Présentation
Après les attentats du 13 novembre 2015, l'exécutif français, conforté par le Parlement, a décidé de recourir à l'état d'urgence, en déployant une surprenante rhétorique de justification guerrière. Le choix de l'état d'urgence a immédiatement fait l'objet de vifs débats, nourris notamment des positionnements variés de la doctrine juridique, où re-jouèrent les justifications et critiques classiques du droit de l'exception.
L'état d'urgence a depuis lors engendré une pratique nouvelle d'un régime d'origine coloniale, imaginé au début du conflit algérien, réinstauré lors des troubles en Nouvelle-Calédonie puis dans les banlieues françaises. Ces origines de l'état d'urgence résonnent étrangement lorsqu'il est, comme aujourd'hui, question de répondre à un phénomène criminel exprimant selon certains analystes une sorte de « ressac postcolonial ».
La pratique contemporaine de restriction des droits fondamentaux autorisée par l'état d'urgence s'opère sous le contrôle du juge administratif en omettant le juge judiciaire qui n'est plus à l'origine de décisions privatives de droits confiées à l'exécutif. Ce juge administratif a, de surcroît, aisément admis la possibilité de mesures restrictives hors du champ justifiant spécifiquement l'exception.
Dans le même temps, la législation sur le terrorisme est venue durcir encore un régime pénal hors du commun.
L'ensemble de ces dispositifs permettent donc de renouveler la réflexion sur la justice d'exception. Mais la pratique française de l'exception peut également être située dans un environnement juridique supranational puisqu'à l'évidence la situation qui l'a fait naître présente des liens avec le monde international. Or, cet environnement juridique supranational lui est globalement favorable.
Car même si le discours justificatif originel de l'exécutif français ne correspond pas aux catégories classiques du droit international, ce droit est en mutation tant dans son contenu que dans son mode de production. L'affaiblissement du multilatéralisme et le rôle central du Conseil de sécurité des Nations Unies permettent d'exiger, d'autoriser ou de demander des législations nationales d'exception et des interventions militaires dans des formes inédites, et plutôt inquiétantes.
Dans le contexte régional européen, les pratiques d'exception nationales font certes l'objet d'un encadrement, variable, par la Cour européenne des droits de l'homme. Mais le droit de l'Union est, quant à lui, un vecteur de diffusion de sanctions issues de la lutte du Conseil de sécurité des Nations Unies contre le terrorisme, sanctions qui mettent en péril certains droits fondamentaux. Peut-on, dès lors, accorder crédit aux récentes propositions de la Commission européenne sur la garantie d'un Etat de droit pour les membres de l'Union ?
Le colloque de l'IEDP (Institut d'études de droit public – Université Paris-Sud) permettra d'interroger l'actualité de l'état d'urgence français, en évoquant les théories et pratiques de l'exception nationale (première journée) mais aussi les formes supranationales de l'exception (seconde journée). Il rassemblera politistes, historiens et juristes de droit interne, international et européen.
Programme
Jeudi 8 décembre 2016
10h00 : Accueil
10h15 : Présentation des journées
Antoine Latreille, Doyen de la faculté Jean Monnet
Florence Poirat, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud, co-directrice de l'IEDP
Rafaëlle Maison, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud
Première partie
Théories et pratiques de l'exception nationale
I - Doctrines de l'exception
Sous la présidence d'Eric Desmons, Professeur de droit public à l'Université Paris 13
10h30 : La philosophie politique de l'exception, et sa critique
François Saint-Bonnet, Professeur d'histoire du droit à l'Université Paris II
11h00 : Sortir de l'exception
Sylvie Barrault, Maître de conférences de droit public à l'Université Paris-Sud
11h30 : Justifications et contestations contemporaines de l'exception dans la doctrine juridique française
Charles Vautrot-Schwarz, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud
12h00 : Débats
12h30 : Pause déjeuner
II - L'état d'urgence français
Sous la présidence de Danièle Lochak, Professeur émérite de droit public à l'Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense
14h00 : Etat d'urgence, 1955 : une loi pour l'Algérie, une loi coloniale ?
Sylvie Thénault, historienne, Directrice de recherche au CNRS
14h30 : La qualification gouvernementale de l'exception
Véronique Champeil-Desplats, Professeur de droit public à l'Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense
15h00 : Le contentieux public de l'exception : l'exemple de 2005, l'exemple de 2015. Contestation de la décision d'entrer et de sortir de l'état d'urgence
Frédéric Rolin, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud
15h30 : Contestation des mesures prises en application de l'état d'urgence
Olga Mamoudy, Maître de conférences de droit public à l'Université Paris-Sud
16h00 : Débats et pause
L'exception terroriste en droit pénal
Sous la présidence de Frédérique Coulée, Professeur de droit public à l'Université d'Evry
16h30 : Les nouvelles incriminations
Raphaële Parizot, Professeur de droit privé à l'Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
17h00 : Les pouvoirs exceptionnels d'investigation
Haritini Matsopoulou, Professeur de droit privé à l'Université Paris-Sud
17h30 : Actualité de la justice d'exception
Vanessa Codaccioni, Maître de conférences de science politique à l'Université Paris 8
18h00 : Débats
18h30 : Fin de la journée
Vendredi 9 décembre
8h30 : Accueil
Seconde partie
Formes supranationales de l'exception
I - Régimes classiques et mutations du droit international
Sous la présidence de Sandra Szurek, Professeur émérite de droit public à l'Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
9h00 : Régime de paix, régime de guerre : les seuils de violence
Romain Le Boeuf, Professeur de droit public à l'Université Aix-Marseille
9h30 : Combattants et terroristes dans le droit de la guerre
Eric David, Professeur de droit international à l'Université Libre de Bruxelles
10h00 : L'Assemblée générale et le terrorisme
Delphine Placidi-Frot, Professeur de science politique à l'Université Paris-Sud
10h30 : Débats et pause
11h00 : Législation du Conseil de sécurité et modifications du droit pénal national
Rafaëlle Maison, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud
11h30 : Le « droit pénal de l'ennemi » et ses incidences internationales
Paulo Pinto de Albuquerque, Juge à la Cour européenne des droits de l'Homme
12h00 : Les nouvelles options du recours à la force : le cas syro-irakien
Olivier Corten, Professeur de droit international à l'Université Libre de Bruxelles
12h30 : Débats
13h00 : Pause déjeuner
II - Encadrement et diffusion de l'exception en droit européen
Sous la présidence de Laurent Fonbaustier, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud
14h30 : L'encadrement de l'exception terroriste par la Convention européenne des droits
de l'Homme
Frédéric Sudre, Professeur de droit public à l'Université de Montpellier
15h00 : Union Européenne et sanctions contre le terrorisme
Emmanuelle Saulnier-Cassia, Professeur de droit public à l'Université Versailles-Saint-Quentin
15h30 : Débats et pause
16h00 : Les systèmes européens d'exception
Rémy Hernu, Professeur de droit public à l'Université de Picardie
16h30 : Union de droit, Etat de droit : quel contrôle de l'Union sur la démocratie dans les Etats membres ?
Fabienne Péraldi-Leneuf, Professeur de droit public à l'Université Paris I
17h00 : Débats
17h30 : Libres propos conclusifs
Jean-Pierre Dubois, Professeur de droit public à l'Université Paris-Sud
18h00 : Fin de la journée
Inscription Gratuite mais obligatoire dans la limite des places disponibles
http://rech.jm.u-psud.fr/colloque/colloque.php?evt=84
Autour de l'état d'urgence français