Présentation

Conférences Cycle Europe

Le Collège de France bénéficie d’une longue tradition de réflexion sur l’Europe. En réponse aux crises successives qui la secouent et aux appels fréquemment renouvelés à sa « renaissance » ou à sa « refondation », le Collège s’engage dans le débat sur l’avenir de l’Europe dans le monde par le biais d’un cycle de conférences inauguré en 2021.
Durant chaque cycle, deux conférenciers sont invités au Collège pour penser l’Europe, chacun ou chacune pour une série de quatre conférences. L’Europe est ici comprise au sens large des études européennes. Le cycle accueille toute réflexion historique, politologique, philosophique, philologique, anthropologique, sociologique, juridique, économique, littéraire, théologique ou archéologique sur l’Europe en tant que continent, civilisation, culture, idée, valeur(s), mythe, ordre ou culture juridique, institution(s), organisation internationale (Union européenne ou Conseil de l’Europe) ou marché. Un thème est fixé pour deux séries de conférences qui se répartissent sur deux ans. Les quatre cycles de conférences précédents ont porté successivement sur la géopolitique de l’Europe, les deux Europes, la paix en Europe et l’Europe démocratique.
Le cycle Europe 2024-2026 porte sur le thème Afrique-Europe.
La question du rapport à l’Afrique est souvent passée sous silence au sein des études européennes contemporaines ou, lorsqu’elle est traitée, c’est uniquement sous l’angle de la politique de développement, de sécurité ou d’investissement.
Pour s’en saisir, ce cycle du Collège propose deux regards croisés : celui d’une historienne spécialiste de la présence africaine en Europe (Olivette Otele, automne 2024) et celui d’un économiste spécialiste de la réforme des relations économiques entre l’Europe et l’Afrique (Carlos Lopes, automne 2025).

Cette série de conférences explorera divers aspects des relations entre l'Europe et l'Afrique. La première mettra en lumière la persistance des mentalités postcoloniales et les récits qui continuent d'influencer ces relations. La deuxième conférence se penchera sur les paradoxes de l'aide au développement et montrera comment ils façonnent la dynamique de l'assistance étrangère. La troisième remettra en question les idées reçues sur le boom démographique en Afrique. Enfin, la quatrième conférence se concentrera sur les défis cyniques et peu productifs des négociations dans le contexte des accords post-Cotonou et des accords conclus entre l'Union africaine (UA) et l'Union européenne (UE). Ces quatre conférences viseront à approfondir la compréhension des enjeux complexes qui animent les relations Europe-Afrique et à encourager une réflexion plus nuancée sur ces questions importantes.

Carlos Lopes est professeur à la Mandela School of Public Governance de l’Université du Cap, professeur affilié à Sciences Po, Paris, Foundation Fellow de l’International Science Council, Senior Visiting Fellow de l’Overseas Development Institute (ODI) et Chatham House Associate Fellow.
En 2017 et 2022, il a été chercheur invité à l’Oxford Martin School, Université d’Oxford. Il est membre du conseil d’administration d’une douzaine d’institutions et a siégé dans plusieurs commissions mondiales. Le Pr Lopes a occupé différents postes de direction au sein du système des Nations Unies, notamment celui de directeur des affaires politiques pour le Secrétaire général Kofi Annan et de secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique.
Il est membre de l’équipe de réforme de l’Union africaine et a été désigné en 2018 haut-représentant de l’Union africaine pour les partenariats avec l’Europe. Le Pr Lopes est un auteur primé et largement publié, avec plus de vingt livres édités ou signés et des articles publiés dans les principaux médias. Il a été sélectionné vingt-trois fois pour figurer sur les listes des « Africains les plus influents » de New African, Jeune Afrique, Africa Report et Financial Afrik.

Programme

Mercredi 5 Novembre 2025

17h30 : La décolonisation mentale tarde à venir
Carlos Lopes

Les mentalités et les récits postcoloniaux, fortement influencés par des idées telles que la nécessité de décoloniser les esprits, révèlent une empreinte profonde de l’héritage colonial dans l’imaginaire collectif. L’analyse des raisons historiques sous-tendant la persistance de la stigmatisation de l’Afrique confirme la complexité de la situation. Des penseurs comme Frantz Fanon et Amilcar Cabral ont souligné l’importance de ce processus de décolonisation de l’esprit, mettant en avant le fait que l’expérience coloniale a profondément affecté tant les colonisateurs que les colonisés. Dans le cadre des débats académiques postcoloniaux actuels, cette conférence fera le point sur les récits et les perceptions coloniales qui continuent de résonner un peu partout. Le langage employé par les dirigeants, écrivains et influenceurs tant africains qu’européens témoigne de la persistance d’une vision qui occulte l’héritage colonial, confirmant ainsi que ce dernier imprègne toujours le discours et les interactions contemporains.

18h30 : Fin

Jeudi 6 Novembre 2025

17h30 : Les effets pervers de l'aide au développement
Carlos Lopes

La conférence explorera les débats persistants autour de l’aide étrangère, révélant comment divers outils tels que les programmes d’ajustement structurel, les discussions sur l’efficacité de l’aide, la conditionnalité macroéconomique et les perceptions du risque par les agences de notation renforcent tous la logique axée sur l’aide. Cette logique se retrouve dans des initiatives telles que les conventions de Cotonou et de Lomé, ainsi que les nombreux accords de l’UE avec les pays d’Afrique du Nord, sous-tendus par la notion de charité. En effet, les acteurs africains et européens ont tendance à se concentrer sur l’accomplissement des obligations économiques extérieures des pays africains comme mesure de succès, au lieu de plaider en faveur de changements profonds au sein de ces pays, ce qui contraste nettement avec les approches adoptées dans d’autres régions,notamment en Asie. La conférence mettra en avant le fait que la fin de l’ère des programmes d’ajustement structurel a offert une fenêtre d’opportunité pour s’éloigner de cette perspective fondée sur la charité, mais que, malheureusement, ce changement a été de courte durée. Elle explorera les raisons de cette opportunité manquée, éclairant les facteurs qui ont contribué à ce résultat.

18h30 : Fin

Mercredi 12 Novembre 2025

17h30 : Le boom démographique de l'Afrique est-il problématique ?
Carlos Lopes

Les transitions démographiques sont souvent attribuées à la réduction de la fertilité, provoquée par des évolutions significatives dans plusieurs domaines. À cet égard, les gains de santé en Afrique devraient être davantage reconnus comme moteur de sa croissance démographique. Le fait que l’Afrique rajeunit pendant que le reste du monde vieillit à grande vitesse est un autre élément déconcertant. Ces deux aspects font partie d’un ensemble de considérations qui faussent les perceptions sur la réalité de l’évolution démographique récente du continent et qui méritent des analyses plus fines. Cette conférence montrera que la vision néo-malthusienne de la croissance démographique de l’Afrique est simpliste, bien qu’elle soit utilisée pour stigmatiser les dangers de flux migratoires.

18h30 : Fin

Jeudi 13 Novembre 2025

17h30 : Négocier sans y croire
Carlos Lopes

Au cours des trois dernières années, les négociations dans le cadre des processus parallèles des accords post-Cotonou et des accords conclus entre l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA), initiés à la suite du sommet d’Abidjan de l’UA-UE en novembre 2017, ont adopté une tonalité cynique et peu productive. Alors que l’objectif initial était d’assurer une préparation plus solide pour l’engagement de l’Afrique avec l’UE et de rééquilibrer leur relation, la constante démonstration d’attitudes passives agressives par l’UE, évitant la communication directe avec des interlocuteurs africains plus exigeants tout en manifestant son soutien envers des partenaires plus conciliants, a terni le paysage des négociations. Cette tendance conforte l’idée selon laquelle on n’obtient pas ce qui est juste, mais plutôt ce qui est négocié avec diligence, mettant en lumière la nature peu productive de ces interactions, qui finalement n’ont que peu de résultats tangibles.

18h30 : Fin

Entrée libre

Contact: camille.michel@college-de-france.fr