Appel à communication

La juvénilisation des politiques publiques : Engagements, gouvernances et territoires

Colloque, Lille, 17-19 mars 2021

Date limite le vendredi 06 nov. 2020

Les trois laboratoires de recherche de l'université de Lille (CERAPS en Sciences Politiques, GERiiCO en Sciences de l'Information et de la Communication et TVES en Géographie et Aménagement) ont le plaisir d'organiser le colloque interdisciplinaire qui s'intitule : La juvénilisation des politiques publiques : Engagements, gouvernances et territoires. Interroger la catégorie “jeunesse” au prisme de la construction des politiques publiques.

 

Depuis des décennies, se sont succédées en Europe et au-delà, des générations de politiques publiques visant à intervenir sur ou en accompagnement des jeunes, autour de thématiques comme l'insertion, l'accès à l'emploi, l'éducation, les pratiques médiatiques, informationnelles et numériques, la citoyenneté. Ces politiques se sont déclinées autour trois principaux modèles : soit des programmes d'action (planification) thématiques ou stratégies jeunesse de niveau étatique sous l'impulsion de Ministères nationaux et/ou fédéraux, soit des dispositifs inspirés de l'affirmative action (Blanchard 1989) ciblant des populations et/ou territoires spécifiques, soit celui de politiques de jeunesses dites intégrées dans le cadre d'une régionalisation, d'une décentralisation de l'action publique. Toutes ces politiques sont restées caractérisées par un relatif flou, et de fortes fluctuations dans la définition même de ces jeunesses, qualifiant parfois des classes (d'âge), des générations (Moreno et Mariano 2018) ou encore des problèmes spécifiques.

C'est en particulier le cas en France où la remise en question, dans les années 1980, d'une approche sectorielle et centralisée des politiques publiques (Muller 1990), s'est traduite dans les premiers temps de la décentralisation, par la mise en place de politiques qui ne ciblent plus tant des “problèmes” spécifiques que des catégories spécifiques ou des zones spécifiques, et qui croisent de façon orthogonale une territorialisation progressive des politiques publiques (Warin 2004). Si l'existence de politiques de la “jeunesse” n'est pas en tant que telle une nouveauté (Loncle 2003), comme en témoigne du reste l'ancienneté de l'existence d'un Ministère consacré à cette catégorie en France, cette tendance s'est notamment concrétisée par une multiplication depuis les années 1980 de ce qu'on peut qualifier de « politiques publiques juvénilisées », au sens de programmes d'action publique qui mettent en avant la catégorie « jeunesse », par ailleurs vigoureusement discutée (Barry 2005). Ceci étant avéré pour la France, mais aussi au niveau européen (Oberti et Richez 2006 ; Chevalier 2015 ; Loncle 2017), voire au-delà (Williamson 2006 ; Williamson 2017), à une échelle nationale autant que dans le champ local (Halter 2007 ; Loncle 2011). Au point que l'existence d'une spécificité de politiques dédiées à une catégorie « jeunesse » peut sembler relever de l'évidence.

Cette évolution n'est pas sans soulever un certain nombre de questions.

D'abord, la sociologie de la jeunesse n'a cessé de démontrer qu'il n'existe pas de définition consensuelle de la catégorie « jeunesse » (Mauger 2010), que cette catégorisation est tributaire de représentations voire de stigmatisation (Gauthier 2008). En outre, les dispositifs marqués du sceau des “politiques de jeunesse” se caractérisent par leur grande variété tant dans leur contenu que dans leurs objectifs, leurs méthodes et leurs populations cibles (Becquet, Loncle, Van de Velde, 2012). Dans quelle mesure cette catégorie fait-elle sens, pour qui et dans quels contextes ? La mise au pluriel de la catégorie a-t-elle un quelconque impact ou n'est-elle qu'un effet de langage ?

Elle pose aussi les questions des effets attendus de ces politiques lorsqu'elles convergent, et de leurs référents idéologiques : s'agit-il de renforcer la citoyenneté, l'esprit critique, la créativité, de lutter contre des mécanismes de désinsertion sociale, ou, d'appuyer sous des formes plus normative l'encadrement des conduites, renforcer les effets de stigmatisation des « déviances » ou de « désengagement » ? De « mettre en capacité » réelle d'action, d'émanciper ou de conforter une vision néo-libérale de l'employabilité derrière des dispositifs de développement des compétences y compris les compétences numériques de l'“e-administré”?

Par ailleurs, la définition d'une population par classes d'âge, outre le fait de masquer une grande hétérogénéité (genre, classe, lieu d'habitation, capital culturel, etc.), peut aussi être prétextes à d'autres enjeux intéressant les institutions elles-mêmes, parfois davantage que les objets auxquels leur politique sont censées s'intéresser. La mise en place d'un réseau d'acteurs, le travail de consolidation de partenariats autour des thématiques jeunesse, en constituent aussi les attentes et possibles résultats tangibles. Les espaces nouveaux de collaboration ainsi créés deviennent porteurs d'enjeux politiques pouvant dépasser les effets attendus auprès des populations bénéficiaires de ces programmes. Dans cette optique, la « juvénilisation des politiques publiques » voit dédier explicitement à certains dispositifs d'accompagnement, de mise à l'emploi etc. le rôle de laboratoires de redéfinition de la conduite de l'action publique. Il s'agirait donc d'éclairer dans quelle mesure la « jeunesse » joue-t-elle aussi ce rôle de catégorie d'action politique ? Entourée de représentations positives, elle accompagne de ce fait aussi des formes évidentes de quête institutionnelle de rationalisation des moyens, de « meilleure » gestion, de communication vertueuse, voire éventuellement des visions à très court terme de l'action politique...

Enfin, derrière l'acception du terme générique de « territoire » des politiques de jeunesses se profilent des situations fortement différenciées au sein des métropoles autant qu'à distance de celle-ci dans les territoires de faibles densités (périurbain, rural...). C'est d'abord la tension classique entre actions ciblant des périmètres (discrimination positive) et des territoires qui est aujourd'hui à réinterroger par l'entrée croissante dans la société des réseaux (Vanier 2015, Estèbe 2008). Mais aussi la situation des jeunesses que les politiques abordent par périmètres ou par classements d'urbanité (territoire ruraux, périurbains). Quel sens, pour des « jeunesses » qui s'affranchissent allègrement des compartiments spatiaux ? Qu'attendre par ailleurs de dispositifs d'exception dit « sur mesure » ou de l'affirmation de principes de différenciation territoriale ?

Ce sont ces problématiques que nous souhaitons voir développer lors de ce colloque, en accueillant notamment des contributions qui pourraient se définir autour d'axes de réflexion généraux suivant, non-limitatifs : quels sont les « problèmes sociaux » visés par les politiques publiques territoriales en direction de la jeunesse ? A quelles problématiques socio-politiques répond la juvénilisation des politiques publiques territoriales ? Quelles sont les méthodes nouvelles qui sont pratiquées et mises en œuvre dans le cadre de ces politiques ? Pour quels effets sociaux, territoriaux ?

 

Les axes thématiques de l'appel : 

 

Axe 1 : De quels problèmes la jeunesse (la juvénilisation ?) est-elle le nom ?

Une approche traditionnelle et objectiviste des politiques publiques tend à les présenter selon un modèle séquentiel dans lequel se succèderaient l'identification d'un problème, sa mise en agenda, la formulation d'une solution, et enfin sa mise en œuvre. Dans cette optique, ce serait l'émergence d'un 'nouvel âge de la vie', la jeunesse (Galland 2011), avec ses problématiques et mobilisations propres, qui aurait justifié l'émergence de politiques publiques spécifiques.

Ce schéma séquentiel a toutefois été remis en cause au nom d'une approche constructiviste des problèmes publics (Neveu 1999) qui souligne combien ce sont autant les dispositifs d'action publique qui configurent les problèmes auxquels ils répondent que l'inverse. En l'occurrence, en matière de jeunesse, on ne peut que constater que, même si les dispositifs mis en place au titre des politiques publiques de « la » jeunesse sont en théorie ouverts à tou.te.s, ils tendent à viser particulièrement certains “jeunes”, considérés comme éloignés de toute forme de participation (politique, culturelle, sportive), du marché de l'emploi, ou ayant des pratiques perçues comme "problématiques", par exemple pour ce qui concerne leur rapport aux médias et au “numérique”. A travers des politiques publiques dédiées ces « publics institutionnels » (Ollivier-Yaniv 2018), parfois désignés comme « NEET » (Not in Education, Employment or Training), sont cependant aussi présentés en tant que « ressources » (Vulbeau 2001), disposant de la capacité à affirmer leur personnalité, à mettre en avant leurs compétences et leurs talents (et à les mettre au service de la collectivité ou à “l'entreprise de soi”). Il s'agirait alors, à travers ces politiques, de leur donner "un coup de pouce », de les aider à « s'émanciper », voire à les "raccrocher" aux institutions. Si on prend l'exemple des politiques en matière de citoyenneté ou en matière d'empowerment, on constate en réalité une forte variété des objectifs poursuivis, allant de l'engagement bénévole à des formes déguisées de (re)mise au travail. Ces différents objectifs laissent penser que la catégorie « jeunesse » est mobilisée pour répondre à des problèmes qui dépassent le seul cadrage sur une catégorie d'âge, aussi bien pour le public ciblé (insertion professionnelle) que pour les structures qui portent les dispositifs (constitution de réseaux, métropolisation et infléchissement des rapports institutionnels locaux de pouvoir, recherche de financements, clientélisme, « disciplinarisation » de la jeunesse……).

La labellisation “jeunesse” d'un programme politique semble dès lors pouvoir répondre à des objectifs très diversifiés, parfois assez éloignés de la population-cible elle-même.

Les contributions relevant de cet axe auront pour focale d'interroger les « problèmes » qui sont visés derrière ces politiques labellisées « jeunesse » ?

Qui sont les jeunes pour lesquel.le.s on dit vouloir mettre en place des politiques spécifiques ? A quels problèmes sociaux souhaite-t-on répondre ? Dans quelle mesure ces problèmes sont-ils spécifiques à la jeunesse ? Dans quelle mesure « juvéniliser » une politique publique est-il un moyen d'atteindre, concomitamment ou concurremment, d'autres objectifs que le public ciblé ou que les objectifs les plus explicites ?

En somme, dans quelle mesure la jeunesse est-elle un moyen ou une fin des politiques publiques dites 'de la jeunesse' ?

 

Axe 2 : Co-construire les politiques publiques territorialisées en direction des jeunes ?

L'intégration de la jeunesse dans la société reste un enjeu crucial des politiques de jeunesse. Confrontées notamment à des phénomènes persistants de pauvreté, d'exclusions scolaire, sociale et professionnelle, les jeunesses actuelles ont, au cours des dernières décennies, été destinataires d'une intervention publique accrue mais aussi en forte évolution et recomposition. Ces évolutions se sont traduites par des formes de familialisation (transit des transferts sociaux via la famille) du traitement des problèmes touchant les jeunes (Labadie 2007). Elles se sont aussi traduites par une « proximisation » des cadres spatiaux et des formes de gouvernance de cette intervention publique, liée en particulier en France au mouvement de décentralisation, de régionalisation, de contractualisation et de réforme territoriale oscillant entre un maintien des logiques de secteurs et périmètres (zonages), et le développement d'approches davantage territorialisées. Dans sa phase la plus récente, le croisement de ces deux dimensions, à la fois de territorialisation et de familialisation, a constitué un terrain propice au développement de logiques d'expérimentation locale.

Alors que les expérimentations sociales sont solidement ancrées depuis le début des années 1990 dans la culture anglo-saxonne, la France par sa culture centralisatrice a pris un retard significatif dans ce domaine. Toutefois, depuis la fin des années 2000, les expérimentations sociales suscitent un intérêt croissant et tendent donc à se développer et à se structurer comme l'illustre la création du fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) en 2008. Décrit comme un laboratoire de politiques publiques finançant des actions innovantes en faveur des jeunes, le FEJ se veut être un « booster » d'initiatives territorialisées à destination de la jeunesse.

Plus de dix ans après son lancement, quels enseignements peut-on extraire de ces projets d'expérimentation sociale ? Comment les acteurs institutionnels prennent en compte, via ce mode d'action, les mutations sociales en cours et les transformations rapides des modes de vie des jeunes dans leurs mises en œuvre de politiques dédiées aux jeunes générations ?

Par ailleurs, autre sujet, au-delà des représentations parfois péjoratives associées à la jeunesse, cette population s'est retrouvée progressivement observée au prisme (voir mise sous injonction) de ses capacités et ressources à développer des compétences extrinsèques, à s'impliquer dans des actions collectives et à expérimenter de nouvelles pratiques sociales. Tout comme l'ensemble des acteurs, d'ailleurs, que l'on pourrait regrouper sous le vocable de l'action sociale (éducative, en soutien à l'insertion...), désormais incités ou confrontés à expérimenter. Cette incitation ou contrainte à l'expérimentation laisse par ailleurs ouverte la question de la persistance de fortes inégalités territoriales dans l'application des politiques publiques destinées aux jeunes (Loncle 2013). Dès lors, dans quelle mesure la construction et l'expérimentation des politiques de jeunesse territorialisées est-elle en capacité de réduire ou au contraire accentuer certaines inégalités territoriales, de fragmenter leur possible traitement ? Comment politiques de « droit commun » et pratiques expérimentales se complètent ou interfèrent ?

Enfin, troisième question, concernant davantage les modalités de mise en œuvre (gouvernance) de ces politiques. Historiquement l'action publique portée pour la jeunesse relevait d'une imbrication des niveaux régional, départemental, intercommunal et communal. Elle était par ailleurs, en France comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, née au cœur des dispositifs propres à la géographie prioritaire et de ses thématiques vectrices (éducation, délinquance, insertion, citoyenneté...) qui s'étendront plus largement au cœur de « l'action sociale ». La réforme récente des collectivités territoriales en France à travers les lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam en 2014 et NOTRe en 2015) a renforcé le processus de décentralisation de l'action publique par l'Etat, mais l'a aussi complexifié autour d'une pluralisation de l'action locale. Cette inflexion a notamment généré un redécoupage administratif des régions, produit de nouvelles spécifications des compétences aux échelles régionale et départementale, ainsi que largement conforté le rôle joué par les métropoles, anciennes comme nouvelles, dotées désormais d'un nouveau statut et de nouvelles compétences. Contrairement à d'autres secteurs d'intervention publique fortement structurés par l'Etat, restant des compétences « régaliennes », comme l'éducation, la sphère « jeunesse » est désormais relativement diffuse, prise en charge par de multiples acteurs des territoires (par exemple, les collectivités locales, les communes, les associations, les organismes sectoriels, etc.) mais aussi pris dans des dynamiques de réseaux. Le retrait partiel de l'Etat sur les questions de la jeunesse ouvre donc un périmètre de gouvernance en reconfiguration, en quête de leadership, et de modalités de coopération. Dans ce nouveau cadre institutionnel, les métropoles, dont le rôle croissant dans l'organisation du territoire autant que la présence renforcée sur la scène politique reste difficilement contestable, se sont vues assigner le statut de « chef de file », avec pour mission de structurer voire consolider des partenariats, des collaborations, des coopérations entre les institutions des différents niveaux d'intervention. Ces modalités de pilotage métropolitain des politiques de la jeunesse sont à réinterroger, en particulier, mais non exclusivement, dans le cadre « post-MAPTAM » en France.

Quelles sont les approches, méthodes et voies de gouvernance, déployées sur le territoire pour construire et mettre en œuvre des politiques pour les jeunesses ? Quels acteurs contribuent à l'instauration d'un cadre d'action commun ? Quel rôle jouent ou pas les spécificités des territoires concernés ? Sous quelles formes (mise en réseaux, collaborations informelles...) et avec quelle efficacité ? Quels sont les processus d'élaboration de ces politiques à destination des jeunes ? Quels sont les discours/diagnostics mobilisés à cette occasion ? Par ailleurs, quelles sont les méthodes permettant d'éclaircir la constellation des acteurs impliqués par ces expérimentations lorsqu'elles sont menées et les formes de relations de pouvoir qui leur sont associées (analyse des réseaux sociaux...) ? Dans quelle mesure la mise en œuvre de programmes intégrés d'expérimentations à l'initiative de l'Etat a-t-il pu jouer un rôle d'accélérateur dans la structuration ou inversement la fragmentation du champ local des politiques et dispositifs en direction des jeunesses ?

 

Axe 3 : Questionner l'implication des jeunes

Laisser entendre comme on le propose dans l'axe 1 que les cibles des politiques publiques labellisées 'jeunesse' ne sont pas toujours celles qu'elles semblent être, conduit logiquement à se demander d'un côté, quels sont les effets (anticipés, prévus, escomptés) de ces politiques sur lesdites cibles et de l'autre, quels sont les modes d'appropriation par les jeunes des politiques publiques. Incarnées dans des dispositifs (de formation, d'éducation, de sensibilisation) mis en place par des acteurs variés, les politiques publiques en direction des jeunes, ou qui s'annoncent comme telles, orientent des actions et des initiatives qui prennent sens et prennent vie à travers l'implication, diversement motivée, des “jeunes”.

L'articulation entre les effets escomptés des politiques en direction de la jeunesse et les effets réels de leur mise en œuvre mérite d'être interrogée au-delà d'une simple critique des modèles “transmissifs”. D'une part en différenciant entre les objectifs annoncés par les politiques et les objectifs implicites, non-dits ou non dicibles ; et d'autre part en considérant la nature des proximités et des écarts entre ces objectifs (explicites et implicites) et les modes d'appropriation par les jeunes des actions mises en œuvre. Il s'agit donc dans cet axe d'une part de questionner la variété des effets (voulus, anticipés de façon plus ou moins explicites) sur les jeunes des dispositifs proposés dans le cadre des actions liées aux politiques publiques, et d'autre part d'interroger les usages et les appropriations par des jeunes de ces dispositifs.

Ainsi en est-il, par exemple, des dispositifs d'action publique qui visent à favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Nombreux sont les acteurs, publics ou associatifs, en s'appuyant plus ou moins directement et explicitement sur les politiques politiques, à avoir mis en oeuvre des outils pour évaluer, développer les “compétences” des jeunes, à travers une myriade de termes promotionnels tels que hard skillssoft skillsopen badges, ou à valoriser l'entrepreneuriat comme voie d'insertion. La question de la professionnalisation se retrouve aussi plus ou moins directement dans les secteurs de la citoyenneté (services civiques, clean-walk, KAPS, etc.), de la mobilité (internationale, comme Erasmus ou Erasmus+ ; ou plus locale, par exemple la possibilité d'obtention du permis B à un euro par jour) ou de l'éducation aux médias et à l'information (maîtrise des outils numériques, acquisitions de compétences opérationnelles dans le domaine du journalisme, de la communication, de la veille etc.). Dans certains cas, à un degré qu'il convient d'analyser, des savoir-faire (plutôt que des savoirs) sont priorisés, avec une tendance à valoriser la rentabilité et la transférabilité de la maîtrise des compétences, et ce malgré (ou à travers) un discours sur la citoyenneté, la créativité et la solidarité. Les injonctions à la professionnalisation, matérialisées dans des dispositifs éducatifs et pédagogiques, sont pourtant interprétées et mises en œuvre de façon variée par les acteurs “du terrain” notamment les acteurs de l'éducation aux médias et à l'information. En quoi les dispositifs traduisent-ils des intentions, de la part de ces acteurs, qui sont en appui ou en décalage par rapport aux objectifs de rentabilisation professionnelle ? Comment les jeunes “rentrent-ils.elles” dans ces dispositifs, à partir de quelles motivations et en développant quelles expériences ?

Quelle que soit leur appellation ou leur labellisation, les dispositifs (et leur discours d'escorte) tendent pour certains à renforcer une vision purement “topologique” des médias (Jeanneret, Souchier 2002) en tant que “facilitateurs des accès” pour tous. Or, non seulement la dimension symbolique des médias est-elle oubliée par cette représentation enchantée de la “mise à disposition” des outils pour tous, mais les inégalités des usages tendent à être escamotées voire gommées. Il s'agira alors de renverser le raisonnement : plutôt que de dire que l'inégal accès à la “professionnalisation”, à la “mobilité”, au “numérique” ou à « l'engagement » serait source d'inégalités sociales et que l'accès à ces dispositifs permettrait d'y remédier, ne peut-on pas affirmer que les inégalités sociales engendrent ou renforcent des appropriations différenciées des dispositifs ? Les politiques publiques, et leur lecture et mise en œuvre, contribuent-elles à dépolitiser l'image du “jeune” et de l'agentivité du “jeune” ? De quelles ressources disposent les jeunes qui participent à ces actions ? En fonction de ces ressources, quels usages font-ils/elles des dispositifs proposés ?

La proximité de certains dispositifs avec le monde du travail (Ihaddadène 2017) invite en effet à s'interroger sur la manière dont ils sont investis pour des visées professionnalisantes. Que révèle cet investissement sur le rapport au travail de ces jeunes ? Quels sont, là aussi, les usages différenciés des dispositifs en fonction de l'appartenance sociale des jeunes ?

On sera particulièrement intéressé par des travaux qui analysent des discours, des pratiques ou des dispositifs dans lesquels les jeunes prennent une part notable, à leurs yeux ou à ceux d'autres acteurs. Des travaux qui interrogent la manière dont les 'jeunes' impliqués s'y constituent une place qui n'est pas donnée d'avance, qui prennent en considération les circonstances et les interactions locales tout autant que les caractéristiques sociales et culturelles des personnes investies. Les propositions peuvent être par exemple fondées sur des ethnographies d' “échecs” ou de “réussite” de ces dispositifs, sur des récits de trajectoires qui prennent en compte la place de ces expériences dans les parcours scolaires, professionnels ou personnels ou qui soulignent comment ces expériences ont été vécues comme des expériences de compréhension, de violence symbolique ou de domination.

 

 

Les travaux interdisciplinaires seront particulièrement bienvenus ainsi que des études qui portent sur des terrains nationaux ou internationaux variés.

 

 

Calendrier

  • 6 novembre 2020 : soumission du résumé
  • 15 novembre 2020 : Accord du comité scientifique sur la recevabilité de la contribution
  • 15 février 2020 : Soumission de l'article complet (entre 35 000 et 50 000 signes bibliographie incluse)
  • 17 - 19 mars 2021 : Colloque

 

Modalités de soumission

Les propositions de communication (en français ou en anglais) doivent comporter un titre et un résumé de 1 000 mots maximum (bibliographie non comptée) qui spécifie la question de recherche, décrit les méthodes et les données utilisées et donne une indication des résultats. Elles doivent être envoyées pour le 6 novembre 2020 soit :

Accord du comité scientifique sur l'acceptation de la contribution : 15 novembre 2020

Les auteur.e.s des propositions acceptées devront soumettre des articles complets avant le colloque pour faciliter les publications ultérieures.

Date-limite d'envoi des communications (entre 35000 et 50000 signes maximum, bibliographie incluse) : 15 février 2021.

Prise en charge éventuelle, sous conditions, du déplacement et des frais d'hébergement.

Les langues de communication seront le français et l'anglais.

 


Colloque interdisciplinaire organisé par trois laboratoires de recherche de l'université de Lille (CERAPS en Sciences Politiques, GERiiCO en Sciences de l'Information et de la Communication et TVES en Géographie et Aménagement).

Université de Lille
Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales