Choisir d'associer les termes « divertissement » et « droit », dans le cadre d'un colloque, peut prêter à sourire.
Le divertissement renvoie à la légèreté, le droit brille par son sérieux. Le caractère désinvolte du premier s'oppose à la rigueur du second. Le divertissement tend à l'évasion, par le plaisir qu'il procure, le droit vise l'ordre, au moyen d'un ensemble de règles. L'un serait réfractaire à toute logique, l'autre dépourvu de fantaisie. Le divertissement est réservé au temps de loisir. Le droit exige beaucoup de travail.
Divertissement et droit ne sont pas condamnés à s'ignorer, pour autant. L'interdépendance qui existe entre eux peut être formulée ainsi : sans « règles du jeu », il n'y aurait pas de jeu et donc, aucune chance de s'amuser.
Du latin divertere, « prendre ou aller dans une autre direction », le divertissement consiste en un détournement de quelque chose opéré dans un but précis. Le droit patrimonial de la famille a déjà pu mobiliser le terme pour désigner un détournement de biens passibles de sanctions civiles. Le divertissement, c'est aussi le fait de détourner ses pensées des choses essentielles, parfois en ayant été préalablement influencé. Il arrive, d'ailleurs, que le droit recoure à ce type d'artifice. Reste que le divertissement désigne surtout le fait de détourner notre attention des préoccupations de la vie quotidienne, par l'exercice d'activités diverses en des lieux et un temps a priori déterminés, dans le but de nous procurer un sentiment allant de l'insouciance au plaisir.
L'étude des liens entre divertissement et droit présente ainsi un intérêt certain.
En premier lieu, on observe que certains systèmes juridiques, notamment outre-Atlantique, connaissent un droit du divertissement, autrement appelé entertainment law. Son domaine est entendu plus ou moins largement et est susceptible de regrouper aussi bien le droit de la propriété littéraire et artistique que le droit des communications et des médias, le droit de la culture et des industries culturelles et, par extension, le droit de la publicité et le droit des sports. Cette dispersion des matières juridiques paraît faire obstacle à la reconnaissance, en France, d'une véritable branche du droit consacrée au divertissement. A considérer que ces difficultés puissent être palliées, l'opportunité de cette reconnaissance interroge.
En deuxième lieu, le divertissement joue un rôle important, sinon essentiel, dans l'épanouissement de l'être humain, car cela lui permet de se soustraire momentanément à la monotonie du quotidien, voire aux malheurs de l'existence. Par exemple, lorsque l'exigence de sécurité conduit à imposer la fermeture des lieux physiques de divertissement, c'est alors un « service de divertissement » en ligne, d'origine privée, qui se déploie. Compte tenu de son potentiel caractère fondamental, n'incombe-t-il pas à l'Etat de garantir un accès effectif au divertissement ? Ainsi, de la même manière que le droit au repos a fini par être consacré, ne devrait-on pas reconnaître l'existence d'un droit au divertissement ? Dans l'affirmative, il conviendrait de travailler à la définition du contenu et des limites d'un tel droit subjectif.
En troisième lieu, le droit est parfois un divertissement en soi. Si l'on songe immédiatement à certaines œuvres artistiques axées sur des sujets juridiques, force est de constater que le droit permet aussi de se divertir. Il devient de plus en plus fréquent, en effet, que les juristes consacrent des monographies aux liens entretenus entre le droit et certaines sources de divertissement (hip hop, spectacle, plaisanterie, rock, poésie, rap, spectacle, humour, jeux vidéo, bande dessinée, etc.). S'il peut s'agir là d'un des aspects du droit du divertissement, l'on ne peut nier qu'il s'agit aussi pour le juriste de se détourner momentanément de ses matières de spécialité qu'il juge sans doute trop sérieuses. Etudier des systèmes de droit fictif notamment représentés dans les œuvres littéraires (destinées ou non au jeune public) ou les séries télévisées : n'est-ce pas là aussi une façon, pour l'universitaire, d'enrichir sa connaissance du droit positif, mais de manière réjouissante ? Un tel mouvement aboutit parfois à une confusion des genres à travers, par exemple, l'élaboration d'un droit martien ou d'un code civil en vers, l'enseignement ou l'apprentissage ludique du droit, la théâtralisation du procès. Cela étant, le droit positif produit son lot de curiosités et c'est alors spontanément que l'universitaire se saisit de ce droit insolite. En d'autres termes, le droit peut aussi être envisagé comme un divertissement.
In fine, s'il arrive que le droit ne se prenne pas au sérieux, l'étude des relations entre divertissement et droit est l'occasion de dévoiler de sérieux questionnements juridiques. En portant un regard neuf sur le divertissement, les chercheurs peuvent se réjouir d'une chose : la science juridique ne manquera pas de s'enrichir de cette rencontre.
Les projets de contribution, prévus pour être formalisés dans un document de 2500 signes (espaces compris), présenteront le sujet envisagé, tout en mentionnant les coordonnées de l'intervenant (qualités, fonctions et institution d'origine). Le document devra être envoyé, au plus tard le 27 mars 2023, à l'adresse suivante : doctorantsdroitreims@gmail.com
Concernant les modalités de participation, il est précisé que les frais de déplacement et d'hébergement des intervenants seront pris en charge et les actes du colloque feront l'objet d'une publication.
Calendrier :
- Lancement de l'appel à contributions : 17 février 2023.
- Date limite de soumission des propositions : 27 mars 2023.
- Retour du comité scientifique et communication de la liste des contributions : 28 avril 2023.
- Colloque « Divertissement et droit » : 22 septembre 2023.
L'association des doctorants en droit de l'Université de Reims Champagne- Ardenne (ADENDUR) prépare actuellement son colloque 2023 consacré aux interactions entre droit et divertissement. Envisagée dans une perspective pluridisciplinaire, la manifestation est ouverte tant aux juristes qu'aux philosophes, économistes, sociologues, psychologues, politistes, etc. Une approche comparative sera la bienvenue.