Présentation
Le XVIIIème siècle brandira l’idée devenue irréfutable aujourd’hui : la force de l’opinion est un gage de démocratie et permet de jauger le degré de participation citoyenne. Néanmoins, en raison du devoir d’éduquer et d’informer les masses, c’est au début du XXe siècle que sa banalisation interviendra dans l’ensemble de l’occident. Rapidement, par le biais de l’information, certains reportages deviennent discours de persuasion, et plusieurs journalistes et hommes de pouvoirs se piquent bientôt d’être les seuls du côté de l’opinion, qu’ils contribuent paradoxalement à former. Ici le système du Caucus, en suivant Ostrogorski, couronne le plus capable d’être élu – fût-il le moins capable de gouverner.
Petit à petit, l’espace démocratique qui reposait sur le suffrage universel et la compétition partisane laisse la place à la fabrique d’opinions stéréotypées, prêtes à l’usage des décideurs, de la machine politique, ou du système technicien cher à Ellul. Notre discipline n’a pas fini d’étudier le potentiel que les techniques d’information et de communication, constamment renouvelées, offrent aux politiques. Leur fiabilité semble ne plus pouvoir être discutée en démocratie. En effet, il n’est rien de plus commode que la « vérité » tirée de la majorité de l’opinion pour mobiliser les citoyens.
Rapidement, les sondages connaissent un succès franc et non démenti, comme si cette invention de la démocratie d’opinion faisait partie, au même titre que le suffrage universel, des principes qui fondent la légitimité du pouvoir politique. Associé de plus en plus à la propagande inhérente aux TIC, l’ensemble de ces techniques s’affirme dans le champ politique et médiatique, où se développent des stratégies de communication de plus en plus étoffées, permettant de sonder l’opinion aussi bien pour rassembler que pour diviser.
Pourtant, des chercheurs comme Lippman, Bourdieu, Noelle-Neumann, Lemieux et beaucoup d’autres, ont rappelé et rappellent encore que cette réalité d’une parole libérée de l’opinion fait peu de cas d’un certain nombre de questions qui, très vite, interrogent l’existence même de cette opinion qui deviendra majoritaire. Concrètement, l’opinion fait-elle taire les velléités de la masse populaire ou libère-t-elle la démocratie directe à travers la e-démocratie basée sur la légitimité de la majorité ?
L’objectif de cet atelier est de proposer une lecture à la fois comparée et interdisciplinaire permettant de répondre à ce questionnement : comment expliquer que nos sociétés pluralistes se rendent plus facilement à la puissance persuasive de l’industrie ou de la fabrique de l’opinion publique plutôt qu’à celle de la délibération citoyenne ?
Journée sous la responsabilité de Jean-Louis Alessandri, Université́ Paris-Saclay, Docteur en Civilisation Britannique, IUT Orsay, Thierry Dominici, Docteur en Sciences Politiques, Université de Bordeaux et Thibault Dauphin, Docteur en Sciences Politiques, Université de Bordeaux
Programme
Premier Panel - Sondages et Opinions
10h00 : La fabrique de l’opinion publique au XVIIIème et au XXIème siècles : approche comparée
Thibaut Dauphin, Université de Bordeaux
Les sondages face au régionalisme politique : le cas corse
Ornella Graziani, Université de Corse
Fabrique de l’opinion et idéologies de la reconnaissance sur les réseaux sociaux
David Bertrand, Université de Bordeaux
12h00 : Pause médiane
Second Panel - Tendances de l’Opinion
14h00 : 50 nuances de vert(s) pour une seule idéologie, de l’écologisme politique à l’écologie radicale
Thierry Dominici, Université de Bordeaux
La fragmentation du corps démocratique, une conséquence paradoxale du non pluralisme idéologique ?
Raphael Morisset, Université de Bordeaux
Analyse apophasique du discours de Donald Trump, Tulsa, 20 juin 2020
Jean-Louis Alessandri, IUT Orsay, Université Paris-Saclay
16h00 : Fin de la journée
Contact : https://www.u-bordeaux.fr/Contact
Organisée par l'IRM, Université de Bordeaux en partenariat avec l’IUT d’Orsay, Université Paris -Saclay