Information transmise par A. Mergey:
Université de Bourgogne
Centre G. Chevrier
Colloque international
La fin d'une évidence:
la peine de mort et ses alternatives à l'époque moderne
3-4 juin 2010
Dijon
salle de l'Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon
Organisateurs:
Présentation
Les historiens s'accordent aujourd'hui à le dire, le débat sur la peine de mort naît véritablement au siècle des Lumières. La peine capitale avait certes soulevé quelques réticences parmi les théologiens, qui la considéraient comme une peine exceptionnelle; certaines «sectes» (les Vaudois, les Quakers) l'avaient condamnée. Quelques philosophes (Thomas More) l'avaient remise en cause pour certains délits. Et nombreux sont les juristes qui, par leur réflexion sur la responsabilité pénale, ou les circonstances atténuantes, avaient trouvé le moyen de faire échapper un condamné à la peine capitale.
Cependant, jusqu'au XVIIIe siècle, elle apparaît à beaucoup d'égards comme une nécessité sociale. Pour prendre le cas de la France, le XVIIe siècle se caractérise par un accroissement de la sévérité du juge, ainsi que du législateur (l'ordonnance criminelle de 1670). La peine capitale et l'« éclat des supplices », pour parler comme Foucault, y apparaissent alors comme une condition sine qua non de l'intimidation du corps social, dont une notable partie était jugée potentiellement dangereuse. Il serait toutefois abusif de considérer que le débat naît ex nihilo. Ce que Paul Hazard a désigné comme «la crise de la conscience européenne» s'accompagne également d'une réflexion sur certains aspects de la peine capitale (la cruauté des châtiments, la mise en scène), qui prépare la réflexion sur la légitimité même de la peine de mort au XVIIIe siècle.
A ce propos, la publication de l'ouvrage Des délits et des peines de Cesare Beccaria en 1764 marque un clivage: ni utile, ni nécessaire, la peine de mort ne relève pas du droit, mais de la force, affirme le philosophe milanais. A l'encontre de la plupart des grands penseurs modernes (Hobbes, Locke, Montesquieu, Diderot, Rousseau) et en prenant le contre-pied de la tradition jusnaturaliste, Beccaria dénonce à la fois l'illégitimité et l'inutilité de la peine capitale et propose de la remplacer par les travaux forcés. Il s'ensuit un vif débat en Europe entre partisans (Voltaire, Brissot de Warville, Bentham) et détracteurs (Carli, Gorani, Facchinei en Italie, Morellet, Linguet, Marmontel, Mably, Roquefort, en France) de l'adoption de l'esclavage public comme sanction alternative. Pour les uns, il s'agit de la peine la plus à même de se substituer à la condamnation à mort: elle est davantage exemplaire et dissuasive, donc plus efficace; pour les autres, au contraire, il s'agit d'une solution cruelle et humiliante, qui viole les droits naturels et inaliénables de l'homme. Sauver la vie d'un homme pour l'exploiter jusqu'à la mort, est-ce légitime? S'agit-il d'une proposition humanitaire ou d'un froid calcul économique? Quel rôle les nouvelles conditions économiques ont joué dans le projet de remplacer la peine de mort par la déportation des condamnés? Et encore, quelles chances de réhabilitation et de réinsertion offre au délinquant une sanction dégradante qui s'éternise?
Au-delà des ambiguïtés et des corollaires troublants qui accompagnent un tel projet de réforme, il ne fait pas de doute qu'en s'interrogeant sur les peines de substitution qui peuvent remplacer la peine de mort, le XVIIIe siècle finit par fragiliser une certitude que Kant tenait encore pour inébranlable: si le criminel a commis un meurtre, il doit mourir, sans qu'aucune autre peine ne puisse satisfaire la justice. Etudiant la différence des approches et des contextes, l'objectif du Colloque consiste à répondre à la double question de savoir comment une réflexion sur la légitimité de la peine capitale a pu se former dans l'Europe des Lumières et en quoi les projets de substitution de la condamnation à mort par l'enfermement et les travaux forcés ont contribué à faire reculer l'idée, tenue comme acquise jusqu'au XVIIIe siècle, que le châtiment suprême constitue un impératif de justice.
Programme
Jeudi 3 juin 2010
- 9h 30 Ouverture du Colloque par Pierre BODINEAU, Directeur du Centre Georges Chevrier
La peine capitale et ses fondements politiques
Président de séance: Jean BART (Université de Bourgogne)
- 10h00 Francine MARKOVITS (Université Paris X Nanterre), Montesquieu et la peine de mort
- 10h30 Guillaume COQUI (Université de Bourgogne), Le droit de vie et de mort est-il un droit de punir? Sur Rousseau, Contrat Social, II, v
Discussion et pause
- 11h00 Alessandro TUCCILLO (Université de Naples – Federico II), Droit de punir et légitimation de la peine de mort dans la Science de la législation de Gaetano Filangieri
- 11h30 Norbert CAMPAGNA (Université du Luxembourg), La question de la peine de mort chez Fichte
Discussion
La fin d'une évidence au siècle des Lumières Présidente de séance: Francine MARKOVITS (Université Paris-X Nanterre)
- 14h30 Philippe AUDEGEAN (Université Paris III), Un précurseur de Beccaria: Giuseppe Pelli Bencivenni
- 15h00 Gilles TRIMAILLE (Université de Bourgogne), La peine de mort dans la doctrine utilitariste de Jeremy Bentham
Discussion et pause
- 16h00 Christopher HAMEL (Université de Rouen), Mably sur la peine de mort
- 16h30 Luigi DELIA (Université de Bologne et Université de Bourgogne), La peine de mort dans la lexicographie des Lumières : de la grande Encyclopédie à l'Encyclopédie méthodique
Discussion
Vendredi 4 juin 2010
Quelles alternatives à la peine de mort?
Présidente de séance: Maria Helena CARVALHO DOS SANTOS (Ancien Ministre de l'Education au Portugal – Universidade Nova de Lisboa)
- 9h30 Fabrice DESNOS (Université de Montpellier), Un substitut pragmatique à la peine de mort : les pactes catalans (XVIe-XVIIIe siècle)
- 10h00 Sabine REUNGOAT (Université Paris XII), La peine de mort et ses alternatives dans la pensée économique et sociale anglaise entre 1660 et 1720
- 10h30 Renaus BUEB (Université de Franche-Comté), La peine de mort et les crimes sexuels au XVIIIe siècle
Discussion et pause
- 11h00 Elisabeth SALVI (Université de Lausanne), Lumières et peine de mort: discours et pratiques pénales à Lausanne à la fin du XVIIIe siècle
- 11h30 Jean BART (Université de Bourgogne), La Révolution française et la peine de mort ou pourquoi la guillotine?
Discussion
Regards croisés sur la peine capitale
Président de séance: Lorenzo BIANCHI (Université de Naples – L'Orientale)
- 14h15 Jordi BAYOD (Université de Barcelone), Montaigne et la peine de mort: «guérir le mal par le mal»
- 14h45 Nuria LOMBARDERO (Université de Bologne et Université de Bourgogne), Peine de mort et grâce dans la tragédie moderne. De comment le happy end met fin à une évidence « poétique»
Discussion et pause
- 15h45 Piero SCHIAVO (Université de Barcelone), «Qu'a d'inhumain la dissection d'un méchant?». La médecine face à la peine de mort
- 16h15 Vincent JOLIVET (Université Paris IV), Sade et la peine de mort
- 16h45 Maria Helena CARVALHO DOS SANTOS (Universitade Nova de Lisboa), La question de la peine de mort au Portugal : du temps de l'Inquisition au temps de l'abolition
- 17h30 Table ronde animée par L. DELIA et F. HOARAU.
Participants : Philippe AUDEGEAN, Jean BART, Jordi BAYOD, Lorenzo BIANCHI, Norbert CAMPAGNA, Maria Helena CARVALHO DOS SANTOS, Guillaume COQUI,
Fabrice DESNOS, Christopher HAMEL, Vincent JOLIVET, Nuria LOMBARDERO, Maria Laura LANZILLO, Francine MARKOVITS, Sabine REUNGOAT, Elisabeth SALVI, Piero SCHIAVO,
Gilles TRIMAILLE, Alessandro TUCCILLO.