Présentation de l’éditeur
Il y a maintenant trente ans, le philosophe français, Luc Ferry, publiait un ouvrage condamnant la perspective d’un nouvel ordre écologique où les vivants non humains (animaux et végétaux) se verraient reconnaître des droits à côté des êtres humains. Le présent livre cherche à montrer qu’un tel ordre juridique international est non seulement possible mais qu’il est, de plus, nécessaire si nous voulons définitivement sortir de la crise écologique et civilisationnelle que nous traversons, et créer une espérance pour habiter autrement la Terre.
En s’appuyant sur l’éthique de la considération et la phénoménologie de l’habitation de la Terre de la philosophe Corine Pelluchon, Emmanuelle Tourme Jouannet montre comment on peut renverser la vision anthropocentrique du monde qui nous condamne et proposer une véritable alternative juridique. Pour ce faire, elle pose les premiers jalons juridiques d’un humanisme profondément renouvelé à travers un nouveau droit international biocentrique fondé sur le vivant. Elle recontextualise la liberté humaine et la souveraineté des États au regard de la prise en considération de leurs relations avec les autres vivants, humains et non humains, et dessine les contours juridiques internationaux possibles répondant à l’existence d’une communauté de destin entre tous les êtres vivants. De façon concrète, argumentée, et appuyée sur de nombreux exemples juridiques, elle déconstruit par là même l’objection de l’impensable, de l’absurde ou de l’inepte, constamment avancée à l’encontre d’un droit international biocentrique, accordant des droits à la nature, et montre que cette objection témoigne plutôt de la persistance mortifère d’une véritable cécité à l’égard de ce qui nous constitue en tant qu’être humain corporel, engendré, « dépendant de », et relié, par sa condition charnelle d’être vulnérable, à toutes les autres espèces qui peuplent la Terre. Elle explique également, par là même et par voie de conséquence, l’état d’engourdissement moral de l’humanité face aux souffrances atroces que peuvent subir certains humains et non humains, face à la faim et la pauvreté dans le monde, aux inégalités insupportables liées à la mondialisation ultralibérale ainsi qu’à la destruction catastrophique de la nature et du vivant.