Présentation
Pour le Littré, le mot sacré peut s'appliquer aux « choses auxquelles on doit une grande vénération, qu'on ne doit point violer, enfreindre ou qu'on ne doit point divulguer, auxquelles on ne doit point ou ne veut point toucher ». Le terme de sacré peut se retrouver dans certains textes juridiques. Ainsi, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 proclame « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme » et fait de la propriété « un droit inviolable et sacré ». Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit que « le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion, ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Ces exemples non exhaustifs invitent au questionnement sur le sens à donner à cette sacralisation du droit ou cette sacralisation par le droit.
Le vocabulaire du droit emprunte souvent au caractère religieux. Nous dirons alors que le juge va consacrer un concept juridique, en le reconnaissant et par la même va élever cette théorie ou doctrine règle de droit. Le caractère immatériel et difficilement saisissable de certaines grandes notions du droit public rappelle indéniablement leur origine religieuse, comme la notion de souveraineté. Sous l'Ancien Régime, le caractère divin de la Souveraineté légitime le pouvoir du Monarque. Aujourd'hui, l'élection a remplacé l'onction sacrée. Pourtant, la Nation, qui remplace Dieu comme fondement de tout pouvoir demeure ce concept immatériel, difficilement objectivable. Les critiques formulées au système démocratique laissent en outre penser que la mise à distance du profane n'est pas totalement révolue. Le sacré apparaît de manière implicite ou explicite comme mécanisme de protection des personnes ou des choses. Les principes d'inviolabilité et d'indisponibilité du corps humain, fondement de la protection des personnes, trouvent leur source dans le précepte biblique selon lequel « Dieu a fait l'homme à son image ». Les réflexions entourant les questions de patrimoine commun de l'humanité et de la nation mettent également en exergue la volonté récente de sacraliser certaines ressources, matérielles ou immatérielles, culturelles ou écologiques, à des fins de protection. L'étude juridique du lien entre le sacré et la protection en particulier par le biais de la sanction parait donc d'actualité. Dans le même temps, la désacralisation progressive de certaines règles de droit, notamment sur les questions familiales, ou encore l'évolution de la catégorie des choses hors du commerce, montre que l'influence du sacré sur le droit évolue en fonction des époques.
S'interroger sur le lien entre sacré et droit revient également à prendre en considération la spiritualité, dans son aspect tant confessionnel qu'à travers la pratique religieuse, comme vecteur de normativité en droit français. La séparation des Eglises et de l'Etat en 1905 provoque une redéfinition de ce lien entre sacré et droit. L'Etat impose un concept de neutralité, il se contraint lui-même à une attitude « passive » vis-à-vis de la pratique religieuse des citoyens. Pourtant, le Sacré et le Droit ont bien une histoire commune dont le poids est encore perceptible. La frontière entre ces deux notions n'est pas aussi nette qu'elle semble l'être au premier abord, et la réflexion autour de leurs relations mérite qu'on s'y attarde.
Programme
8h30 : Accueil des participants
9h00 : Allocution
Antoinette Hastings-Marchadier, Doyenne de la faculté
9h10 : Allocutions des directeurs de laboratoires
Charles-Edouard Bucher, Professeur, Université de Nantes, Directeur de l'IRDP
Rafael Encinas de Munagorri, Professeur, Université de Nantes, Directeur de DCS
François Mandin, Maître de conférences HDR, Université de Nantes, Directeur du CDMO
Introduction au Sacré
Sous la présidence de Xavier Godin, Professeur, Université de Nantes
9h30 : Le droit face à l'éternité
Paul Tallio, Doctorant, Université de Nantes
9h50 : Homer sacer : du sanctionné au sanctifié
Mireille Himy, Doctorante, Université de Paris-Saclay
10h10 : La police du sanitaire et la mort au XVIII' siècle : Rennes, exemple d'une désacralisation par le droit
Julie Caddeo, Doctorante, Université de Nantes
10h30 : Débats et échanges
10h40 : Pause
Culte et Sacré
Sous la présidence de Pierre Legal, Professeur, Université de Nantes
11h00 : Le motif religieux en droit pénal
Adeline Costes, Doctorante, Université de Bordeaux
11h20 : La religion et le mineur
Léa Thoraval, Docteur, Université de Caen-Basse Normandie
11h40 : L'appréhension du fait religieux dans l'entreprise : du droit français au droit de l'Union européenne
Sophie Garnier, Maître de conférences, Université de Nantes
12h00 : Débats et échanges
12h10 : Déjeuner libre
Culture et Sacré
Sous la présidence de Jean-Christophe Barbato, Professeur, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
14h00 : Le sacré dans le culturel et le culturel dans le sacré : causerie juridique sur l'objet patrimonial
Ronan Bretel, Doctorant, Université de Paris Saclay
14h20 : Les liens entre culture et sacré à l'épreuve du droit public
Jean-Sébastien Château, Doctorant, Université de Nantes
14h40 : Crèches et Conseil d'Etat : de la subjectivité du sacré
Gaëlle Audrain-Demey, Doctorante, Université de Nantes
15h00 : Débats et échanges
15h10 : Pause
Justice, Etat et Sacré
Sous la présidence de Rudy Laher, Maître de conférences, Université de Nantes
15h30 : L'appréhension du fait religieux par les collectivités territoriales
Alice François, Doctorante, Université de Nantes
15h50 : Vers une sacralité rationnelle du procès pénal
Benjamin Fiorini, Docteur en droit, Université de Lyon
16h10 : Le blasphème et le droit
Eva Helesbeux, Doctorante, Université de Paris II Panthéon-Assas
16h30 : Propos conclusifs
Gweltaz Eveillard, Professeur, Université de Rennes
17h00 : Fin du colloque
Renseignement et inscriptions : dcs.colloques@univ-nantes.fr
Inscription gratuite mais obligatoire
Organisé par le Laboratoire Droit et Changement Social UMR - CNRS 6297, l'Institut de Recherche en Droit Privé EA 1166 et le Centre de Droit Maritime et Océanique EA 1165