Appel à communication

Universités et Accès au droit dans l’espace francophone

4e colloque du Réseau des Cliniques Juridiques Francophones, Lomé, 6-7 mars 2018

Date limite le dimanche 15 oct. 2017

Organisé par la Faculté de Droit de l'Université de Lomé et la Clinique d'Expertise Juridiques et Sociale
Avec le soutien de la Fondation Anthony Mainguené

 

Lomé, les 6 et 7 mars 2018

 

Soumettre une proposition

 

Date limite d'envoi des propositions : 15 octobre 2017 (cf. indications en fin d'appel)

En 2017, le 3e colloque du Réseau des Cliniques Juridiques Francophones explora l'idée d'une dimension citoyenne des cliniques juridiques, dans une forme de réflexion socio-politique plus générale sur les liens entre l'Université et la Cité. Au centre de ce questionnement la figure du citoyen, ou plutôt du sujet de droit, dont la vie au sein de l'Etat est marquée du sceau juridique. Conscients que la notion d'accès au droit « désigne au plan symbolique la conquête de la citoyenneté, l'accès au statut de sujet de droit »[1], les organisateurs du colloque de Lomé ont ainsi choisi d'en faire le thème de cette 4e édition du colloque du Réseau.

Institutionnellement parlant, l' « accès au droit » est surtout accès à la justice, et les mécanismes mis en place se concentrent généralement sur le seul égal accès à un tribunal. Le 17 août 1789, Nicolas Bergasse affirmait devant l'Assemblée nationale française que « la justice est une dette de la société, et l'égalité exige que celui qui n'a rien puisse demander justice comme celui qui a »[2]. Toutefois, pour les plus démunis, l'accès gratuit à un avocat reste marginal, le plus souvent fondé sur la seule charité. En matière criminelle, c'est la Cour suprême des Etats-Unis qui a ouvert la première la voie, par son arrêt Gideon v. Wainwrightde 1963. En France[3] et au Québec[4], c'est en 1972 qu'a été créée l'aide judiciaire. En 1975, la Cour européenne des droits de l'Homme a reconnu de son côté le droit d'accès à un tribunal comme un droit protégé par la Convention[5].

A côté de cette problématique première de l'accès au juge, se développe celle plus générale de l'accès au droit. Comme souligné par Isabelle Sayn, ce passage de l'un à l'autre « induit un déplacement du point de vue »[6]. Si les avocats et les juges restent des acteurs importants, ils ne sont plus les acteurs exclusifs d'une question qui s'entend désormais au-delà de la seule activité juridictionnelle. Dans une forme de comblement d' « une distance sociale, culturelle mais aussi géographique »[7], l'accès au droit devient accès au monde juridique, sous toutes ses facettes : « aspect normatif (accès aux normes), aspect organique (accès aux autorités), ou aspect matériel (accès à une décision juste, ou conforme à la vérité) »[8].

En même temps qu'évolue le système institutionnel, évolue également la réflexion sur le droit comme objet social. Héritier des réalistes américains, le Mouvement critique du droit (Critical legal studies) se développe ainsi au début des années 1970 aux Etats-Unis et dans quelques bastions européens. Nombre des cliniques juridiques qui se créent outre-Atlantique durant le mouvement des droits sociaux s'inspirent de ce mouvement. En Europe, c'est également sur fond de critique de l'enseignement traditionnel du droit que se créent alors des boutiques du droit – ces formes de dispensaires juridiques où enseignants, professionnels voire étudiants offrent des conseils gratuits[9]. Au soutien de l'ouverture de sa boutique, le « Comité Action Droit » de Louvain mettait alors en cause « le rôle de la formation universitaire qui isole la technique juridique de la réalité sociale, comme science en soi sans rapport avec la réalité socio-économique »[10]. L'aide dans l'accès au droit devient ici un outil de redéfinition des pratiques d'enseignement du droit, d'un côté de l'Atlantique au sein des universités, de l'autre en dehors d'elles.

S'inspirant de manière plus ou moins consentie du système français, tant juridique qu'académique, l'Afrique francophone hérite des interrogations qui vont avec – qu'elles soient, ici et là, affichées ou passées sous silence. Malgré les efforts de ces dernières années, l'égal accès de tous à la justice et au droit ne semble pas être inscrit au rang des acquis. De plus, la récente crise économique mondiale n'a pas manqué de fragiliser l'engagement des Etats dans les mécanismes de solidarité. Cet état de choses a négativement impacté l'aide juridique dans de nombreux pays, le reléguant en priorité de seconde zone au meilleur des cas et pour vrai dire, aux oubliettes dans la plupart des cas. Côté académique, les universités de ces pays d'Afrique n'ont pas profité de la manne financière nord-américaine. Les fonds alloués par les grandes fondations étatsuniennes à l'évolution des méthodes d'enseignement du droit se sont concentrés sur les pays anglophones, comme ce fut le cas en Afrique du sud, en Tanzanie ou encore au Nigeria. Lomé et sa clinique juridique sont ainsi pionnières dans un domaine qui n'attend qu'à se développer.

Dans l'espace francophone, si nombre de sociologues, juristes et politistes ont fait de l'accès au droit leur objet d'étude, les recherches ne s'intéressent que rarement à la place des établissements d'enseignement supérieur. Conçues comme le lieu de réflexion sur le Droit et de formation des ses acteurs principaux – juges et « médiateurs »[11] – les Facultés de Droit peinent à repenser leur rôle au-delà de cette posture initiale. Pour autant, doivent-elles devenir le lieu d'un militantisme juridique, au risque de perdre cette « neutralité axiologique » chère à Max Weber ? Depuis quelques années, les cliniques juridiques sont devenues l'un des principaux points de focalisation d'un tel questionnement au sein de la Francophonie. A travers et au-delà des cliniques juridiques, ce colloque invite à penser le passage de l'accès au droit comme objet de recherche extérieur à l'Université à un sujet de réflexion interne sur la place de l'Université dans la communauté socio-politique.

 

Dans cette perspective, les organisateurs du colloque seraient heureux de recevoir des propositions de communication autour des quatre thématiques suivantes :

1 – Accès au droit : penser et définir les besoins et les réponses

L'objet de cette première thématique est de faire un point transdisciplinaire sur la recherche en matière d'accès au droit (anthropologie, droit, histoire, philosophie, psychologie, sociologie, sciences politiques…). Les propositions de communications viseront ainsi à interroger les différents modèles et pratiques, qu'ils soient institutionnels ou non.

Parmi les sujets possibles, les organisateurs ont pensé – de manière non limitative – à :

  • Accès au Droit, aux droits, aux normes et/ou aux tribunaux
  • Le non-recours au droit
  • A-t-on toujours besoin d'un médiateur entre l'individu et le droit ? La question de l'accessibilité du droit
  • Les initiatives d'aide à l'accès au droit visent-t-elles à « produire de nouveaux plaideurs en leur assurant une information et une formation » (approche institutionnelle « défensive ») ou s'agit-il « moins de former et d'informer que de modifier les perceptions et attitudes par rapport à la loi et à l'appareil judiciaire » (approche structurelle « offensive »)[12] ?
  • Accès au droit et à la justice : modèle du marché, modèle du service public universel
  • Les nouvelles formes d'accès à la règle juridique (dont la diffusion en ligne du droit)

 

2 – L'Université comme l'un des acteurs de l'accès au droit

Traditionnellement pensées en dehors des enjeux socio-politiques, les universités sont pourtant ancrées dans une telle réalité, que ce soit au plan local ou au plan national. Il est nécessaire de les penser comme l'un des acteurs du monde politique et juridique, notamment au travers de la question de l'accès au droit. Quel serait alors l'apport de l'Université, en tant que cadre de recherche et d'enseignement du droit, au renforcement de l'effectivité de l'accès au droit et à la justice ? Si l'on admet cet apport comme fondamental, comment préparer les étudiants à agir dans le sens d'un meilleur accès au droit ?

Parmi les sujets possibles, les organisateurs ont pensé – de manière non limitative – à :

  • Approche comparée des initiatives institutionnelles d'accès au droit
  • L'accès au droit en dehors des acteurs institutionnels : cliniques communautaires, boutiques de droit, neighbourhood justice centers, lawshops…
  • Quelle place pour la doctrine juridique dans l'accès au droit
  • Universités et avocats : quelles relations pour un meilleur accès au droit ?
  • L'accès au droit dans les parcours d'enseignement du droit
  • La recherche clinique, le chaînon manquant en sciences juridiques ?

 

3 – Cliniques juridiques et autonomisation des populations

Issu des réflexions sur les droits des femmes et des personnes handicapées, l' « autonomisation » (traduction de l' « empowerment ») est définie par la Banque mondiale comme « le processusvisant à améliorer la capacité des individus ou des groupes à faire des choix et à transformer ces choix en actions et résultats »[13]. Si le concept a pu être instrumentalisé sur la scène internationale[14], il est toutefois intéressant de voir qu'il véhicule une double approche, à la fois comme émancipation individuelle (autonomie individuelle) et comme transformation sociale (facteur d'autonomie réelle). Dans ce cadre, quel(s) rôle(s) peuvent jouer les cliniques juridiques, et surtout comment penser l'enseignement clinique du droit pour dépasser un rôle ponctuel proche de l'assistance et en faire un facteur d'autonomisation des populations ?

Parmi les sujets possibles, les organisateurs ont pensé – de manière non limitative – à :

  • Les limites de l'information juridique comme méthode d'accès au droit
  • Clinique juridique et « automédication » juridique[15]
  • Au-delà de l'accès au droit, l'autonomisation juridique
  • Quelle place pour le « client » dans l'activité des cliniques juridiques
  • Cliniques juridiques et « cause lawyering »
  • Cliniques juridiques et réformes institutionnelles

 

4 – Différentes formes de cliniques juridiques pour différentes formes d'accès au droit

L'enseignement clinique du droit comporte de nombreuses formes de mise en action, depuis l'activité d'information de particuliers au soutien juridique d'ONG, en passant par le Street Law, la médiation ou même la représentation directe d'individus devant les tribunaux (lorsque la loi le permet). Cette dernière thématique invite donc à penser la place des cliniques juridiques dans leur environnement socio-politique. Comment trouver un équilibre entre les besoins d'accès au droit et les contraintes pédagogiques de la formation juridique ?

Parmi les sujets possibles, les organisateurs ont pensé – de manière non limitative – à :

  • Cartographie critique des activités des cliniques juridiques
  • L'étudiant-clinicien plaideur, un modèle américain à encourager ?
  • Comment transformer des associations d'accès au droit en cliniques juridiques ?
  • Les cliniques juridiques, des ONG comme les autres ?
  • Cliniques juridiques et moyens alternatifs de résolution des conflits
  • Les cliniques interdisciplinaires (droit et psychologique, droit et sociologie…)

 

Renseignements pratiques :

  • Cet appel à communication s'adresse aux juristes, sociologues, philosophes, anthropologues, politologues, historien.ne.s, etc. qui s'intéressent à l'étude de l'accès au droit, à l'enseignement du droit et à la place de l'Université dans la société.
  • Les propositions de communications (maximum 500 mots) sont à poster sur le site dédié http://lome2018.sciencesconf.org avant le 15 octobre 2017 (Appel à communications => Envoyer une proposition). Les personnes seront informées de l'acceptation ou du refus de leur proposition pour le 31 octobre 2017. Il est important que ces propositions s'inscrivent dans l'une des thématiques du colloque, dans une démarche scientifique au-delà de la seule description des activités d'une clinique juridique donnée.
  • Le colloque sera suivi d'une publication au 2e numéro de la revue Cliniques Juridiques, revue internationale à comité de lecture (le 1er numéro est en cours de publication). L'acceptation d'une communication n'entraîne ainsi pas automatiquement publication auprès de la revue, mais fera l'objet d'un processus d'évaluation distinct.
  • Il est à noter que les frais de transport et/ou d'hébergement des intervenants ne sont pas pris en charge, les participants sont donc encouragés à rechercher du financement dans la mesure du possible au sein de leurs universités ou institutions respectives.En cas de difficulté à trouver un financement autonome, les propositions peuvent préciser si leur.s auteur.e.s nécessite.nt une aide pour participer au colloque. Certaines des propositions pourront faire l'objet d'un soutien financier de la part de l'organisation du colloque, dans les limites des budgets disponibles.

 


[1] Jacques Faget, « L'accès au droit : logiques de marché et enjeux sociaux », Droit et société, vol. 30-1, 1995,  p. 368.

[2] « Rapport par M. Bergasse sur l'organisation du pouvoir judiciaire, lors de la séance du 17 aout 1789 », reproduit dans Archives parlementaires, vol. 8-1, 1875, pp. 440-450, cité par Marie-Hélène Renaut, « L'accès à la justice dans la perspective de l'histoire du droit », Revue historique de droit français et étranger, vol. 78-3, 2000, p. 476.

[3] Loi n°72-11 du 3 janvier 1972 instituant l'aide judiciaire.

[4] Loi sur l'aide juridique (L.R.Q., chap. A-14) du 8 juillet 1972.

[5] CrEDH, 21 février 1975, Golder c. Royaume-Uni.

[6] Isabelle Sayn, « La place des outils procéduraux dans l'accès au droit et à la justice des plus pauvres », Droit et Pauvreté, Patrick du Cheyron et Didier Gélot (dir.), ONPES • DREES-MiRe 2007, p. 149.

[7] Jean-Paul Delevoye (médiateur de la République), « Préface », Droit et Pauvreté, Patrick du Cheyron et Didier Gélot (dir.), ONPES • DREES-MiRe 2007, p.7.

[8] Xavier Souvignet, « L'accès au droit, Principe du droit, principe de droit », Jurisdoctoria, n° 1, 2008, p. 25.

[9] Pierre Lascoumes, « Consultations juridiques et boutiques de droit, une critique en acte du droit et de la justice », Déviance et société, vol. 2-3, 1978, p. 252.

[10] Cité par Pierre Lascoumes, « Consultations juridiques et boutiques de droit, une critique en acte du droit et de la justice », Déviance et société, vol. 2-3, 1978, p. 252.

[11] Entendus comme tous ceux qui font le lien entre le droit et le justiciable, cf. Pierre Lascoumes, « Consultations juridiques et boutiques de droit, une critique en acte du droit et de la justice », Déviance et société, vol. 2-3, 1978,  p. 234.

[12] Pierre Lascoumes, « Consultations juridiques et boutiques de droit, une critique en acte du droit et de la justice », Déviance et société, vol. 2-3, 1978, p. 235

[13] Banque mondiale, « What is Empowerment? », Site internet de la Banque mondiale[http://bit.ly/dqIxkx].

[14] Cf. Anne-Emmanuèle Calvès « « Empowerment » : généalogie d'un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers Monde, n°200, 2009, pp. 735-749.

[15] Au sens des interrogations soulevées par Nicolas Molfessis, « La sécurité juridique et l'accès aux règles de droit », RTD civ, 2000, p. 662.