Le citoyen dans tous ses états

Appel à communication

Le citoyen dans tous ses états

Colloque doctoral, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 4-5 juin 2018

Date limite le mercredi 28 fév. 2018

Argumentaire

Le projet de « L'art en partage citoyen » à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour se décompose en plusieurs conférences, journées d'étude et tables rondes où chercheurs, artistes et représentants d'associations sont appelés à intervenir. Il vise à appréhender l'art citoyen à travers les aspirations qu'il porte, les partages qu'il génère et les transformations qu'il produit sur chacun des acteurs engagés dans le processus créatif.

S'inscrivant dans ce cadre, les journées d'études « Le citoyen dans tous ses états », qui feront l'objet d'une publication dans une revue universitaire, visent, plus largement, à interroger la notion même de citoyenneté et les formes qu'elle revêt sous l'angle juridique, sociologique, géographique, anthropologique ou encore de la littérature et des arts. Notre réflexion se scinderait en deux temps, l'un portant sur la détention de droits politiques et l'autre se centrant sur la définition et les implications de la citoyenneté ordinaire.

D'une part, il s'agirait de s'intéresser à la notion même de citoyen en tant que membre de la cité. Qu'entendre de la place occupée par le citoyen dans l'Etat et de celle que l'Etat souhaite lui attribuer ? Par-delà la faculté du citoyen à investir, voire conditionner, l'exercice du pouvoir politique notamment par celui du droit de vote, n'est-il pas, du même temps, un instrument au service du politique ? Il suffit pour s'en convaincre de songer à l'institution de la citoyenneté européenne par le Traité sur l'Union européenne qui semble avoir servi une démarche de démocratisation et d'unification européenne destinée à contrer le déficit politique qui était reproché à l'Union. S'interroger en ce sens permet également de se pencher sur la question de la nationalité dont la citoyenneté présuppose l'acquisition. Puisqu'elle est définie selon la Cour internationale de justice comme « un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêt, de sentiments, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est […] l'expression du fait que l'individu auquel elle est conférée soit directement par la loi, soit par un acte de l'autorité, est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l'Etat qui l'a conférée qu'à celle de tout autre Etat »[1], elle soulève du même temps la question de l'identité commune entre ses représentants. Si, selon un récent rapport de la Commission européenne, 87% des Européens seraient conscients de leur statut de citoyen de l'Union européenne [2], faut-il pour autant en déduire qu'ils disposent des moyens nécessaires leur permettant de participer efficacement à la vie démocratique de l'Union ? Davantage, analyser la citoyenneté européenne conduit à s'interroger sur sa cohabitation avec la citoyenneté nationale qu'elle ne complète plus mais à laquelle elle « s'ajoute », selon la formulation adoptée par l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En fonction de la dimension dans laquelle elle s'inscrit, la notion de citoyenneté devient plurale et concerne tant, par exemple, du point de vue de l'Union européenne, le droit de circulation et de séjour et le droit de vote[3] que la soumission d'une initiative citoyenne[4] – cet instrument qui, selon la Commission européenne, permettrait aux citoyens « de mieux faire entendre leur voix » [5] – ou encore le droit à une bonne administration et à l'accès aux documents [6]. La citoyenneté sur le plan national se décline également à divers égards, comme en témoigne la récente instauration de la réserve civique par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté [7]. L'existence et l'exercice de ces droits permettent-ils effectivement au citoyen de s'exprimer ?

D'autre part, à côté de la traduction politico-juridique de la notion de citoyenneté, il importerait aussi de s'interroger sur ses autres formes d'expression. Rousseau, en tant qu'intermittent de la citoyenneté genevoise, a ainsi pu s'exprimer en ces termes : « Le seul avantage que me procura cet ouvrage [Discours sur l'inégalité], outre celui d'avoir satisfait mon cœur, fut le titre de citoyen, qui me fut donné par mes amis, puis par le public à leur exemple, et que j'ai perdu dans la suite pour l'avoir trop bien mérité »[8]. La citoyenneté permet ainsi non seulement de se rattacher à un groupe partageant des opinions et l'héritage d'une histoire commune mais aussi de s'en détacher. Rousseau considérait qu' « il y aura dans tous les temps des hommes faits pour être subjugués par les opinions de leur siècle, de leur pays, de leur société : tel fait aujourd'hui l'esprit fort et le philosophe, qui, par la même raison n'eût été qu'un fanatique du temps de la Ligue »[9]. Cette affirmation trouve-t-elle toujours écho dans nos sociétés contemporaines ? Les mouvements critiques qui ont su se développer depuis le début du XXIème siècle, en dehors des institutions, dans les milieux non seulement politiques mais aussi associatifs, culturels et artistiques, revêtent le plus souvent le qualificatif de citoyen. L'intérêt renouvelé pour les « citoyens ordinaires »[10] semble découler de la crise contemporaine de la démocratie représentative. La citoyenneté ordinaire pourrait également prévaloir sur la citoyenneté de type kantien et habermassien – transcendante et impersonnelle–, par le sens qu'elle donne à la notion de « vivre ensemble ». En témoignent le mouvement citoyen 15 M des Indignés qui dénonce, en Espagne et en Europe, le renoncement de la classe politique à défendre les idéaux des droits de l'homme ou, en France, le réseau de « l'Archipel citoyen » orienté vers des initiatives locales. Autant de facettes d'une citoyenneté « ordinaire » révélant les capacités des individus à formuler des jugements sur le bien commun, en marge des usages et des lieux « labellisés » par les approches classiques de la citoyenneté. « Citoyens » sont aussi des festivals (« Aux Arts citoyens », Villeneuve-sur-Lot), des séries télévisées ou les projets artistiques (« Les Arpenteurs – art citoyen ») réunissant des populations autour de thématiques emblématiques (la citoyenneté, l'écologie, les changements climatiques...) pour imaginer ensemble, co-créer, co-construire entre personnes de cultures et d'origines multiples, à l'échelle locale de la ville ou à plus grande échelle. Dans quelle mesure cette « citoyenneté ordinaire » constitue-t-elle un concept fécond dans un monde globalisé ? Si la citoyenneté démocratique se matérialise dans les pratiques par lesquelles les individus et les groupes formulent et revendiquent de nouveaux droits, ou luttent pour maintenir ou améliorer des droits existants, quelles modalités d'action privilégie-elle ? Dans quelle mesure engendre-t-elle la nécessité de quitter les lieux conventionnels, de faire évoluer les espaces géographiques, intersubjectifs, sociaux ? Partant, les institutions et organismes publics se trouvent-ils évincés/exclus des lieux où s'exerce et se pratique la citoyenneté ordinaire ?

Par conséquent, ces journées d'études permettraient d'approfondir les axes suivants :

- Le citoyen dans l'Etat, en tant que titulaire de droits politiques et/ou instrument de démocratisation,

- Le lien entre citoyenneté et acquisition de la nationalité,

- L'articulation des rapports entre citoyenneté européenne et citoyenneté nationale,

- Les rapports entre citoyenneté et identité,

- Les formes et finalités des initiatives citoyennes ordinaires,

- Les manifestations associatives et locales de la citoyenneté dans un contexte globalisé,

- La fonction sociologique ou anthropologique d'une citoyenneté ordinaire,

- L'évolution du concept de citoyenneté sous l'angle de la rhétorique des arts, la philosophie, l'étude des civilisations, la littérature française et étrangère,

- Les relations entre arts, littératures et citoyenneté,

- Le sujet citoyen à travers des représentations artistiques, littéraires, culturelles,

- Citoyenneté ordinaire et monde institutionnel : deux univers inconciliables ?

 

Appel à communication :

Les contributeurs sont invités à proposer leur communication (qui fera l'objet d'une publication) par l'envoi d'un résumé d'une longueur maximale de 2000 caractères espaces compris, hors bibliographie et comprenant un titre, ainsi qu'une courte biographie au comité d'organisation : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Les propositions devront être transmises avant le 28 février 2018. Les textes finalisés devront, quant à eux, nous parvenir le 30 juin 2018, en vue de la publication.

 

Comité d'organisation :

 

  • Cécilia BEAUDOIN, Doctorante en études latino-américaines, laboratoire ALTER, UPPA.
  • Tiphaine-Annabelle BESNARD, Doctorante en histoire de l'art, laboratoire ITEM, EA 3002, UPPA.
  • Adrienne BONNET, Doctorante en droit privé, laboratoire CDRE, EA 3004, UPPA.
  • Quentin GIRAULT, Docteur en droit public, laboratoire PDP, EA 1926, UPPA.

 

Comité scientifique :

  • Philippe CHAREYRE, Professeur des universités en histoire moderne, directeur du laboratoire ITEM, EA 3002, UPPA.
  • Damien CONNIL, Chargé de recherche au CNRS, UMR 7318 DICE - IE2IA, UPPA.
  • Sabine FORERO MENDOZA, Professeur des universités en esthétique et histoire de l'art contemporain, laboratoire ITEM, EA 3002, UPPA.
  • Dimitri LOHRER, Maître de conférences en droit public, laboratoire PDP, EA 1926, UPPA.
  • Julien MATTERN, Maître de conférences en sociologie, laboratoire PASSAGES, UMR 5319, UPPA.
  • Pascale PEYRAGA, Professeur des universités en langues et littératures romanes, laboratoire ALTER, UPPA.
  • Jean-Yves PUYO, Professeur des universités en géographie, chargé de mission Coopération transfrontalière, directeur de l'Ecole doctorale Sciences sociales et Humanités 481, directeur adjoint de l'UFR LLSHS, laboratoire PASSAGES, UMR 5319, UPPA.

 

Bibliographie :

  • BALIBAR Etienne, Nous, citoyens d'Europe ? Les frontières, l'Etat, le peuple, Paris : Ed. la Découverte, 2001, 322 p.
  • BERGER Mathieu, CEFAÏ Daniel et GAYET-VIAUD Carole (dirs.), Du civil au politique: ethnographies du vivre-ensemble, Bruxelles, Bern, Berlin : Peter Lang, 2011, 603 p.
  • BLONDIAUX Loïc, Le nouvel esprit de la démocratie: actualité de la démocratie participative , Paris : Seuil, 2008, 109 p.
  • CARREL Marion et FRANCE. PLAN URBANISME CONSTRUCTION ARCHITECTURE,La citoyenneté urbaine du point de vue des gouvernés: synthèse bibliographique, La Défense : Plan urbanisme construction architecture, 2007, 88 p.
  • CARREL Marion, NEVEU Catherine, ION Jacques et FRANCE. PLAN URBANISME CONSTRUCTION
  • ARCHITECTURE (dirs.), Les intermittences de la démocratie: formes d'action et visibilités citoyennes dans la ville , Paris : l'Harmattan, 2009, 310 p.
  • CARREL Marion et NEVEU Catherine (dirs.), Citoyennetés ordinaires: pour une approche renouvelée des pratiques citoyennes , Paris : Karthala, 2014, 328 p.
  • CARTER April, The political theory of global citizenship, London, New York : Routledge, 2001, viii+277.
  • CEFAÏ Daniel, Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l'action collective, Paris : La Découverte : MAUSS, 2007, 727 p.
  • CEFAÏ Daniel, CARREL Marion, TALPIN Julien, ELIASOPH Nina et LICHTERMAN Paul, « Ethnographies de la participation, Ethnographies of participation » , Participations, no 4, 11 décembre 2012, p. 7-48.
  • CENTRE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHES SUR L'ACTION PUBLIQUE ET LE POLITIQUE, épistémologie et sciences sociales, et CENTRE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE, L'ordinaire et le politique, Paris : Presses universitaires de France, 2006, 252 p.
  • CLARKE John, « Parler de citoyenneté : discours gouvernementaux et vernaculaires », Anthropologie et Société, vol. 33, no 2, 2009, p. 43-62.
  • CLARKE John, COLL Kathleen, DAGNINO Evelina et NEVEU Catherine, Disputing citizenship, Bristol : Policy Press, 2014, VIII+214.
  • DOUSSET Laurent, LA SELVE Elisabeth, ZASK Joëlle et GUYADER Frédérique, « Comment penser l'éthique dans la pratique en sciences sociales et humaines ? », Journal des anthropologues, no 136-137, 3 avril 2015, p. 253-271.
  • GAGNE Natacha et NEVEU Catherine, « Présentation : L'anthropologie et la « fabrique » des citoyennetés », Anthropologie et Sociétés, vol. 33, no 2, 2009, p. 7-24.
  • GARCES Marina, Un mundo común, Barcelona : Edicions Bellaterra, 2013 (Serie general universitaria, 131), 154 p.
  • GRAC (GROUPE RECHERCHE ACTION), ELIÇABE Rémi, GUILBERT Amandine, HAERINGER Anne-Sophie, LEMERY Yannis et OVERNEY Laetitia, Ressaisir la citoyenneté aux bords du politique: Expériences marginales et expériences instituées de participation politique à l'épreuve des projets de rénovation urbaine dans trois pays : Catalogne, France et Québec, [s.l.] : [s.n.], 2009.
  • ION Jacques, En finir avec l'intérêt général: l'expression démocratique au temps des ego, Vulaines sur Seine , Editions du Croquant, 2017, 88 p.
  • ION Jacques, S'engager dans une société d'individus, Paris : Armand Colin, 2012, 220 p. ION Jacques (dir.), L'engagement au pluriel, Saint-Etienne : Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2001, 228 p.
  • ISIN Engin Fahri (dir.), Democracy, citizenship and the global city, London : Routledge, 2000, x+319.
  • ISIN Engin Fahri, NYERS Peter et TURNER Bryan Stanley (dirs.), Citizenship between past and future, London, New York : Routledge, 2008, 165 p.
  • de MONTECLER Marie-Christine, « Vers l'adoption définitive du projet de loi Egalité citoyenneté », Dalloz actualité, 30 novembre 2016.
  • O'BYRNE Darren J., The dimensions of global citizenship: political identity beyond the nation-state , London, Portland : Frank Cass, 2003, x+282.
  • PLIAKOS Astéris, Citoyenneté, Répertoire droit européen, mars 2012 (actualisation août 2017).
  • POGGI Jérôme et HERS François, Faire art comme on fait société: les nouveaux commanditaires, Dijon : les Presses du Réel, 2013, 813 p.
  • ZASK Joëlle, Art et démocratie : peuples de l'art, Paris : Presses Universitaires de France, 2003, 220 p.
  • ZASK Joëlle, Participer : essai sur les formes démocratiques de la participation , Latresne : le Bord de l'eau, 2011, 326 p.

 



[1] . CIJ, Nottebohm, 6 avril 1955, Rec. CIJ, p.4.

[2] . Commission européenne, Rapport sur la citoyenneté de l'Union 2017 – Renforcer les droits des citoyens dans une Union du changement démocratique , 2017, p.6.

[3] . TFUE, article 20-2.

[4] . TFUE, article 24.

[5] . Commission européenne, Livre vert sur une initiative citoyenne européenne, 11 novembre 2009, COM/2009/0622 final.

[6] . Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Titre V.

[7] . Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, JORF n°0024, 28 janvier 2017.

[8] . J-J. Rousseau, Confessions, Livre VIII, in « Œuvres complètes », T. I, Gallimard, Paris, p.206.

[9] . J-J. Rousseau, Discours qui a remporté le prix à l'Académie de Dijon, en 1750 ; sur cette question, proposée par la même Académie : si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ? , Préface, in « Œuvres complètes », T. I, Gallimard, Paris, p. 463.

[10] . M. Carrel et C. Neveu (dirs.), Citoyennetés ordinaires: pour une approche renouvelée des pratiques citoyennes , Paris : Karthala, 2014, 328 p.