Date limite le mercredi 20 déc. 2023
Le colloque sera une des occasions de fêter les cinquante années d'activités scientifiques de la société savante qu'est la Société Française pour le Droit de l'Environnement (SFDE).
Le thème du colloque se devait au regard de cette date anniversaire de prendre en compte la donnée temps et de traiter de l'évolution d'un droit dont l'objectif est la protection de l'environnement.
Pour se projeter dans l'avenir et réfléchir sur le devenir du droit de l'environnement, il faut au préalable en rappeler les fondations afin de mieux en comprendre les subtilités, les freins institutionnels et socio-économiques existants pour mieux les intégrer, les dépasser ou les contourner. Il est ainsi essentiel en point de départ de ce colloque anniversaire de donner la parole à des grandes et grands juristes qui ont œuvrés à la construction de ce droit au sein de la SFDE et qui pourront nous apporter leur témoignage et leur expérience pour mettre en perspective ces cinquante années de droit de l'environnement. Un temps y sera consacré le mercredi après-midi « Défendre l'environnement depuis 50 ans avec la SFDE : grands témoins ». Il sera précédé d'une conférence d'ouverture sur « La trajectoire du Droit de l'environnement en France » par le Professeur Jérôme Fromageau, Président de la SFDE, historien du droit.
Le choix de la thématique du colloque s'est porté sur « Le droit en anthropocène ». L'anthropocène peut être définie comme une période dans l'histoire de la Terre marquée par des activités humaines ayant laissé une empreinte forte sur l'ensemble de la planète[1]. La force du concept proposé en 2000 par Paul Crutzen, chimiste néerlandais, prix Nobel pour ses travaux sur la couche d'ozone est de souligner le caractère irréversible des phénomènes biogéochimiques enclenchés par l'agir humain sur la Terre[2]. Ce concept permet la prise de conscience de l'importance des impacts des, ou plus précisément, de certaines activités humaines sur le bon fonctionnement de notre planète Terre. Pour reprendre les mots de Jean-Baptiste Fressoz, « comprendre comment la Terre a changé d'époque peut contribuer à y vivre de manière plus sobre et plus équitable »[3] permettant ainsi de penser en termes de transition écologique. Inscrire le colloque dans ce contexte conceptuel permet d'acter à la fois l'absence de maîtrise de l'humain sur la nature, sa responsabilité dans l'état de dégradation et de pollution de la planète (Rapports GIEC, IPBES, OFB, IUCN, …) mais également la nécessité de passer – et sans tarder – à d'autres modes de fonctionnement sociétal. Se pose, bien sûr, alors pour nous juristes, l'épineuse question de l'effectivité et du devenir du droit de l'environnement actuel. Les réflexions et discussions autour de ce colloque devraient pouvoir contribuer, en relevant les apports fondamentaux mais aussi les faiblesses du droit de la protection de l'environnement, à en proposer son amélioration.
L'intitulé « Questionnement du droit de l'environnement au regard des droits de la nature » invite à s'interroger sur le pourquoi évoluer et comment. La montée en puissance du mouvement des droits de la nature questionne le contenu et les paradigmes sous-tendant le droit de l'environnement actuel et ce qu'il faut changer pour améliorer le caractère performatif des règles juridiques. Face à un droit ancré dans un système politico-économique très critiquable en termes de modèle de société viable/vivable/soutenable, le mouvement des droits de la nature se voudrait porteur de revendications parfois pleines d'ambiguïté et de contradiction et d'approches plus « écocentrées », arguant de plus de solidarité et de justice sociale. Les débats liés à cette thématique sont souvent très polémiques et amènent parfois à un dogmatisme inapproprié. Ce clivage réel ou apparent ne doit pas être occulté de même non plus que la nécessaire réflexion qu'il doit générer pour les juristes environnementalistes et au-delà. C'est pourquoi il paraît nécessaire que les juristes de et via la SFDE participent et donnent leur éclairage sur cette controverse essentielle pour faire avancer la science. En effet, cette cristallisation des positionnements doit être dépassée, l'objectif étant de tendre à l'identification des freins et des leviers de progression dans la protection juridique des éléments naturels. Ce colloque devrait permettre tout en évitant de s'enfermer dans cette seule alternative (droit de l'environnement versus droits de la nature) de (ré)interroger les paradigmes qui sous-tendent la protection juridique de la nature, de proposer ou leur renforcement ou des paradigmes alternatifs. Un effort d'argumentation devra être réalisé par les intervenants pour alimenter sur des bases solides et non implicites ou simplifiées, les discussions lors des temps (longs) prévus pour les débats.
Le droit de l'environnement reposant sur un socle publiciste, c'est-à-dire une protection de l'environnement par sa qualification d'intérêt général, les politiques publiques et un Etat institutionnalisé comme gardien de l'environnement, doit aujourd'hui être réformé. Il doit intégrer, ce qu'il fait déjà dans une certaine mesure, en ciblant plus directement les acteurs prédateurs de l'environnement, une approche donnant une place plus importante aux intérêts parfois occultés ou lissés de certaines communautés humaines ou/et non humaines, ainsi qu'aux liens et interdépendances, une approche moins dominatrice (masculiniste, colonialiste, matérialiste, …). La considération des droits de la nature permet également de réinterroger de grands concepts comme la liberté, la propriété, la souveraineté étroitement liés au droit de l'environnement.
Nous proposons d'explorer cette thématique et de lancer la disputatio dans le respect du pluralisme juridique et d'une approche comparatiste.
Déroulement du colloque
Les activités débuteront le mercredi 9 octobre 2024 à 15h00 pour finir le vendredi 11 octobre 2024 à 17h.
Après une conférence d'ouverture sur « La trajectoire du Droit de l'environnement en France » le mercredi après-midi permettra d'écouter le témoignage de grand(e)s juristes ayant oeuvré pour la protection de l'environnement « Défendre l'environnement depuis 50 ans avec la SFDE : grands témoins ». Après ce panorama historique, nous prolongerons la réflexion par le visionnage, dans la soirée du mercredi, d'un film documentaire sur la thématique, ouvert au public suivi d'un débat avec l'auteur et des juristes concernés.
Jeudi, la journée commencera par une table ronde « Pour sortir de la transition écologique: qu'est ce qui a du sens ? » composée d'un panel de scientifiques d'autres disciplines et qui permettra de situer nos propos dans les sphères non seulement juridique mais également scientifique et institutionnelle, de donner un rayonnement supplémentaire à nos débats et de voir comment se projettent d'autres disciplines.
Ensuite une première séquence juridique permettra de développer et de discuter la question du changement de paradigmes[4] pour un droit plus protecteur de l'environnement. Les droits de la nature en réinterrogeant les fondements permettent d'une certaine manière une opération de déconstruction/reconstruction du droit de l'environnement. Le principe selon lequel, indépendamment du positionnement adopté, l'objectif commun à toutes et tous est une amélioration de la protection de l'environnement, et l'idée qu'il n'est pas question d'occulter ou de nier les oppositions et différences de position (droit contraignant/droit volontaire, intérêt général/intérêt individuel/intérêt collectif, droit objectif/droits subjectifs, droit privé/droit public, privatisation (marchandisation) /nationalisation (patrimonialisation), approches bottom up/top down, démocratie représentative/démocratie participative,…) constitueront le socle sur lequel reposeront les discussions. Il s'agira de prendre en compte ces éléments, d'en saisir les apports et les limites ou dangers pour soit se positionner soit proposer encore d'autres perspectives.
Vendredi matin, la seconde séquence de discussion portera sur le caractère opérationnel de dispositifs juridiques proposés pour améliorer la protection de l'environnement/la nature. Il est proposé (pour l'instant, sans exhaustivité ni obligation et peut être par manque d'imagination) deux sous thématiques ; les indicateurs juridiques, la gouvernance des socio-écosystèmes/communs.
Ces séquences seront suivies le vendredi après-midi d'un temps d'expression sur « les non (encore) dits » lors des séances précédentes qui sera organisé par les doctorants et jeunes membres de la SFDE Est avec des méthodes d'intelligence collective.
La méthode et les activités permettant de décliner les diverses modalités de communication scientifique
En termes de méthodologie, nous proposons lors de ce colloque de varier les formes d'expressions (témoignages, interventions avec discutants, débats, posters, expressions collectives). En particulier, les séquences de réflexions juridiques seront organisées chacune en deux séances de 1h30. L'option prise est de donner du temps à la discussion/disputatio plutôt que d'enchainer les interventions, ce qui permet au public d'apporter ses arguments. Ainsi, chaque séance débutera par deux interventions (20 minutes chacune) qui permettront d'engager des débats. Ces derniers seront entamés par des premiers discutants (20') avant d'ouvrir à une discussion générale (30').
En parallèle de ces échanges, se dérouleront des évènements culturels en lien avec le sujet du colloque.
- Une soirée débat autour d'un film mercredi soir
- Une exposition tout au long du colloque d'un travail réalisé dans le cadre du projet « Dessiner le droit dans l'Anthropocène »[5] et de posters sur des recherches ou projet en lien étroit avec la thématique
Appel à contributions
Nous lançons un double appel à interventions et à posters.
La thématique étant à la fois large et provocatrice, cette diversité de supports d'expression permettra à chacun de pouvoir exposer son positionnement. Les possibilités d'intervention étant relativement restreintes, en raison du choix méthodologique pris d'un temps significatif octroyé aux débats, il sera éventuellement proposé une réorientation vers la formule du poster[6].
Les interventions porteront sur les deux grandes thématiques volontairement ouvertes : la question du changement de paradigmes pour un droit plus protecteur de l'environnement et celle du caractère opérationnel des dispositifs juridiques proposés pour améliorer la protection de l'environnement/la nature. Il appartiendra au comité scientifique de faire un choix parmi les propositions et de les ordonnancer.
Les posters permettront une ouverture à la société civile et de faire connaître une réflexion portée par une équipe de master, un(e) doctorant(e), un(e) post-doc, un chercheur, une association dont l'objet est la protection de l'environnement. Le poster pourra exposer des pistes d'action ou servir d'interpellation sur un aspect du sujet. La sélection des posters sera opérée par le comité d'organisation de la SFDE Est en tenant compte notamment de leur qualité esthétique.
Dates :
- lancement de l'appel : 20/09,
- clôture 20/12,
- relances 20/10 et 20/11
Le programme définitif devrait être adopté pour une diffusion en février 2024
Modalités d'envoi des propositions
Les propositions de communication sont à adresser au plus tard le 20 décembre 2023 par message électronique à colloquesfde2024@gmail.com sous la forme d'un document comprenant d'une part (sur une première page) le nom de l'auteur, son statut, ses coordonnées, ses principaux travaux, activités ou publications liés au thème, et d'autre part (maximum de 2 pages) le titre de la communication ainsi que la présentation de la proposition de communication. L'intitulé du fichier (format doc) envoyé indiquera s'il s'agit d'une proposition d'intervention ou de poster. Une anonymisation aura lieu avant de les transmettre au comité scientifique.
Les contributeurs et contributrices seront informés en février 2024 de la décision des comités.
[1] Negrutiu I. et Hamant O. Entrée « Anthropocène », in Dictionnaire juridique des transitions écologiques Collart Dutilleul F., Pironon V., Van Lang A. (dir, Institut Universitaire Varenne, coll. Transition & Justice, 2018, p. 104-106.
[2] Crutzen PJ et Stoermer ZF, « The Antropocene », Global Change News Letter , n° 41, 2000 , p. 17-18.
[3] Fressoz J.-B., « Anthropocène », in Dictionnaire juridique du changement climatique (dir. Torre-Schaub M., Lormeteau B., Jezequel A., Michelot A.), éd. Mare&Martin, 2022.
[4] Le terme paradigme est entendu comme une « conception théorique dominante qui a cours à une certaine époque dans une communauté scientifique » (Vanderlinden J., « Réseaux, pyramide et pluralisme ou Regards sur la rencontre de deux aspirants-paradigmes de la science juridique », RIEJ, n° 49, 2002, p. 17).
[5] « Dessiner le droit dans l'Anthropocène », Ecole urbaine de Lyon, 51 dessins produits par des duos de juristes et d'artistes paru dans un journal dédié en juin 2022. Ce projet artistique et juridique, (93 juristes et artistes issus de 20 pays), démontre la force créative du dessin pour répondre aux multiples défis contemporains qui touchent le vivant et l'environnement..
[6] Sachant que seul le séjour des intervenants est pris en charge par les organisateurs du colloque, les frais de présentateurs de posters étant en principe financés par les laboratoires de recherche ou les Ecoles Doctorales.
Colloque annuel de la SFDE à l'occasion de son cinquantenaire, organisé par la SFDE Est en partenariat avec le laboratoire SAGE et la Faculté de Droit de l'Université de Strasbourg (Master Droit de l'environnement, des territoires et des risques).