Dans la continuité des quatre colloques organisés en 2021, 2022, 2023, 2024, respectivement consacrés aux sujets « Science et droit », « Mode et droit », « Divertissement et droit » et « Étranger et droit », l’Association des doctorants en droit de l’Université de Reims se lance un nouveau défi en dédiant la cinquième édition au thème « Espoir et droit ».
Envisagée dans une perspective pluridisciplinaire, la manifestation est ouverte tant aux juristes qu’aux philosophes, économistes, sociologues, psychologues, politistes, etc. Une approche comparative sera la bienvenue.
« Qu’est-ce que l’espoir ? Une transaction du rêve avec la réalité »[1].
L’espoir, sentiment moteur de l’action humaine, appartient au registre émotionnel, là où le droit relève plutôt du domaine scientifique. Les deux concepts se conjuguent toutefois pour accompagner le progrès, ou du moins, l’évolution de la société. Ainsi, le droit dresse un pont entre nos aspirations les plus optimistes et la réalité. C’est l’évidence de cette relation, de ce lien unissant l’espoir au droit, qui induit qu’il soit si peu analysé. Son étude scientifique pourrait pourtant être révélatrice d’une véritable richesse.
Issu du latin sperare, signifiant « envisager la réalisation de quelque chose », l’espoir désigne le sentiment qui consiste à projeter, dans le futur, la survenue d’un événement perçu comme favorable pour l’individu ou pour le groupe. En outre, l’anticipation d’un avenir meilleur est une démarche essentielle pour l’être humain : ne dit-on pas, d’ailleurs, que « l’espoir fait vivre » ?
D’un point de vue sémantique, l’espoir entretient une proximité indéniable avec d’autres termes – vœu, désir, attente, confiance, croyance, espérance – qui s’en distinguent toutefois par les degrés de certitude ou d’implication émotionnelle qu’ils suggèrent. La confiance et l’attente impliquent une plus forte conviction que le bien souhaité se réalisera, là où le vœu et le désir supposent une attitude davantage passive. En outre, le terme d’espérance est un proche voisin étymologique d’espoir. Bien qu'il soit souvent utilisé comme son synonyme, il peut toutefois exprimer, soit une croyance plus profonde et absolue que l’évènement attendu adviendra, comme c’est le cas avec l’espérance religieuse, soit une rationalité renouvelée dans cette projection en matière d’espérance mathématique.
L’espoir pourrait, ainsi, être entendu comme la visualisation objective d’une issue positive dans l’optique de sa concrétisation dans la réalité.
Puisqu’il régit les relations humaines, le droit ne peut rester hermétique aux émotions et aux sentiments qui les caractérisent, et parmi eux, à l’espoir. Se pose alors la question de la réception, puis de l’assimilation du concept d’espoir par le droit. En examinant ses manifestations en matière juridique, depuis son expression la plus brute jusqu’à ses formalisations en un espoir juridicisé, il est possible de retracer les étapes de ce processus.
Dans un premier temps, l’espoir pourrait constituer un motif extra-juridique retranscrit par certains dispositifs et règles de droit. Ainsi, le droit permet-il, sous conditions, l’indemnisation de la perte de chance, que l’on peut qualifier d’espoir définitivement déçu. Les contrats trouvent bien souvent leur cause dans un espoir identifié : par exemple, le partage du bénéfice réalisé dans le cadre d’une entreprise commune, en ce qui concerne le contrat de société. Que dire de certains contrats aléatoires qui, à l’image de la rente viagère, nous poussent à nourrir des espoirs moralement ambigus ? C’est enfin l’espoir qui motive le recours au juge, les attentes du justiciable constituant ses prétentions. Le droit pourrait ainsi reconnaître à l’espoir, même sous sa forme la plus individualiste, certains effets juridiques et y attacher des sanctions spécifiques.
Dans un deuxième temps, l’espoir pourrait être qualifié de force génératrice de droit. Nos lois et textes fondamentaux sont orientés vers la concrétisation d’un bien espéré, qui doit être défini. Etudier le droit ou son histoire, c’est aussi retranscrire les résultats de luttes politiques, pour l’abolition de l’esclavage, pour l’égalité entre toutes et tous, pour la paix ou la sauvegarde de notre environnement. Les élans d’espoir ayant motivé ces mouvements peuvent semble-t-il être analysés à l’angle des sources matérielles du droit. Toutefois, la norme, élément d’un tout complexe, ne suffira pas toujours à matérialiser le modèle idéal qui lui était associé, ce qui pose la question de son efficacité. On peut dès lors nourrir des espoirs pour le droit lui-même, tâche qui incombe notamment à la doctrine, invitée à porter un regard critique sur l’état du droit et à identifier, de manière prospective, ses évolutions potentielles. Enfin, un espoir de droit anime les juristes comme les justiciables, lorsqu’ils sont confrontés à un « vide juridique », source d’incertitude. Toutes ces manifestations d’espoir semblent façonner le droit et structurer son architecture.
Dans un troisième temps, la simple réception laisse place à l’assimilation : l’espoir est finalement intégré à la matière du droit. Il pourrait alors s’élever au rang de notion juridique à part entière, servant de référence tant dans les textes que dans la jurisprudence. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme manie, non sans ambiguïté, une notion d’ « espérance légitime », considérant l’espoir d’un bien comme le bien lui-même. De même, les mentions d’un droit subjectif à l’espoir fleurissent au sein de la jurisprudence et des écrits doctrinaux : fondant le réexamen ou l’interdiction des peines de réclusion à perpétuité réelle, ainsi que l’accès anticipé de patients à de nouvelles formes de traitement au mépris des règles de précaution, ce droit à l’espoir en gestation pourrait s’épanouir dans le sillage d’autres droits fondamentaux. Devenu instrument juridique, l’espoir serait susceptible d’insuffler de nouvelles dynamiques à nos règles de droit.
En somme, l’appréhension du droit au prisme de l’espoir promet à la communauté scientifique l’exploration de questionnements aussi pertinents qu’inédits. Porter un regard neuf sur cette dimension sentimentale du droit afin d’ouvrir de nouvelles perspectives pour la recherche juridique : tel est l’espoir au fondement de cette démarche.
Les projets de contribution, prévus pour être formalisés dans un document de 2500 signes (espaces compris), présenteront le sujet envisagé, tout en mentionnant les coordonnées de l’intervenant (qualités, fonctions et institution d’origine). Le document devra être envoyé, au plus tard le 31 mars 2025, à l’adresse suivante : doctorantsdroitreims@gmail.com
Concernant les modalités de participation, il est précisé que les frais de déplacement et d’hébergement des intervenants seront pris en charge et les actes du colloque feront l’objet d’une publication.
Calendrier :
- Lancement de l’appel à contributions : 17 février 2025.
- Date limite de soumission des propositions : 31 mars 2025.
- Retour du comité scientifique et communication de la liste des contributions : 30 avril 2025.
- Colloque « Espoir et droit » : 19 septembre 2025.
L’Association des doctorants en droit de l’Université de Reims (ADENDUR)
[1] Pierre Chambaud à Michel Ducaisne. E. Augier, Théâtre complet de Emile Augier de l’Académie Française iv. Un Beau mariage, Acte premier, Scène vi, Éditeur Ancienne Maison Michel Lévy Frères, Paris, 1897, p. 158.