Présentation de l'éditeur
Deux cents ans depuis la naissance de Dostoïevski ! L'immense oeuvre de l'écrivain a de multiples facettes. Beaucoup ont été excellemment mises en valeur. Il manque cependant une étude plus particulièrement consacrée aux réponses qu'a apportées le grand écrivain à deux questions de toujours, que nous identifions peut-être mieux aujourd'hui, en en voyant la liaison étroite : comment expliquer le crime ? Par quelle justice faut-il lui répondre ?
Le présent ouvrage ne comblera sans doute qu'imparfaitement ce que son auteur considère comme une lacune. Il permet du moins à un juge éphémère, qui a quelque temps enseigné le droit pénal et la criminologie, d'apporter son hommage, à l'occasion de ce bicentenaire, au héros de Souvenirs de la maison des morts, au romancier qui, de Crime et châtiment aux Frères Karamazov, a longuement et profondément scruté les âmes déviantes, au publiciste du Journal d'un écrivain qui a si bien commenté des « faits divers » en vue et raisonné sur la justice.
Condamné politique, durablement atteint par le simulacre d'exécution qui lui a été infligé, ayant, Fers aux jambes, effectivement subi quatre années de bagne, Dostoïevski a, plus que tout autre, qualifié sa voix pour s'exprimer sur les criminels et le traitement à leur réserver. Il l'a fait tantôt en clair, tantôt par la fiction, en donnant son lustre à la Forme littéraire du « roman criminologique ». Mais tout ce qu'il écrit converge. Pour lui, le criminel est un homme qui a suffisamment de liberté pour être responsable, et dont la dignité subsiste malgré ses fautes. Si une peine doit lui être appliquée, ce n'est pas seulement pour la protection de la société, c'est parce qu'elle lui est nécessaire pour que, par une souffrance rédemptrice, il retrouve la paix et l'estime de soi. Avec une mission éminente, les juges, les jurés ont à conjuguer fermeté et humanité, les procureurs, les avocats ayant, eux, à garder de la modération dans leur nécessaire pugnacité. Alors que, dans notre société, la criminalité est importante, que la justice pénale est en recherche de stabilité, peuvent apparaître précieux les éclairages sur le crime, la sage conception de la justice dont le présent ouvrage crédite Dostoïevski.
Raymond Legeais est doyen honoraire de la Faculté de Droit et des sciences sociales de l'université de Poitiers.