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mercredi15nov.2023
jeudi23nov.2023
L'Europe démocratique

Conférence et cycle

L'Europe démocratique


Présentation

 

Le Collège de France bénéficie d'une longue tradition de réflexion sur l'Europe. En réponse aux crises successives qui secouent l'Europe et aux appels fréquemment renouvelés à sa « renaissance » ou « refondation », le Collège s'engage à nouveau dans le débat sur l'avenir de l'Europe dans le monde par le biais d'un cycle de conférences inauguré en 2021.

Chaque année, deux conférenciers sont invités au Collège pour penser l'Europe, l'un en automne et l'autre au printemps, pour une série de quatre conférences. L'Europe est ici comprise au sens large des études européennes. Le cycle accueille toute réflexion historique, politologique, philosophique, philologique, anthropologique, sociologique, juridique, économique, littéraire, théologique, religieuse ou archéologique sur l'Europe en tant que continent, civilisation, culture, idée, valeur(s), mythe, ordre ou culture juridique, institution(s), organisation internationale (Union européenne ou Conseil de l'Europe) ou marché. Les trois séries de conférences précédentes ont porté successivement sur la géopolitique de l'Europe, les deux Europes et la paix en Europe. 

L'Europe démocratique

Cette quatrième série de conférences est consacrée au thème de L'Europe démocratique. Ce thème est certes un thème récurrent au sein des études européennes, mais aussi un thème incontournable en cette année électorale pour l'Union européenne. La légitimité démocratique de l'Union (et de ses Etats membres) est en outre un sujet qui ne doit pas passer au second plan en période de guerre et, plus généralement, de remise en cause profonde du projet européen, tant les décisions de politique intérieure et extérieure à prendre durant les prochains mois et années sont importantes et engageront l'avenir de tous les Européens.

 

Programme

 

Les valeurs de l'Europe et l'indétermination démocratique 

Le recours au répertoire des valeurs est devenu omniprésent tant dans les espaces publics nationaux que dans les stratégies de communication et de mobilisation des institutions européennes. Cette invocation récurrente de nos valeurs communes éclipse le caractère conflictuel des interprétations à donner aux principes qui structurent un espace public démocratique. L'objectif de ce cycle de conférences est de se saisir d'un certain nombre de principes proclamés dans le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en vue de montrer les tensions dont ils sont porteurs. Il en va ainsi de l'affirmation selon laquelle « l'Union européenne repose sur le principe de la démocratie et de l'Etat de droit ». Cette association ne semble plus aller de soi comme c'était le cas au début des années 2000, date de proclamation de la Charte. D'où la nécessité de rappeler les liens compliqués, et néanmoins inextricables tissés entre les principes de la liberté individuelle et ceux de l'autodétermination collective (1) et de maintenir le sens des distinctions entre libéralisme, néolibéralisme et autoritarisme (2). Le préambule de la Charte mentionne également la volonté d'établir un « espace de liberté, sécurité et justice ». Ces trois notions ne se laissent pas aisément concilier à l'heure où l'impératif de sécurité conduit au recul d'un certain nombre de libertés (3), et où la place donnée à la liberté d'entreprendre dans l'ensemble européen peut sembler nous éloigner des promesses de l'égalité et des exigences de la justice sociale (4). La conviction qui anime ces conférences est que les droits humains restent pertinents pour penser l'action démocratique en raison de leur indétermination et de leur potentialité autocritique par rapport aux usages dont ils font l'objet et aux conséquences qu'ils peuvent avoir. Loin d'être une communauté monolithique unie autour de valeurs supposées consensuelles, l'Europe démocratique devrait davantage être comprise comme le lieu d'un affrontement civilisé entre diverses interprétations des droits proclamés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 

Justine Lacroix est professeure de théorie politique à l'Université libre de Bruxelles et membre de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. Elle est l'autrice de plusieurs ouvrages consacrés au débat entre libéralisme et communautarisme.

 

Mercredi 15 Novembre 2023

 

17h30 : Une démocratie sans libertés ? Réflexions sur la notion de démocratie illibérale
Justine Lacroix

Au cours de la dernière décennie, la montée de régimes politiques à la fois électifs et autoritaires a donné du crédit à l'idée selon laquelle l'Etat de droit et le respect des libertés ne seraient que les formes d'une limitation libérale de la démocratie. Ce postulat, que partagent aussi bien les critiques que de nombreux défenseurs des droits humains, peut alimenter soit le repli inconditionnel sur les droits humains contre les aléas de la démocratie, soit la revendication d'une démocratie supposée plus authentique où la volonté du peuple primerait sur les libertés individuelles. Mais il ne s'agit là que d'un contresens (ou d'un subterfuge) qui manque le sens de l'expérience démocratique, confond le peuple avec l'affirmation d'une identité homogène et rabat les droits de l'homme du seul côté du libéralisme.

18h30 : Fin

 

Jeudi 16 Novembre 2023

 

17h30 : Le libéralisme autoritaire ou l'identification des contraires
Justine Lacroix

Dans la période récente, une formule s'est imposée dans nombre de cercles universitaires et militants pour désigner l'Union européenne : celle d'un libéralisme autoritaire qui serait inscrit dans le logiciel néolibéral ou ordolibéral des traités européens. L'origine de l'expression remonte aux derniers jours de la République de Weimar quand le juriste Hermann Heller la mobilise en réponse à un discours de Carl Schmitt devant le patronat allemand. Intitulé « Etat fort et économie saine », ce discours de Schmitt de 1933 donnerait, pour nombre d'auteurs, le motif fondamental qui informe les politiques développées dans le cadre de l'Union européenne depuis plus d'un demi-siècle. Pourtant, la thèse d'une affinité conceptuelle et politique entre Schmitt et l'ordolibéralisme allemand et, au-delà, avec le néolibéralisme et la construction européenne soulève trois difficultés majeures qui ont trait aux rapports entre Schmitt et le libéralisme, à un usage abusif du concept d'autoritarisme et à une réduction du libéralisme à une défense de l'ordre du marché. D'où l'importance de maintenir le sens des distinctions entre constitutionnalisme du marché et autoritarisme, entre libéralisme, néolibéralisme et capitalisme afin d'éviter de faire d'un oxymore une des clés d'appréhension du monde contemporain.

18h30 : Fin

 

Mercredi 22 Novembre 2023

 

17h30 : Impératif de sécurité et droit à la sûreté
Justine Lacroix

Le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne mentionne la volonté d'instituer un espace de « liberté, de sécurité et de justice ». Comment articuler ces notions notamment au regard de l'article 6 de cette même charte consacré au droit à la liberté et à la sûreté ? Au cours des deux dernières décennies, l'impératif de sécurité s'est progressivement substitué au droit à la sûreté dans les discours, et parfois les pratiques de nombre d'Etats européens, au risque de porter atteinte à la liberté politique et de rouvrir la voie à un esprit de vengeance au détriment du sens de la justice. A partir d'une élucidation du sens politique du droit à la sûreté puis des risques attachés à la mise en avant d'un droit à la sécurité, cette conférence se propose de concevoir la sécurité sur le mode d'une libération, à savoir une condition nécessaire à la liberté qui doit être un des objectifs des pouvoirs publics.

18h30 : Fin

 

Jeudi 23 Novembre 2023

 

17h30 : Les droits humains, entre libre marché et principe de responsabilité
Justine Lacroix

Pour nombre d'observateurs, le primat conféré aux droits individuels dans l'ensemble européen serait le symptôme d'une renonciation aux promesses de l'égalité et aux exigences de la solidarité sociale. L'usage fait de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne alimenterait un individualisme de la déliaison radicale qui occulte la réalité des rapports de force sur le terrain et néglige les solidarités collectives. Cette critique a une part de vérité. Cependant, le fait que les droits humains aient parfois pu servir d'alibi à l'abandon d'un vrai projet solidaire ne devrait pas conduire à les déserter, mais plutôt à explorer leurs ressources internes qui pourraient venir appuyer des politiques sociales ou écologiques ambitieuses. Cet effort d'élucidation suppose de s'interroger sur les apports et les ambivalences des concepts de « responsabilités » et de « devoirs » mentionnés dans le préambule de la Charte.

18h30 : Fin

 

 Entrée libre


Conférences organisées par le Collège de France dans le cadre du "Cycle Europe"



Amphithéâtre Maurice Halbwachs
Collège de France
11 Place Marcelin-Berthelot
75005 Paris