L'association des doctorants en droit de l'Université de Reims Champagne-Ardenne (ADENDUR) prépare actuellement son colloque 2024 consacré à l'étude d'un objet dont l'essence appelle à la découverte : « Etranger et droit ». La manifestation est ouverte aussi bien aux contributions de droit public que de droit privé. Par ailleurs, afin de favoriser une réflexion multidisciplinaire, les propositions émanant d'un binôme juriste/non-juriste — philosophe, économiste, sociologue, politiste, etc. — sont bienvenues, voire très appréciées, au même titre qu'une approche comparative.
L'étude de l'« étranger » renvoie à juste titre vers des thèmes de recherches assez communs. L'humanité a toujours été fascinée par l'étranger, avec une curiosité et une solide volonté de découvrir des terres inconnues tout en émettant une profonde méfiance envers l'inconnu. Les sociétés humaines se sont constituées sur elles-mêmes pour se prémunir les unes des autres des agressions extérieures. Le mouvement a ainsi été celui « d'une société civile dont les membres cessent d'être obligés de pourvoir eux-mêmes constamment à leur propre défense, parce qu'un gouvernement s'est chargé de ce soin avec une armée organisée »[1].
Ainsi, le terme d'étranger semble fondamentalement lié à la notion d'Etat, c'est à ce titre qu'il peut désigner « ce qui est d'un autre pays » ou l'« ensemble des pays étrangers »[2]. Cette distinction avec « ce qui vient de l'étranger » occupait déjà une place déterminante dans la structure démocratique athénienne où les métèques, étrangers à une cité grecque tout en y demeurant, étaient privés des droits politiques. L'étranger prend une importance toute particulière pour le Droit avec la constitution du système westphalien et la délimitation des frontières, marquage entre le national et l'étranger. Au niveau interne, les étrangers sont des « personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité »[3].
Le terme d'étranger renvoie de manière réflexe au droit des étrangers. Ce droit est souvent défavorablement perçu, l'actualité législative et doctrinale le plaçant au cœur de débats publics divergents. Le terme étranger semble à ce titre refléter une vision éminemment péjorative ; on décèle déjà dans le dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) l'acception d'hostilité pour désigner l'étranger. Porter une réflexion sur ce pan du droit des étrangers s'avère nécessairement bénéfique tant celui-ci est sujet à un régime et des pratiques en constante évolution. Les situations juridiques relatives aux étrangers, au sens du Ceseda, sont pourtant bien plus riches que les seuls cas de situations irrégulières. Le droit du tourisme est naturellement voué à se tourner vers ces étrangers à propos du tourisme international qui est un moteur économique majeur pour la France. Le thème proposé permet ainsi d'aborder un sujet épineux pour apporter des réflexions utiles sur un droit abondant et varié tout en démontrant la richesse de ce terme. « Droit et étranger » cristallise tous les maux de la société autant qu'il la sublime, tant la richesse de ces notions ouvre des perspectives d'études insoupçonnables de prime abord, et néanmoins fertiles et utiles pour sortir de ces conceptions pandémoniaques de l'étranger.
On peut appréhender l'étranger comme un domaine de rencontre permanent. C'est à ce titre que l'on peut étudier les influences réciproques de différents droits nationaux, ouvrant ainsi à la richesse de l'approche comparatiste. Dans cette perspective, il nous incombe de poursuivre la réflexion sur nos systèmes juridiques nationaux, toujours plus empreints et intégrés dans les systèmes de droits régionaux et internationaux. La naissance d'une situation contractuelle prend son sens lorsque deux ou plusieurs étrangers, au sens d'étrangers les uns aux autres, viennent s'associer par la constitution d'un lien contractuel. Ces réflexions permettent également de s'interroger sur la place particulière des tiers en droit, ces derniers étant étrangers, au sens d'extérieurs, à une situation juridique tout en en subissant des effets ou en détenant des droits à l'encontre de ces situations.
L'étranger est un thème de recherche et d'ouverture foisonnant. Il permet de traiter le paradoxe du droit comme un objet lui-même étranger au monde. Le Droit a vocation à organiser et régir les rapports des Hommes dans la société selon une philosophie déterminée pour la réalisation d'une idée d'œuvre. Certaines interprétations ou pratiques de textes juridiques pe uvent toutefois être étrangères à ces derniers. On peut également se demander comment expliquer certaines étrangetés juridiques avec par exemple la place particulière qu'occupent les fictions juridiques dans la conception de notre droit. Ces fictions sont concurrencées par des difficultés, voire des incapacités temporaires ou permanentes, à penser certains objets en droit, faisant d'eux des « objets juridiques non-identifiés ». L'étranger pour le droit c'est encore le paradoxe du principe selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » ; n'est-ce pas être un « étranger dans son propre pays » que d'en ignorer le droit, les évènements et ce qui s'y passe[4] ? On peut chercher comment justifier cette position lorsque les citoyens se trouvent parfois démunis face à un droit foisonnant et technique faisant d'eux des profanes extérieurs au monde juridique. Cette position permettrait également de souligner les situations des individus se mettant de leur propre chef en dehors du droit tel que les fraudeurs.
Concernant les modalités de soumission du projet de contribution, ce dernier devra être formalisé dans un document de 2500 signes (espaces compris) résumant l'intervention envisagée et comportant les coordonnées du candidat, ainsi que leurs fonction et institution d'origine. Ledit document devra être envoyé, au plus tard le 17 avril 2024, à l'adresse suivante : doctorantsdroitreims@gmail.com
Concernant les modalités de participation, il est précisé que les frais de déplacement et d'hébergement des intervenants seront pris en charge et les actes du colloque feront l'objet d'une publication.
Calendrier :
- Lancement de l'appel à contributions : Lundi 19 février 2024
- Date limite de soumission des propositions : Vendredi 19 avril 2024
- Retour du comité scientifique et communication de la liste des contributions : Fin mai 2024
- Colloque « Etranger et droit » : Vendredi 27 septembre 2024
[1] Maurice Hauriou, Principe de droit public, 1ère éd., 1910, p. 369.
[2] Encyclopédie, Larousse, entrée « étranger ».
[3] Article L. 112-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
[4] Le pédagogue à Oreste lorsque celui-ci souhaite retourner à Argos, Sartre, Mouches,1943, I, 1, p. 109.