Coll. Le Droit en mouvement, n°6
Présentation de l'éditeur
Le droit français s’est doté de dispositions spécifiques en matière de lutte contre le terrorisme à partir de la loi n° 86-102 du 9 septembre 1986. Par la suite, le Code pénal de 1994 a intégré les infractions relatives au terrorisme aux articles 421-1 et suivants, dans le Livre IV consacré aux crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique. Depuis lors, les très nombreuses réformes qui caractérisent la matière n’ont eu de cesse de développer l’autonomie des incriminations et le recours à des procédures d’exception pour tenter de proposer une réponse adaptée à « la menace terroriste ».
Cette tendance s’est encore récemment renforcée après les derniers attentats commis sur le sol français, et particulièrement ceux de janvier et de novembre 2015. Plus qu’en tout autre domaine, la répression se trouve associée à une volonté de prévenir les infractions. Or, la prévention à l’état pur, celle qui consisterait à identifier et réprimer les auteurs avant le passage à l’acte, est difficilement compatible avec les principes directeurs du droit pénal et soulève un délicat problème d’équilibre de la législation tant le risque d’atteinte aux libertés individuelles est fort.
La dernière réforme, issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité de la procédure pénale, illustre parfaitement ce dilemme. Cette loi, particulièrement dense, use de tous les leviers de la matière pénale. Elle prévoit de nouvelles incriminations, propose d’adapter les peines ainsi que la mise en œuvre d’une politique pénitentiaire favorisant la « dé-radicalisation ». Surtout, elle contient un important volet procédural qui confère aux enquêteurs de nouvelles prérogatives en autorisant le recours à certains procédés tels que l’IMSI catcher. Comme la récente loi sur le renseignement du 24 juillet 2015, la réforme du 3 juin 2016 suscite un véritable questionnement quant au respect des libertés et droits fondamentaux, notamment la vie privée. En filigrane, c’est également la pertinence d’une politique pénale sujette à de telles variations qui peut être discutée. La répétition des réformes, plutôt que la réactivité des pouvoirs publics, ne traduirait-elle pas finalement une certaine incapacité à saisir et à endiguer l’activité terroriste ?
L’ouvrage aborde l’ensemble de ces aspects afin de discuter des principales dispositions de la loi du 3 juin 2016, dans un contexte d’état d’urgence prolongé, avec le souci de « croiser les regards » dans la perspective d’élargir la perception du terrorisme et de ses enjeux par une combinaison des approches : juridiques et criminologiques, universitaire et pratiques, répressives et préventives, de droit interne et de droit européen.
Sommaire
Avant-propos, Michel Beaulier, Procureur Général près la Cour d’appel de Pau, p. 13
Politique générale et adaptation de la procédure pénale
La politique criminelle française en matière de lutte contre le terrorisme, Olivier Cahn, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Cergy-Pontoise, Chercheur au CESDIP-CNRS, p. 19
Les moyens nouveaux en matière de lutte contre le terrorisme : quelle efficacité pour une procédure pénale de plus en plus dérogatoire ? Haritini Matsopoulou, Professeur à l’Université Paris-Sud 11, Directrice de l’Institut d’Études Judiciaires, p. 35
Le point de vue du magistrat : quelles stratégies en matière d’enquête et de poursuites ? Jean-Christophe Muller, Procureur de la République, TGI de Pau, p. 47
Le point de vue de l’avocat : quels droits de la défense en matière de terrorisme ? Libres propos à partir d’une expérience pratique, Jean-François Blanco, Avocat, Ancien Bâtonnier, Président de l’Institut des droits de l’homme du barreau de Pau, p. 55
Aspects substantiels en droit interne et en droit européen
Quelles nouvelles incriminations en matière de lutte contre le terrorisme ? Sébastien Pellé, Professeur à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, Directeur du CRAJ, p. 61
Quelle adaptation des peines et quelle stratégie pénitentiaire dans la lutte contre le terrorisme ? Evelyne Bonis-Garçon, Professeur à l’Université de Bordeaux, p. 77
Quelle politique antiterroriste de l’Union européenne ? Guillemine Taupiac-Nouvel, Maître de conférences à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, p. 93