Présentation
Le droit économique est en cours d'écologisation, et cette dynamique conduit à repenser, d'un même mouvement, les acteurs et les méthodes du droit économique d'un côté et du droit de l'environnement de l'autre.
Du droit des sociétés au droit du commerce international en passant par le droit de la commande publique et le droit de la concurrence : pas une branche du droit économique ne semble aujourd'hui échapper à l'écologisation. C'est une nouvelle génération de droit de l'environnement qui est, ce faisant, en cours d'émergence. Par contraste avec le droit administratif de l'environnement traditionnel, qui est formellement piloté par les autorités publiques et qui s'applique à des installations et projets industriels situés sur le territoire national, ce droit économique de l'environnement est, pour une large part, élaboré et mis en œuvre par des acteurs non-étatiques ayant une capacité de projection transnationale. Les grandes entreprises, tous secteurs confondus, occupent un rôle de premier plan dans ce nouveau paysage normatif, ce qui soulève de nombreuses interrogations. Comment garantir l'efficacité et la légitimité des normes environnementales élaborées par ces pouvoirs privés économiques ? Comment éviter que ces normes, à les supposer efficaces, viennent illégitimement verrouiller l'accès au marché de nouveaux entrants, ou renforcer le pouvoir disciplinaire des géants économiques actuels sur les différents maillons de leurs chaînes de valeur mondialisées ? Les pouvoirs publics des pays développés pourraient, à l'avenir, se doter des moyens d'encadrer davantage l'activité de régulation environnementale des entreprises transnationales. Quoi qu'il advienne des projets en ce sens, d'autres acteurs entendent se placer en position de co-régulateurs, en particulier les associations de protection de l'environnement et les syndicats. Le colloque sera l'occasion de discuter des potentialités et des défis que représente cette participation accrue de celles et ceux qui, sous la qualification de « parties prenantes », entendent peser sur la fixation du niveau de risque écologique acceptable dans les chaînes de valeur globalisées.
Si l'écologisation du droit économique est récente, l'économicisation du droit de l'environnement est en réalité ancienne. Certes, l'habitude a été prise, depuis les années 1970, de présenter la réglementation environnementale comme une réglementation de « commande et contrôle » autoritaire et anti-économique, mais cette présentation, quoique traditionnelle, s'avère idéologiquement biaisée et historiquement inexacte. Dès l'origine, une place importante a été donnée, en droit de l'environnement, à la fois à la négociation avec les entités régulées sur le contenu des normes et leur mise en œuvre, et aux arguments économiques. A tel point que la réglementation environnementale a été décrite, par certains, comme un des fers de lance de la modernisation de l'outil industriel, et du renforcement de la compétitivité des entités régulées. Plutôt que de discuter du principe même de l'intégration entre arguments écologiques et économiques, le colloque questionnera donc ses modalités de réalisation, en interrogeant notamment le bien-fondé des arguments économiques mobilisés et leur propension à justifier l'économicisation des décisions qualifiées « d'environnementales » sans, en retour, justifier l'écologisation des décisions regardées comme « économiques ». De fait, l'ambition insuffisante des normes écologiques aujourd'hui adoptées ne procède bien souvent pas tant du fait que des arguments économiques aient été pris en compte dans l'équation, que du type d'arguments invoqués, de la méthode de valorisation des atteintes à l'environnement utilisée et des modalités d'établissement de la ligne de partage entre décisions économiques et environnementales. A ce compte, il pourrait y avoir beaucoup à attendre d'une analyse des impacts économiques des décisions environnementales qui soit à la fois plus robuste et mieux maîtrisée par les juristes. Rendre visibles les faux-semblants et les erreurs de traduction dont procèdent certains emprunts juridiques à l'économie pourra permettre au système juridique de recouvrer sa pleine capacité à arbitrer des conflits de valeurs que l'économie n'a pas, seule, les moyens de résoudre.
Aude-Solveig Epstein
Mardi 7 Juin 2022
Les acteurs non-étatiques de la régulation environnementale
9h00 : Accueil des participants et du public
Les pouvoirs économiques privés
1. L'implication dans la réglementation publique
9h35 : L'implication des banques dans l'élaboration et la mise en œuvre de la réglementation bancaire
Laurence Scialom, Université Paris Nanterre, EconomiX
10h00 : L'implication de l'industrie dans la production et la mise en œuvre de la réglementation sur les pesticides
Béatrice Parance, Université Paris Vincennes Saint-Denis, CRJP8
10h20 : Discussion
10h50 : Pause
2. Le foisonnement de la régulation privée
11h25 : Les différents régimes de réalisation des normes fabriquées par les acteurs privés
Jérôme Porta, Université de Bordeaux, COMPTRASEC
11h50 : Quelle prise en charge de la protection de l'environnement dans l'arbitrage commercial international ?
Jean-Baptiste Racine, Université Paris Panthéon-Assas, CRJ
12h10 : Discussion
12h45 : Pause déjeuner
Les contre-pouvoirs
1. Les acteurs
14h20 : Les nouvelles formes de participation environnementale
Judith Rochfeld, Université Paris Panthéon-Sorbonne, IRJS
14h45 : Quels financements pour les organisations de la société civile ?
Thomas Perroud, Université Paris Panthéon-Assas, CERSA et Fondation Humboldt
15h10 : La participation de la société civile à la mise en œuvre des clauses environnementales des traités d'investissement
Arnaud de Nanteuil, Université Paris-Est Créteil Val de Marne, MIL
15h35 : Discussion
16h00 : Pause
2. Les principes
16h25 : La constitutionnalisation de l'entreprise : applications actuelles et futures
Jean-Philippe Robé, Avocat aux Barreaux de Paris et de New-York et Ecole de droit de Sciences-Po
16h50 : La « démocratie environnementale » : quelle(s) réalité(s) derrière les mots ?
Raphaël Brett, Université Paris-Saclay, IEDP
17h15 : Discussion
18h10 : Fin de la 1ère journée
Mercredi 8 Juin 2022
La raison économique en droit de l'environnement
8h45 : Accueil des participants et du public
9h15 : Propos introductifs
Tatiana Sachs, Université Paris Nanterre, IRERP
Le pouvoir des arguments économiques
1. L'intégration des considérations économiques dans les critères de décision des autorités publiques environnementales : Regards croisés
9h30 : L'argument économique, fer de lance du droit de l'environnement
Aurélie Tomadini, Université de Bourgogne, CREDESPO
9h45 : La place des arguments économiques dans l'évaluation environnementale des projets
Emmanuel Wormser, Ingénieur et Avocat au Barreau de Lyon
10h00 : La prise en compte du coût économiquement acceptable dans la mise en œuvre du principe de précaution
Alessandra Donati, Référendaire à la CJUE
10h15 : La nécessaire unification des rationalités économiques et écologiques dans les politiques publiques
Bernard Perret, Ingénieur et socio-économiste
10h30 : Echanges entre intervenants et discussion avec le public
11h15 : Pause
2. L'exclusion des préoccupations environnementales des finalités du droit économique justifiée par des arguments économiques
11h45 : Table ronde introduite et modérée par Aude-Solveig Epstein, Université Paris Nanterre, CEDCACE/NYU Abu Dhabi
Avec :
Florian Couveinhes-Matsumoto, Ecole Normale Supérieure
Walid Chaiehloudj, Université de Perpignan, LARJE
12h30 : Discussion
13h00 : Déjeuner
Les limites des arguments économiques
1. L'effectivité contrastée des instruments économiques de protection de l'environnement
14h30 : D'un marché imaginé à la réalité de la compensation écologique
Isabelle Doussan, INRAE et Université Côte d'Azur, GREDEG
14h55 : Le principe pollueur-payeur contrarié par les normes comptables
Jennifer Bardy, Université Côte d'Azur, GREDEG
Alexandre Rambaud, AgroParisTech-CIRED
15h20 : Discussion
15h50 : Pause
2. Le bien-fondé discutable des arguments économiques invoqués en droit économique de l'environnement
16h20 : Analyse critique de l'usage des arguments économiques en droit de l'environnement
Antonin Pottier, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
16h45 : Discutante
Dina Waked, Ecole de droit de Sciences Po
17h05 : Discussion
17h30 : Propos conclusifs et remise du Prix de la meilleure contribution en droit économique de l'environnement
Gilles J. Martin, Université Côte-d'Azur, GREDEG
17h45 : Cocktail de clôture
Inscriptions : https://www.eventbrite.fr/e/299004258787
Evénement inscrit dans le cadre du projet de recherche sur la transition écologique du droit économique (TEDE), organisé pour l'Université Paris-Nanterre par Jennifer Bardy, Raphaël Brett, Marie-Alice Chardeaux, Aude-Solveig Epstein, Aurélie Tomadini