales, thèse soutenue en 2007 à Paris 2
La thèse porte sur l’existence et l’activité internationales des organisations non gouvernementales (ONG) entendues au sens de « tout groupement de droit privé à but non lucratif ». Elle constate que le régime juridique tout entier de l’organisation non gouvernementale est contenu dans la liberté d’association. Cette liberté est une liberté d’exister (partie I) et ensuite une liberté de participer (partie II). Le régime est fondé sur un principe coutumier de liberté d�����association. Le détail de la réglementation est essentiellement laissé aux droits nationaux et cette liberté d’exister et d’agir permet à certaines ONG de s’ériger en mode original de gouvernance internationale. Cela passe par des partenariats contractuels avec des organisations internationales, par la création d’ordres juridiques transnationaux ou par une reconnaissance par les Etats hôtes du rôle particulier de certaines ONG dans des « accords de siège ». La liberté de participer des ONG s’exerce quant à elle en direction des institutions publiques internationales. Elle s’exprime à travers une variété de statuts consultatifs et par l’octroi de la qualité d’amici curiae ou de demandeurs aux ONG par les juridictions internationales. Tous ces mécanismes se caractérisent par une large ouverture et l’octroi de droits très réduits aux ONG. Au final, trois modèles idéaux d’organisation de la société civile sont définis : un corporatiste, un libéral « actif » et un libéral « pur », qui correspond au droit positif. Liberté avant d’être institution, l’ONG existe et agit ainsi librement; mais quand elle participe au débat public, l’accès est si large que la réalité de sa participation s’en trouve réduite à peu de choses.