Programme
14h00 : Intervention de Lionel Zevounou, Paris Nanterre - IUF
Deuxième conférence du cycle "Approches critiques du droit" organisé par Antoine Basset, Pr. Université de Rouen, CUREJ.
Présentation du cycle
Malgré des progrès récents et malgré la longévité d'une revue comme Droit et société, qui maintient le flambeau fragile des études interdisciplinaires sur le droit, l'enseignement du droit laisse peu de place en France aux approches critiques. Est-ce la persistance de l'idée reçue selon laquelle le droit serait avant tout une technique ou un art, dimension qui seule devrait être transmise ? Est-ce le caractère quasi sacré longtemps reconnu à la loi, et par extension au droit ? Toujours est-il que des courants aujourd'hui bien établis qui démontrent la faillibilité du droit (ainsi du réalisme américain[1] ou des critical legal studies) n'ont pas connu le même développement en France : le mouvement critique du droit, mené notamment par Michel Miaille et Antoine Jeammaud, n'a eu qu'une existence assez brève, une dizaine d'années environ[2]. Par la suite, on peut recenser plutôt des personnalités que des écoles. Font peut-être exception les projets de recherche récents tels que REGINE, qui rassemblent des collectifs de chercheurs autour d'un seul questionnement. Ces initiatives paraissent cependant encore isolées.
Cela n'est pas d'ailleurs sans faciliter des présentations caricaturales, ou peu s'en faut, des « juristes » comme un corps presqu'étranger à l'université et aux exigences du travail en sciences sociales. Il faut concéder que l'usage fait par les juristes de la sociologie n'a pas toujours répondu aux standards épistémologiques élaborés par les sociologues : la sociologie juridique de J. Carbonnier, ainsi, s'apparente plutôt à l'asservissement de la sociologie aux fins de législation qu'à la construction d'une approche sociologique du champ juridique[3]. Les travaux des sociologues, à commencer par ceux de Bourdieu, restent généralement ignorés des juristes – au moins dans leur enseignement. C'est donc en dehors des facultés de droit que la sociologie du droit s'institutionnalise actuellement, et cette séparation organique ne facilite pas la connaissance, par les juristes, des travaux qui leur permettrait un retour réflexif sur leur propre discipline.
L'objet de la présente série de conférence est d'offrir un panorama des approches du droit que l'on pourrait qualifier aujourd'hui de critiques, soit qu'elles lui soient extérieures du point de vue institutionnel (sociologie du droit), soit qu'elles viennent de l'intérieur des facultés de droit, en utilisant ou non les outils venus d'autres disciplines (genre et droit, race et droit, droit politique). Le but recherché est d'offrir aux étudiants comme aux chercheurs des points de vue permettant de prendre par rapport à leur objet d'étude une distance propre à enrichir leur regard. On ne critiquera pas ici pour séparer le bon du mauvais, le vrai droit du faux droit, mais, pour utiliser un autre sens de la racine grecque, pour interroger le droit sur ce qu'il fait, même sans s'en rendre compte, et sur ce qui le fait – que les juristes l'acceptent ou pas.
Programme des conférences
Jeudi 7 novembre 2019 (14h30, amphi 400)
Pierre Brunet (Université Paris I), Les réalismes américains
Jeudi 14 novembre 2019 (16h30, amphi B250)
Lionel Zevounou (Université Paris Nanterre – IUF), Race et droit
Jeudi 12 décembre (14h, amphi B250)
Marie-Xavière Catto (Université Paris I), genre et droit
Mardi 21 janvier 2020 (14h30, amphi B250)
Charles Bosvieux-Onyekwelu (LEST – IRTS Marseille) Les élites ont-elles un rapport spécifique au droit et aux règlements ?
Lundi 10 février 2020 (14h30, amphi 400)
Thomas Perroud (Université Paris II), les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative
Mardi 25 février (14h30)
Noé Wagener, (Université de Rouen) Les approches marxistes du droit en Union soviétique
Semaine du 16 mars 2020
Romain Juston (Université de Rouen), Science and technology studies et droit : l'exemple de la médecine légale
Semaine du 30 mars 2020
Claude Didry (CNRS – ENS), le droit moderne dans la sociologie wébérienne, un enjeu pour le droit du travail
Semaine du 13 avril 2020
Emilia Schijman (ENS), le droit comme objet de l'ethnographe
contact : antoine.basset@univ-rouen.fr
[1] James Q. Whitman fait remarquer que, même sans se rattacher formellement à un mouvement théorique « réaliste », « la plupart des juristes américains sont réalistes, y compris au sein du mouvement Law and Economics » (Richard (Guillaume) et Zevounou (Lionel), « La traduction est au cœur de mon travail de comparatiste, entretien avec James Q. Whitman », Droit et société, 101, 2019, p. 101-113, p. 110).
[2] Garcia Villegas (Mauricio) et Lejeune (Aude), « La sociologie du droit en France : de deux sociologies à la création d'un projet pluridisciplinaire ? », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 66, 2011, p. 1-39, p. 13-14. Sur ce courant, Kaluszynski (Martine), « Sous les pavés, le droit – Le mouvement critique du droit : ou quand le droit retrouve la politique », Droit et société, 76, 2010, p. 523-541.
[3] Garcia Villegas et Lejeune, « La sociologie du droit en France », p. 10-12.
Organisée dans le cadre du Cycle de conférences « Approches critiques du droit » par Antoine Basset, Pr. Université de Rouen, CUREJ