Présentation de l’éditeur
En retenant « la propriété » pour thème de son 10ème colloque annuel, l'École doctorale Droit et Science politique de l'Université de Montpellier a fait un choix certes très classique, mais riche de pistes de réflexions très actuelles et prospectives, comme le montrent les communications ici rassemblées de jeunes doctorants et docteurs issus de toutes les unités de recherche qui y sont rattachées.
Si pour Proudhon, « la propriété, c'est le vol », elle a plus souvent été magnifiée comme un « grand droit humain » (V. Hugo), consubstantiel à la liberté, et même un « besoin vital de l'âme » (S. Weill). Quoique l'opposition des approches perdure aujourd'hui encore, le Droit des sociétés démocratiques s'attache à garantir la propriété privée, « âme universelle de toute législation », selon le mot de Portalis, sans nécessairement occulter sa fonction sociale.
Proclamée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme un des « droits naturels et imprescriptibles de l'homme », aussi discuté qu'ait paradoxalement été ce premier caractère dans la pensée révolutionnaire et dans la réflexion théologique, la propriété y est tenue pour « un droit inviolable et sacré ». Sans verser dans une telle emphase, le droit européen, dans ses deux branches, affirme lui aussi le droit de toute personne « au respect de ses biens » (art. 1er du protocole 1 de la Convention européenne des droits de l'homme) ou de « jouir de (leur) propriété » (art. 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne), à la différence du droit international qui, très en retrait, s'en abstient ou le reconnaît seulement du bout des lèvres, soit de façon indirecte, soit à titre purement déclaratoire.
Pour autant, affirmer ainsi aux plus hauts niveaux de la hiérarchie des normes, le droit de propriété, ne revient nullement à lui attribuer une portée absolue. D'une part, en effet, si les normes constitutionnelles et européennes s'accordent sur le principe selon lequel « nul ne peut être privé de sa propriété », elles permettent d'y déroger en présence d'une « nécessité publique » pour la première ou du moins « pour cause d'utilité publique » pour les secondes, et moyennant une « juste indemnité » dont la Constitution impose en outre le caractère préalable ». D'autre part, la garantie du droit de propriété n'interdit pas au législateur de réglementer « l'usage des biens », au nom de l'intérêt général.
Ce que le droit de propriété a ainsi perdu en intensité, il l'a en revanche gagné en étendue. A la traditionnelle propriété foncière et mobilière (par nature), s'est en effet ajoutée la propriété immatérielle sous tous ses aspects, en particulier la propriété intellectuelle, notamment les droits d'auteurs et les droits voisins, mais aussi les créances sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme qui les tient pour des « biens » (incorporels), se jouant ainsi de la distinction canonique entre les droits réels dont la propriété est l'archétype et les droits personnels.
C'est dire que le droit de propriété n'est plus tout à fait ce qu'il était. Il demeure néanmoins, permettant à la nouvelle génération de jeunes universitaires de s'en saisir à nouveaux frais pour apporter sa pierre à son étude sans cesse renouvelée.
Actes du colloque de l'École doctorale 461, juin 2021