Présentation de l'éditeur
Incantatoire, le terme « réforme » oriente et sature discours et représentations politiques actuels, à l'opposé du Moyen Âge qui semble avoir fait un usage extrêmement limité de la forme longue du terme prévalant à l'époque: la reformatio. L’histoire du Moyen Âge occidental est pourtant tout entière narrée selon une trame « réformiste »: rois, papes ou évêques plus ou moins « réformateurs », réformes carolingienne, clunisienne, grégorienne, cabochienne, etc. sont autant de formules qui ont connu, ou connaissent encore, un vif succès, sans que le mot « réforme » ne soit toujours clairement défini et presque jamais historicisé. Que bon nombre de « réformateurs » médiévaux se soient définis comme des conservatores, des conservateurs, devrait pourtant nous interroger, d’une part, sur l’imaginaire politique que nous projetons sur leurs expériences institutionnelles, et, d’autre part, sur la direction et le sens que ces derniers entendaient originellement donner à leur entreprise.
Régressive, la démarche qui sous-tend cet ouvrage collectif vise ainsi à retracer l’histoire d’un terme aujourd’hui à succès – la réforme – et à identifier un vocabulaire « réformateur » proprement médiéval. Sans verser dans l’écueil du nominalisme et en laissant sagement de côté la « réforme » comme phénomène historique, les contributions qu’il rassemble resteront plus résolument au ras des mots, et, partant, au plus près des représentations politiques médiévales, tout en interrogeant les usages (et les mésusages) de ce paradigme par les médiévistes.
Les auteurs : Alexandra Beauchamp, Gaëtan Bonnot, Marie Dejoux, François Foronda, Claude Gauvard, Anne Lemonde, Carole Mabboux, Aude Mairey, Gisela Naegle, Nicolas Perreaux, Émilie Rosenblieh, Amable Sablon du Corail.
Sommaire
Introduction
Marie Dejoux
Prologue. Une enquête de masse sur le vocabulaire réformateur avant le XIIIe siècle
Après la Chute, reformer le monde. Réflexions sur la sémantique du lexique dit « réformateur »
Nicolas Perreaux
Première partie. Reformatio, significations et contextes d'apparition d'un lemme rare
Au nom de la « réforme » ? La réunion des assemblées dans la Couronne d'Aragon, fin XIIe-XIVe siècle
Alexandra Beauchamp
À la recherche de la reformatio regni dans les royaumes de France et d'Angleterre au XIIIe siècle
Marie Dejoux
La réforme antipontificale de l'Église dans le procès conciliaire d’Eugène IV (Bâle, années 1430)
Émilie Rosenblieh
Reformatio et vocabulaire réformateur dans la production écrite de l’Italie communale (XIIIe-XIVe siècle)
Carole Mabboux
« Pour la multitude d’officiers qui ont esté de par nous ordonnez ou temps passé… ». Discours royaux autour de la « réformation » du nombre des officiers aux XIVe et XVe siècles
Amable Sablon du Corail
Deuxième partie. Par-delà la reformatio, quel vocabulaire pour dire la réforme au Moyen Âge ?
L’inscription de la « réforme » à l’ordre du jour politique du royaume de Castille
François Foronda
La principauté delphinale au XIVe siècle, laboratoire de la « réforme » ?
Anne Lemonde
« Advisé fust par les trois estatz que consideré l’estat ou le royaume est » Pouvoir royal et réforme dans les ordonnances consécutives aux états de langue d’oïl (1355-1358)
Gaëtan Bonnot
Reformatio in absentia. Quels champs lexicaux pour évoquer la réforme en Angleterre à la fin du Moyen Âge ?
Aude Mairey
Epilogue. La réforme dans la tradition historiographique allemande
De la réformation à la Réforme : l’historiographie de la « Reichsreform »
Gisela Naegle
Conclusion
Claude Gauvard