Présentation
Charles Renouvier (1815-1903) souffre aujourd'hui d'un singulier oubli. De la révolution de 1848 jusqu'à sa disparition en 1903, il a développé une philosophie théorique, critique et pratique de la république, qui, par plusieurs de ses thématiques, entre en résonance avec nos débats contemporains.
Parmi les grandes œuvres qui ont nourri la philosophie de la république, celle de Charles Renouvier souffre d'un singulier oubli. Celui-ci n'a pas été réparé par le retour à l'idée républicaine dans les années quatre-vingt, ni même par la reviviscence de la philosophie politique en France. En dépit de l'effort notable de quelques historien-ne-s et philosophes, les débats contemporains invoquent peu la grande figure de ce républicain libéral.
Pourtant, que ce soient les relations entre républicanisme et libéralisme ou l'articulation du tout et de la pluralité, de la liberté de l'individu et de la morale, ou bien encore les questions aussi cruciales que la justice sociale ou celle d'un droit international, toutes ont été patiemment élaborées avec un rare souci de cohérence par Renouvier.
Sa contribution à l'idée républicaine s'étend sur plus d'un demi-siècle, de la révolution de 1848 au temps de l'offensive anticléricale de la Troisième République. Mais son œuvre ne se déploie pas seulement au plan de la théorie. Renouvier fut aussi un publiciste incisif à travers ses revues dont la Critique philosophique (1872-1889) fut la plus influente.
Contribuer à rapprocher la réalité imparfaite de « l'état de guerre » de l'idéal de « l'état de paix », rendre les faits davantage conformes aux principes de la république, lui imposaient d'autres formes d'intervention intellectuelle. Ainsi, l'auteur du Manuel républicain de l'homme et du citoyen (1848) et du Petit traité de morale à l'usage des écoles primaires laïques (1879) a été directement engagé dans le projet pédagogique/démopédique républicain et laïque qui reconnaît à l'Etat une fonction spirituelle et souligne la nécessité d'une éducation à la liberté conjuguant autonomie de la personne et impératif de la solidarité civique et sociale.
Dans une appropriation, faite de reprise et de distance, le kantisme de Renouvier invite également à se pencher sur les transferts du criticisme en France. Dans l'ordre de l'histoire intellectuelle, sa philosophie critique de l'histoire, pose la question de la place occupée par Renouvier dans les traditions historiques et sociologiques françaises.
Ce colloque interdisciplinaire auquel contribuent des auteurs français et étrangers se donne un double objectif :
- reprendre l'examen historique du « criticisme français », des interventions de Renouvier en son siècle et de son influence, en revenant aussi bien sur le moment 1848 comme creuset de l'idée républicaine que sur les conflits ultérieurs autour de l'institutionnalisation de la citoyenneté dans ses dimensions sociale et politique.
- revisiter quelques aspects cruciaux de son œuvre à la lumière des enjeux et des débats politiques contemporains portant sur la laïcité, la responsabilité de l'Etat en matière d'éducation à la liberté, la justice sociale, le pluralisme, le rôle et la forme de la critique dans une démocratie.
Programme
Jeudi 15 novembre
Matinée
Allocutions d'accueil
Christophe Prochasson – EHESS
Olivier Christin - CEDRE-PSL
Introduction - Le plus court chemin de Renouvier à nous
Laurent Fedi - Université de Strasbourg – Laboratoire CREPHAC, EA 2326
Le républicanisme de Renouvier à l'épreuve de l'histoire
Uchronie : roman du marranisme huguenot ou autre philosophie de l'histoire ?
Patrick Cabanel - EPHE, PSL Research University
Le Petit Traité de Morale à l'usage des écoles primaires et son occultation dans les débats scolaires
Benoît Falaize - Centre d'histoire de Sciences-Po
Après-Midi
Les fondements philosophiques de la république sociale
Renouvier / Durkheim : deux conceptions antagonistes de la République sociale
Mélanie Plouviez - Université Côte d'Azur, CRHI
Théorie de la propriété et question du droit au travail chez Renouvier
Jean-Fabien Spitz - Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
La portée du néocriticisme
La philosophie de la liberté chez Renouvier
Samuel-Gaston Amet - Université de Franche-Comté
Durkheim lecteur de Renouvier
Nicolas Sembel - ESPE-Aix-Marseille
L'idée républicaine et la référence criticiste en Europe au XIXe siècle
Dialogue entre Laurent Fedi et Heinz Wismann
Vendredi 16 novembre
Matinée
La république entre état de paix et état de guerre
Une philosophie républicaine à l'épreuve : Charles Renouvier devant l'affaire Dreyfus
Vincent Duclert - CESPRA-EHESS
Un philosophe dans la République. Penser les réformes
Marie-Claude Blais - Université de Rouen
La république et le religieux
Charles Renouvier, au fondement d'un anticléricalisme philosophique et politique
Jacqueline Lalouette - Université de Lille-3, IUF
L'héritage de 1848 dans la dernière philosophie de Renouvier : continuité et discontinuité au sein du républicanisme français
Vincent Peillon
La République comme religion
Frédéric Brahami, CESPRA-EHESS-PSL
Après-Midi
Penser le pluralisme
Renouvier, James, Wahl et la question du pluralisme
Mathias Girel - CNRS-ENS-Collège de France
Une république polythéiste à la source du pluralisme de Renouvier ?
Isabelle de Mecquenem - ESPE de l'URCA
Les sciences sociales et la pensée de Renouvier
That word 'thing' : Renouvier, Durkheim and philosophical humanism
Susan Stedman Jones
Renouvier et la sociologie républicaine
Jean-Louis Fabiani - Central European University, Budapest
Ouverture
Proust et Renouvier. Autour de la notion « d'intermittence »
Masato Goda - Université de Meiji-Tokyo
Organisé par le CEDRE-PSL en collaboration avec le CESPRA, le laboratoire SPH (Bordeaux), l'Université Meiji de Tokyo, l'ENS