L'Association des doctorants en droit de l'Université de Reims (ADENDUR) prépare actuellement un nouveau colloque, pour la rentrée 2022, consacré à l'étude d'un sujet d'actualité original : « Mode et droit ». Le présent appel à contributions concerne aussi bien les juristes spécialistes de droit public que de droit privé. Par ailleurs, les propositions favorisant une approche comparative, au même titre que celles émanant d'un binôme juriste / non- juriste – philosophe, économiste, sociologue, politiste, etc. – seront bienvenues, voire très appréciées, et ce afin de favoriser une réflexion pluridisciplinaire.
L'étude des relations entre mode et droit peut sembler curieuse et relève du défi. Pour commencer, tout paraît opposer ces deux objets d'étude : le droit est supposé être austère, la mode frivole ; là où le droit prétend à la stabilité, la mode est en permanent renouveau ; le droit adopte une démarche prudente, la mode est davantage audacieuse. Défi pour les chercheurs, défi pour le droit : ce dernier peut-il saisir l'insaisissable ? L'étude des influences réciproques entre mode et droit impose de comprendre ce que signifie le terme « mode », dont le domaine est bien plus large qu'on ne pourrait le penser de prime abord.
La polysémie du terme est évidente : les dictionnaires font non seulement apparaître l'existence de deux substantifs, l'un féminin et l'autre masculin, mais ils proposent encore plusieurs acceptions de la mode au féminin. Seule cette dernière sera retenue dans le cadre de cet appel à contributions, ce qui se justifie par l'évolution historique du terme. En effet, quoique le terme « mode » ait pu dériver du latin modus (masc.) signifiant « mesure, étendue ; modération », il s'agit en réalité d'un emprunt tardif qui fondera le sens technique du « mode » au sens de modalité et qui ne constitue pas une notion à part entière. La référence au substantif masculin n'a en outre été employée que plus d'un demi-siècle après l'apparition de la mode au féminin, dont le sens n'a cessé de se démultiplier depuis.
Initialement, la mode renvoie à « ce qui est établi de manière durable, stable », ce qui peut s'appliquer à la manière de se comporter propre à un groupe social déterminé. Ce n'est paradoxalement que dans un second temps que la mode va tendre à désigner une « manière passagère de vivre, de penser, etc., liée à un milieu, à une époque déterminés ». Ensuite, cette définition va se doter d'un sens restreint au domaine de l'habillement : la mode devient alors une « manière particulière de s'habiller, conformément au goût d'une certaine société ». A partir de là, il était naturel que la mode finisse par renvoyer à l'« industrie de la toilette », qu'il s'agisse des vêtements, des accessoires ou des cosmétiques. Les différentes acceptions de la mode comportent ainsi deux dimensions : la temporalité et l'habillement.
Confronter la mode et le droit impose, d'abord, de les lier au temps. A l'origine, le caractère de stabilité, tant de la mode que du droit, permettait de les réunir sous la bannière de la « coutume » : phénomène sociologique s'agissant de l'une, règle de droit s'agissant de l'autre. Puis, il faut bien constater que l'assimilation de la mode à la fluctuation ou à l'inconstance va poser une première difficulté pour le droit qui, bien que se devant d'évoluer, a tout autant vocation à garantir la stabilité des institutions dans le temps, gage de sécurité juridique. L'émergence des « effets de mode » issus de la société vient alors bousculer le droit. De quelle manière le droit doit-il se saisir de phénomènes sociologiques éphémères qui sont tout autant gage d'innovation que porteurs de risques de dérives ? Par ailleurs, n'est-ce pas le droit lui-même qui va se trouver influencé par des effets de mode (juridiques, sociologiques, etc.) ?
Associer la mode et le droit nécessite, ensuite, de rapprocher l'habillement et le droit. Premièrement, le droit se saisit de la tenue vestimentaire qui est vectrice d'intégration sociale tant au niveau individuel que collectif. Force est de constater que cette dernière dimension est représentative d'un « esprit de corps ». N'est-ce pas le cas des uniformes ou des « robes » des professions judiciaires et universitaires ? Le phénomène d'intégration collective lié à la tenue se manifeste également en dehors de la sphère publique, que ce soit au travail, dans le sport ou bien à l'école. En conséquence, il est permis de s'interroger sur l'étendue de l'empire du droit sur la tenue vestimentaire. Secondement, le droit doit se saisir d'une dimension renvoyant à l'esthétique de la personne, ce qui soulève de nombreuses questions. L'on songe ainsi bien évidemment à l'industrie du luxe et à la protection de la propriété intellectuelle des créateurs (brevets, dessins et modèles). La « mode » est alors liée au droit des consommateurs, les créations influençant ces derniers et réciproquement. L'objectif de compétitivité inhérent au commerce n'impose-t-il pas aux entreprises de soigner leur image de marque en affichant le respect d'une démarche éthique (respect de l'environnement, des droits des travailleurs lorsque l'entreprise est implantée à l'étranger, etc.) ? Par ailleurs, en définissant des orientations pour l'industrie de la mode, voire en lui offrant les moyens d'atteindre les objectifs fixés, le droit ne risque-t-il pas de brider la liberté de créer ? Cela reviendrait à dénaturer la mode elle-même, dont le nécessaire renouvellement au fil des saisons paraît entrer en contradiction avec la protection de l'environnement notamment.
Les différents sens de la « mode » retenus dans le cadre de cet appel à projet permettent ainsi d'envisager deux axes de recherche. Concernant le temps, il est nécessaire d'étudier les relations entre le droit et la mode en tant que phénomène, qu'il s'agisse tant de l'influence de l'effet de mode social sur le droit, que de l'appréhension de l'effet de mode juridique, sans occulter le fait que la mode oscille entre tradition et modernité. Concernant l'habillement, il faudra s'intéresser au rapport que le droit entretient avec la tenue vestimentaire, laquelle revêt plusieurs fonctions. L'esthétique du vêtement ne sera pas en reste : la mode est un style, elle relève du goût et des couleurs, ce que le droit ne saurait ignorer.
Concernant les modalités de soumission du projet de contribution, ce dernier devra être formalisé dans un document de 2500 signes (espaces compris) résumant l'intervention envisagée et comportant les coordonnées du candidat, ainsi que leurs fonction et institution d'origine. Ledit document devra être envoyé, au plus tard le 28 mars 2022, à l'adresse suivante : doctorantsdroitreims@gmail.com
Concernant les modalités de participation, il est précisé que les frais de déplacement et d'hébergement des intervenants seront pris en charge et les actes du colloque feront l'objet d'une publication.
Calendrier :
- Lancement de l'appel à contributions : 21 février 2022
- Date limite de soumission des propositions : 28 mars 2022
- Retour du comité scientifique et communication de la liste des contributions : 29 avril 2022
- Colloque « Mode et droit » : 30 septembre 2022
Colloque organisé par les doctorants en droit de l'Université de Reims