&
mardi2nov.2021
mercredi3nov.2021
Dominer la nature, naturaliser les dominations

Colloque

Dominer la nature, naturaliser les dominations

Quelle est la nature de la nature ?


Présentation

 

La naturalisation d'un phénomène social est, dès l'Antiquité, une stratégie utilisée par certains groupes sociaux pour imposer des rapports de domination : c'est par exemple le cas de la réification des esclaves. Cependant, les éléments associés à la « nature », et la définition même de ce qu'est la « nature », changent selon les contextes et les configurations sociales. Nous souhaitons interroger ces usages des catégories « naturelles », ainsi que le double-sens du mot « nature » : elle est à la fois un espace opposé aux espaces culturels, et une identité perçue comme intrinsèque aux individus. Nous nous intéressons tout particulièrement aux liens qui sont parfois faits entre ces deux définitions dans un but de contrôle social, ainsi qu'à la remise en cause de ces phénomènes.

La naturalisation des dominations sociales est un phénomène connu, qui s'applique notamment dans le champ de la classe, du genre et de la race. En attribuant des caractéristiques physiques à la pauvreté, en identifiant le sexe avec le genre et en leur attribuant des caractéristiques sociales, ou en créant une division ethnique de la société autour de la race, de nombreux phénomènes de domination ont été rendus évidents en les biologisant. De la même manière, la constitution d'une identité collective pour un peuple (l'ethnogenèse et les récits des origines étudiés par Magali Coumert) a pu contribuer à rendre évidente, naturelle, l'organisation de nombreuses sociétés. Si ces phénomènes sont connus, leurs critiques et leurs remises en cause sont également d'un grand intérêt pour analyser leur construction.

Le mouvement inverse, mais complémentaire du premier, est celui de la domination de l'environnement, en créant une « nature » radicalement différente de la sphère humaine (la « culture »). Par cette différence, il est devenu concevable de s'extraire de la nature, et donc de pouvoir l'exploiter à des fins productives. Cette différence a été construite par des discours (Descartes qui fait l'homme « comme maître et possesseur de la nature »), mais aussi par des pratiques comme la cartographie, analysées en histoire ou en géographie. Ce « grand partage », remis en cause dès les travaux de Philippe Descola, puis par la crise écologique et les questionnements sur l'impact de l'humanité, a également été mis au service des catégories sociales dominantes.

C'est le croisement entre ces deux analyses (naturalisation des dominations sociales, domination naturalisée sur l'environnement) qui nous intéresse tout particulièrement. Sa remise en cause dans le champ scientifique, dans le sillage des questionnements politiques sur l'intersectionnalité des luttes à partir des années 1990, s'est d'abord porté sur la domination de l'Occident hors d'Europe lors de la colonisation, où la domination sur les corps a permis de justifier l'exploitation d'une nature construite comme vide, ce que montre bien Sylvia Federic. Cependant, de nombreux aspects de cette construction croisée restent à analyser, notamment la production de discours justificatifs, la construction du cadre juridique permettant cette domination, ou la concrétisation des rapports de force. On peut aller jusqu'à évoquer aussi des résistances à ces dominations, voire un retournement de la logique de naturalisation en faveur de l'émancipation des dominé.e.s : les écoféministes, tout en dénonçant la naturalisation des femmes par le patriarcat, cherchent à se réapproprier la nature et à construire une autre forme de rapport à elle. Il peut également être intéressant de s'intéresser à certaines figures jouant avec ces frontières (comme celle de François d'Assise, qui remet en cause tant la domination sociale de l'institution cléricale qu'humaine sur la nature), ou à des moments qui cristallisent ces conflits (l'esclavage, la crise des enclosures analysée par Thompson…).

Afin de donner plus d'ampleur à cette analyse croisée, nous voulons ouvrir ce colloque à des chercheuses et chercheurs de toutes les périodes historiques et de toutes les sciences humaines (notamment des géographes et des anthropologues). Les thèmes déjà évoqués offrent une base de propositions, mais nous sommes ouvert.e.s à toute communication qui aborderait ces problématiques générales sous un autre angle. Le choix de proposer ce colloque pendant les vacances scolaires est aussi une invitation à la participation de collègues en poste dans le secondaire, afin de diversifier les profils des participant.e.s et d'enrichir les discussions.

 

Programme

 

Mardi 2 novembre

 

Session 1 – Domination de la nature, domination sociale – Hugo

 

1.Des ressources naturelles mises au service des politiques d'aménagement

(salle 1)

14h30 : Rivalités et conflits d'aménagements autour du Pô à l'époque moderne : Brescello, Boretto et Viadana
Jean Senié

15h00 : Le sol productif, de l'exploitation au soin
Federico Diodato

15h30 : Pause

 

2.La domination de la nature, un instrument de pouvoir au service des dominants ?

(salle 1)

15h45 : L'image de Vénus dans l'Antiquité tardive : un reflet de la domination des élites
Florie Debouchaud

16h15 : L'ingénieur : « du destructeur au sauveur » ou quand la domination de la nature est intrinsèque à un métier
Sophie Mano-Avril

 

3.Justifier la domination de la nature, avec ou sans dieu.

(salle 2)

15h45 : Croisement entre les justification divine et naturelle des dominations
Lucile Queney, Cédric Molino-Machetto

16h45 : Fin de la 1ère journée

 

Mercredi 3 novembre

 

Session 2 – Les dominations de genre et la nature – Justine

 

Historiciser et déconstruire les rapports entre genre et nature

(salle 1)

10h00 : Le cheval et la pucelle : corps découpés, corps dominés au Moyen Age
Clémentine Girault

10h30 : Sortir de la nature ? Le féminisme des saint-simoniennes
Azélie Fayolle

11h00 : Pause

11h15 : Des dominants à la chasse, la chasse une domination ? La nature et le genre de la domination aux chasses présidentielles (1870-2010)
Raphaël Devred

11h45 : La construction discursive de la nature et des identités de genres dans les discours d'expériences de natures chez des collégiens et lycéens français
Thierry Deshayes et Laure Kloetzer

 

Perspectives contemporaines autour de l'écoféminisme

(salle2)

10h00 : « La Femme et la Nature », une analogie stratégique
Bénédicte Gattere

10h30 : Cultiver la nature : agroécologie et mobilisations écoféministes au Brésil (présentiel et visio)
Isabelle Hillenkamp, Hélène Guétat-Bernard et Héloïse Prévost

11h15 : Nature(s) résistante(s) : de Marie de France aux jardins ouvriers des Vertus
Atelier de Viviane Griveau, mi dans la salle mi en extérieur

 

12h15 : Pause déjeuner

 

Session 3 – Représentation de la domination et construction des identités – Jonas

 

1.Représenter la nature pour mieux dominer

(salle1)

14h30 : Wilderness et photographie de paysage : l'invention d'une nature sauvage
Alexandre Campeau-Vallée

Au-delà de l'évasion : dominer la nature et les femmes ? Rapports de pouvoir environnementaux et genrés dans Lac aux Dames (Marc Allégret, 1933-1934)
Roman Knerr

 

2.Dominer la nature par l'image, XVe-XVIIIe siècles - table-ronde

(salle 2)

14h30 : Carte blanche pour une table-ronde à quatre voix
Tassanee Alleau, Perrine Camus-Joyet, Jean-Baptiste Ortlieb, Jan Synowiecki

 

3.Nature et construction des identités sociales

(salle 1)

15h45 : « Environnementalisme au quotidien » et identités révolutionnaires : notes sur une ethnographie politique au Soudan d'après 2019
Barbara Casciarri

L'Afrique du Sud et l'apartheid : les interrelations d'une double domination sur la nature et les humains
Hugo Mazzero

 

4.Penser la nature dans les frontières de domination coloniale et post-coloniale – atelier

(salle 2)

15h45 : Atelier à trois voix, en cours de construction

Avec : Anne-Sophie  Lambert, Jonas Musco, Antoine Rousseau

16h45 : Clôture

 

 

Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


Colloque organisé au Campus Condorcet par Justine Audebrand, Hugo Vidon et Jonas Matheron.



Campus Condorcet
Centre des Colloques
20 AV George Sand
93210 Saint Denis