Présentation
Le testament a connu un regain d’intérêt récent, qui s’explique en partie par l’émotion que suscite la lecture de cette source : on y découvre l’individu derrière l’expression de ses dernières volontés, qu’il s’agisse de puissants ou de ceux et celles qui, habituellement, ne prennent pas la parole et n’ont laissé d’autres traces que cet acte notarié. La pratique testamentaire, qui concerne l’ensemble de la société, réapparaît au XIIe siècle, favorisée par l’Église, directe intéressée. Cette renaissance s’explique par la possibilité de prendre des dispositions concernant son âme et ses possessions. Le testament est indispensable afin d’utiliser ses biens terrestres pour s’assurer le salut éternel, mais également pour choisir légataires et héritiers indépendamment des lois sur la succession. Mourir intestat empêcherait d’exprimer des choix. En Italie, l’abondance documentaire est telle que les chercheurs sont contraints de délimiter le sujet par le choix d’une catégorie professionnelle ou sociale, d’un genre ou d’une période précise, notamment la Grande Peste. En France, la rareté de la source la rend précieuse. Les choix sont alors conditionnés par des archives dont l’abondance varie nettement selon les aires géographiques : on oppose ainsi fréquemment le Midi, terre romanisée où la tradition de l’écrit est ancienne comme en Italie, et Paris, notamment, où les testaments sont plus rares en raison des contraintes que le droit coutumier fait peser sur la succession. L’aspect spirituel et dévotionnel des testaments a été souvent traité, leur dimension économique et sociale faisant plus rarement l’objet de colloques spécifiques. Le testament sera ici appréhendé dans cette dernière perspective. Est-ce un document privilégié pour étudier la transmission du patrimoine ? Malgré sa richesse, il est lacunaire par définition : l’intégralité du patrimoine n’apparaît jamais. Le terme « patrimoine » est entendu ici dans le sens le plus large, biens immobiliers et mobiliers. Il renvoie étymologiquement à l’héritage du père, mais cette vision patriarcale est infléchie par les testaments féminins, abondants en Italie et plus rares en France. L’intérêt historiographique qu’ils suscitent s’explique certainement par le fait qu’ils permettent de saisir l’agentivité féminine. Dans une démarche résolument ouverte et diversifiée, ces journées seront l’occasion de faire un double bilan historiographique comparatif : des pratiques testamentaires et du cadre juridique dans lequel elles s’insèrent, en France et en Italie, mais aussi des approches et des méthodes des historiens français et italiens qui se sont emparés de cette documentation.
Programme
Jeudi 5 Juin 2025
(Université d'Evry)
14h00 : Ouverture
Mot de Christel Freu, directrice du laboratoire IDHE.S (site d’Évry)
Introduction
Federica Masè et Solène Baron, Université Évry Paris-Saclay
Session 1 - La pratique testamentaire en temps de peste
14h45 : Tester à Pise pendant et après la Grande Peste : stratégies pour l’au-delà et projets pour l’ici-bas
Sylvie Duval, Alma Mater Studiorum Università di Bologna
La crise de la transmission et la tutelle testamentaire : droit et pratiques dans les testaments vénitiens en temps de peste (XVIe–XVIIe siècle)
Giovanni Filippo Donà, Università Ca’ Foscari Venezia / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
16h15 : Pause-café
Session 2 - Le testament, témoin privilégié de la transmission patrimoniale dans les fonds des ecclésiastiques, garants ou bénéficiaires
16h30 : Beyond the Will : Executions and Succession Strategies
Eleonora Rava, St Andrews University/Archivio Santa Rosa di Viterbo
Un contrat pour le salut ? Échanges économiques et spirituels entre frères prêcheurs et testateurs florentins (XIIIe-XIVe siècles)
Riccardo Zoncheddu, Università Ca’ Foscari Venezi
De l’esclave affranchie au patricien, la transmission patrimoniale dans les testaments des fonds ecclésiastiques vénitiens (XIIIe-XVIe siècle)
Federica Masè, Université Évry Paris-Saclay
19h00 : Fin de la 1ère journée
Vendredi 6 Juin 2025
(L’Émulateur)
Session 3 - Stratégies de transmission des élites
9h30 : La transmission d’un patrimoine ecclésiastique, les biens immobiliers et mobiliers de Jean de Champigny, collecteur de Reims (ⴕ 1399)
Amandine Le Roux, Université Évry Paris-Saclay
Autour du testament d’un Président du Parlement de Paris à la fin du XVe siècle
Mathieu Arnoux, Université Paris Cité/EHESS
Pause-café
Hériter de deux pères : concentration patrimoniale autour d’un cas d’adoption aixois (XVe siècle)
Solène Baron, Université Évry Paris-Saclay
Legs des livres dans les testaments lombards de l’âge moderne
Annamaria Monti, Università degli Studi di Milano
12h30 : Déjeuner
Session 4 - Genre et transmission patrimoniale
14h00 : Testaments féminins d’Avignon à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne
Joëlle Rollo-Koster, Rhode Island University
Prendre soin du survivant : actions testamentaires des époux parisiens pour valoriser le conjoint malgré les restrictions normatives de la Coutume de Paris au XVIe siècle
Auriane Hernandez, Sorbonne Université
Les procédures per breviario : testaments secrets et stratégies d’exclusion à Venise au XVIe siècle
Audrey Gôme Constanti, Université de Rouen Normandie
Pause-café
16h15 : Conclusions
Anna Bellavitis, Université de Rouen Normandie
16h30 : Clôture
Entrée libre
Journées d’étude organisées par Federica Masè et Solène Baron avec le soutien de la Graduate School Humanités – Sciences du Patrimoine de l’Université Paris-Saclay, du Fonds pour le Rayonnement de la Recherche Internationale de l’Université Évry Paris-Saclay et du laboratoire IDHE.S