jeudi22mai2025
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Droit administratif et droit naturel
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Colloque

Droit administratif et droit naturel

Premier regard


Présentation

 

Le droit administratif est généralement considéré comme un droit assez technique se prêtant peu aux réflexions de la philosophie du droit. Trop souvent envisagé – à tort – sous l’angle exclusif du principe de légalité, ce droit semble évacuer d’emblée toute référence à des sources non-écrites, comme en témoigne le statut résiduel qu’il réserve à la coutume. Marqués par une culture française très attachée à l’écrit, les administrativistes cherchent systématiquement à fonder leur matière sur des sources textuelles : constitutionnelles, législatives, réglementaires, jurisprudentielles, etc…

En réalité, le rapport de ce droit à la règle écrite demeure assez suspect pour un droit que l’on dit « fondamentalement jurisprudentiel ». Il correspond mal à la construction historique d’un droit qui a été largement réalisée en dehors de tout fondement textuel. Et il faut admettre qu’encore aujourd’hui les textes s’avèrent parfois insuffisants pour permettre au juge administratif de remplir son office. Il y a tout lieu, par conséquent, d’accorder du crédit aux réflexions de certains pères du droit administratif (Locré, Vivien, Laferrière) qui considéraient que tout ce droit était une entreprise d’équité, en l’absence de texte ou lorsque l’application d’un énoncé normatif trop général risquait d’entraîner des conséquences injustes pour l’administré.

L’ambition de ce colloque consiste à démontrer que, comme toutes les matières juridiques, le droit administratif n’échappe pas à la présence, certes discrète, du droit naturel. Encore faut-il préciser ce que l’on entend ici par « droit naturel ». Loin de réduire le droit en axiomes ou en règles, la philosophie classique du droit naturel s’appuie sur l’idée que le droit, jus, est l’objet de la justice, la mesure de ce qui est juste dans des situations concrètes. Le juste gît dans les relations interpersonnelles (le droit est un rapport à autrui) et dans les choses dues, distribuées ou échangées, afin d’attribuer à chacun sa part. Dans cette perspective, le droit administratif est aussi un art d’ajustement, de mesure et de proportion. Cette approche du droit impose une démarche inductive, plus que logico-déductive, puisqu’elle suppose moins de déployer les conséquences de principes premiers que de rechercher dans chaque situation la solution ajustée. Ainsi, l’ars juris est avant tout une méthode.

On l’aura compris, le droit naturel n’est pas entendu ici comme une suite d’axiomes non-écrits tirés de la nature humaine et opposables au despotisme de l’État, point de vue défendu par les doctrines modernes du droit naturel. On ne saurait non plus le réduire à des principes immuables tirés de la nature des choses, point de vue caricatural que les adversaires du droit naturel imputent aux jusnaturalistes, auxquels ils reprochent de se fonder sur un postulat « cognitiviste ».

Peut-on envisager le droit administratif sous l’angle du droit naturel classique ? Refuser de le faire, n’est-ce pas se condamner à n’en avoir qu’une compréhension incomplète ? En effet, il existe de nombreuses figures du droit naturel classique en droit administratif. Tels sont par exemple les cas de l’engagement de la responsabilité de la puissance publique, souvent justifié sur le fondement de l’équité ; de la fixation du montant d’une indemnité, qui consiste en une véritable pesée permettant de parvenir à un juste équilibre ; de la détermination des obligations réciproques entre l’administration et son cocontractant. Cette piste peut s’avérer encore féconde pour porter un regard neuf sur des constructions que la doctrine a qualifié de « théories », mais qui relèvent plus probablement d’une attitude casuistique du juge : l’imprévision, l’enrichissement sans cause, les circonstances exceptionnelles, les compétences implicites, le fonctionnaire de fait, etc...

Il pourrait être tentant de ne voir dans ce recours au droit naturel qu’un habile maquillage destiné à cacher le pouvoir démiurgique du juge et de l’État. Le droit naturel ne serait que le paravent derrière lequel se dissimuleraient la domination, l’arbitraire du juge, et de façon ultime, le pouvoir et sa face hideuse de Gorgone, pour paraphraser Kelsen. Voulant rompre avec cette sombre anthropologie, cette journée tentera d’ouvrir des voies plus positives à partir de la formule de Celse, qui définissait le droit comme un « ars boni et aequi ». Et si le juge administratif s’était parfois laissé guider, peut-être à son insu, par la volonté de rendre à chacun ce qui lui est dû ?

Le propos de ce colloque consiste à prendre au sérieux la réalité du droit administratif telle que la philosophie classique du droit permet de l’appréhender. Il n’a cependant pas pour ambition d’embrasser l’ensemble des aspects susceptibles d’être lus sous ce prisme. La question des actes administratifs, des personnes ou encore celle de la police administrative ne donneront ainsi pas lieu à des interventions spécifiques. Il portera, plus modestement, un premier regard sur la présence discrète du droit naturel classique dans la formation du droit administratif ainsi que dans certaines de ses solutions.

Comité scientifique :
Gilles Dumont, Université Paris-Cité - Nicolas Huten, Nantes Université - Basile Mérand, Université catholique de l'Ouest - Hélène Orizet, Université catholique de l'Ouest - Jean-Claude Ricci, Aix-Marseille Université et Nicolas Sild, Université Toulouse Capitole

 

Programme

 

8h45 : Accueil des participants

9h00 : Mot de bienvenue
Clément Cousin, Directeur du campus UCO Nantes

9h05 : Propos introductifs
Nicolas Sild, Université Toulouse Capitole

 

Partie 1 - Le droit naturel dans la formation du droit administratif

Présidence : Edouard Martin, UCO Nantes

 

Section 1 - Les sources

9h30 : La continuité historique des règles du droit administratif : un indice du droit naturel ?
Mathilde Lemée, Université de Rennes

10h00 : Les figures du droit naturel dans les conclusions des commissaires du Gouvernement
David Mongoin, Université Jean Moulin Lyon III

10h30 : Discussions et pause

 

Section 2 - Les méthodes

11h00 : Le droit administratif sans les textes
Henri Bouillon, Université de Franche-Comté

11h30 : Le droit administratif malgré les textes
Basile Mérand, UCO Nantes

12h00 : Discussions

 

Pause déjeuner

 

Partie 2 - Le droit naturel dans les solutions du droit administratif

Présidence : Hélène Orizet, UCO Angers

 

Section 1 - Les biens

14h15 : Le droit dans les choses : la domanialité publique naturelle
Nicolas Huten, Nantes Université

14h45 : La recherche du juste dans le cadre de l’expropriation
Marjorie Monot-Fouletier, Université catholique de Lyon

15h15 : Discussions et pause

 

Section 2 - Les obligations

15h45 : L’équité dans les contrats et quasi-contrats administratifs
Alice Lassale-Jacquemond, Université Jean Moulin Lyon III

16h15 : La réparation du dommage en droit administratif
Jean-Claude Ricci, Aix-Marseille Université

16h45 : Discussions

17h00 : Propos conclusifs
Miguel Ayuso, Université pontificale Comillas, Espagne

17h15 : Clôture

 

 

Entrée libre.

Contact : bmerand@uco.fr


Colloque organisé par l'UCO Nantes, dans le cadre du Projet de recherche ADN - Actualité du droit naturel, avec le soutien de la chaire Éthique et innovation de l’UCO et le CREDO sous la direction de Nicolas Huten, Nantes Université - Basile Mérand, Université catholique de l'Ouest - Nicolas Sild, Université Toulouse Capitole



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