Présentation
Par l'éloignement géographique qu'elles impliquent entre les membres d'un groupe de parenté, les migrations provoquent de fait une redéfinition des liens et des rôles familiaux comme l'ont montré les travaux sur les « familles transnationales ». Mais l'évolution des liens de parenté dans les migrations est aussi le résultat d'un puissant travail d'imposition de normes par les institutions prenant en charge spécifiquement (à travers les politiques migratoires) ou non (école et petite enfance, logement, santé) les questions migratoires. Ces normes portent aussi bien sur les contours reconnus de la famille (pouvant exclure des frères et sœurs, des tantes ayant joué le rôle de mère, des enfants adultes) que sur le contenu attendu de ces liens (des agents de l'Etat étant chargés de distinguer un « vrai » d'un « faux » couple, ou de juger la manière d'être un « bon » père ou une « bonne » mère). Confrontées à ces normes, les personnes immigrées les apprivoisent, s'y contraignent ou les contournent, en mobilisant leurs propres cadres normatifs et leurs ressources économiques, sociales, et culturelles.
L'objectif de cette journée d'études est de saisir la rencontre entre ce double jeu de normes présidant à la redéfinition des liens de parenté en migration – normes véhiculées par les institutions des pays d'arrivées et normes reconnues par les migrants et leurs groupes de parenté (faisant en partie écho aux normes véhiculées par les institutions de leurs pays de départ). Il s'agira ainsi d'interroger le « travail » autour des normes familiales qui redéfinissent la parenté en migration, par les institutions et par les migrants eux-mêmes. Nous confronterons des travaux d'anthropologues, d'historien.ne.s, de politistes et de sociologues afin de réunir des contributions autour de différents axes : les politiques migratoires, les politiques publiques (de droit commun, non-spécifiques aux migrants : familiales, scolaires, de santé, etc.), les normes diffusées par les institutions dans les pays de départ / d'arrivée, les normes familiales des migrants.
Programme
9h00 : Accueil
9h30 : Introductions
Florence Weber (CMH, ENS)
Le sang, le nom, le quotidien à l'épreuve des frontières
Politiques migratoires, politiques familiales et parenté pratique des migrants
Jennifer Bidet, Cerlis, U. Paris Descartes
Amélie Grysole, CMH-EHESS, INED
Contrôler la réalité des liens de parenté pour contrôler les entrées aux frontières
Discutant : Nicolas Fischer, CESDIP
10h00: Documenting a “Family Life” worthy of “Respect” : Seeking Family Reunification in Denmark
Karen Fog Olwig (Professeur d'Anthropologie, Université de Copenhague)
Le soupçon comme moyen de tri des couples binationaux en France. Une comparaison entre couples de même sexe et de sexe différent en contexte migratoire
Manuela Salcedo, IRIS, EHESS
12h00: Pause déjeuner
Des “familles” aux contours variables : définitions institutionnelles dans les pays
Discutante : Sibylle Gollac (CRESPPA/CSU)
13h45 : Le statut des femmes : enjeu central des réformes du droit de la famille au Sénégal et au Maroc
Marieme N'Diaye, ISP
La procédure AFTA (autorisation d'entrée en France pour les familles de travailleurs Algériens) : délimiter et limiter l'immigration familiale algérienne après l'indépendance
Muriel Cohen, CHS, U. Paris I
15h45 : Pause
Juger les bonnes manières de “faire famille” : le rôle des institutions de droit commun
Discutante : Séverine Gojard, INRA/ALISS
16h00 : Des femmes migrantes tamoules (Sri Lanka) face à l'encadrement de la fonction parentale en quartier populaire
Olivia Vieujean, CMH-ETT, EHESS
Une police des familles immigrées : le logement social
Camille François, CRESPPA-CSU, U. Paris VIII
18h00 : Fin de la journée
Entrée libre dans la limite des places disponibles
Cette journée a été organisée par Jennifer Bidet, Cerlis, U. Paris Descartes et Amélie Grysole, CMH-EHESS, INED, avec le soutien du labex TransferS et du Département de Sciences sociales de l'Ecole normale supérieure.