Présentation de l'éditeur
L’année 2022 a été l’occasion de fêter les 150 ans de la loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d’État. Le relatif silence qui a entouré cet anniversaire a certainement quelques (bonnes ?) raisons : le texte est moins symbolique que ceux adoptés durant la Révolution française ou que la Constitution de l’An VIII ; tout comme il l’est sans doute moins que les décisions juridictionnelles qui lui sont contemporaines, polarisées autour de l’arrêt Blanco en 1873 puis de la décision Cadot de 1889. Reste qu’en pensant la nouvelle organisation et les nouvelles fonctions de l’organe qui allait devenir la cour suprême de l’ordre juridictionnel administratif, la loi du 24 mai 1872 demeure un acte fondateur des frontières du droit administratif français, dont les liens avec sa juridiction sont filiaux.
Avatar peut-être de ces crises (« ...sans catastrophe ») que la matière a toujours suscitées, cet anniversaire-prétexte est ainsi l’occasion de questionner précisément ces frontières, d’interroger ce qui, en 2022, en fait (encore) l’épaisseur, d’en tester les limites actuelles, à mesure que les facteurs de déstabilisation s’amoncèlent. De fait, l’essor du marché et de la (dé)régulation, l’enrichissement des sources du droit et du bloc de légalité administrative, l’apparition de nouveaux enjeux pour la puissance publique (environnementaux, sécuritaires, sanitaires…) ou, encore, la subjectivisation croissante des rapports de droit ne peuvent laisser le périmètre du droit administratif inchangé, offrant l’occasion de revenir, inlassablement, sur ce qui en fait ses caractéristiques essentielles. L’interrogation est d’autant plus intense que les totems du droit administratif (ce « droit de l’Administration », « prétorien » et « exorbitant du droit commun ») vacillent dans leur vertu explicative, à mesure que de nouveaux « objets » et « sujets » semblent envahir ou, à l’inverse, s’évader des représentations et catégories établies, le renouvellement des logiciels et des marqueurs pédagogiques étant régulièrement plébiscité au travers d’approches transversales, décloisonnées.
Entre hybridation des droits et dilatation des objets, pertes de repères et mirages de dépassement, tenter de percevoir les causes et les conséquences de la tectonique qui affecte le droit administratif français est l’ambition de cet ouvrage.
Actes du colloque du 16 septembre 2022 organisé à l’Université Jean Moulin Lyon 3 par l’EDPL et le CMH
Colloques & Essais , Vol. 186 , 294 pages. 27,00 €