Appel à communication

John Stuart Mill et la révolution

Colloque international, Paris, 25-26 mai 2018

Date limite le mardi 31 oct. 2017

Organisatrices : Aurélie Knüfer (Université Paul Valéry – Montpellier) ; Ludmilla Lorrain (Université Paris 1 – Panthéon/Sorbonne).

 

Argumentaire

De la Révolution française au printemps des peuples de 1848, John Stuart Mill a beaucoup écrit sur les révolutions. Il est en ce sens un témoin précieux des bouleversements politiques de son siècle. Ainsi, bien que l'idée de révolution ne fasse à aucun moment l'objet d'un traitement systématique, la référence au phénomène révolutionnaire, du point de vue historique aussi bien que théorique, est omniprésente dans son œuvre, se rencontrant dans une diversité de textes de nature et d'intention différentes. Marque caractéristique de son époque, la révolution constitue en outre un matériau privilégié pour la constitution d'une philosophie de l'histoire. Pourtant, ces textes restent aujourd'hui encore très peu étudiés. L'objectif de ce colloque est donc d'engager une réflexion sur le statut de la révolution dans la pensée de Mill.

 

Mill sur la révolution, témoin ou acteur politique ?

Premièrement, il nous semble essentiel d'éclairer la portée de ses écrits du point de vue historique et politique. En ce sens, nous souhaiterions interroger le rôle du philosophe commentant la révolution. Il s'agira ainsi de se demander si Mill nous offre un point de vue original sur cette réalité, produisant au fil de ses écrits une véritable pensée de la révolution, ou bien si, au contraire, ses textes ne sont à comprendre que comme autant d'interventions ponctuelles, liées aux événements politiques, soutenant ou condamnant, au gré des circonstances, telle révolution mais pas telle autre. C'est donc plus largement le rôle de l'intellectuel dans les bouleversements politiques de son temps que nous souhaiterions interroger. La question de la visée des textes de Mill doit ainsi être posée. En effet, s'il est certain qu'il est un témoin précieux des révolutions, certains textes constituent néanmoins de véritables interventions théoriques, dont l'objet n'est plus seulement de commenter les révolutions, mais d'aider à les provoquer – le cas le plus évident étant celui des « Quelques mots sur la non-intervention » –, ou, au contraire, de les empêcher.

 

Utilité ou danger des révolutions ?

Ce faisant, les textes de Mill portant sur la révolution font état d'une ambivalence très nette, la question de son utilité apparaissant bien plus complexe à décider qu'on ne pourrait le croire au premier abord. C'est cette ambivalence que nous voudrions, dans un second temps, questionner. Dans ses écrits sur la révolution, Mill témoigne d'une attention profonde aux conditions dans lesquelles se produisent les révolutions, mettant en évidence qu'elles peuvent aussi bien générer le goût de la liberté chez un peuple, que conduire aux pires violences. Et cette ambivalence semble d'autant plus difficile à cerner que Mill affirme qu'une révolution, bien que produisant inévitablement des maux terribles à court terme, peut dans le même temps être le véhicule des plus grands bienfaits à long terme. Aussi peut-on se demander s'il existe un calcul permettant de décider à l'avance si une révolution est souhaitable ou non, si elle sera civilisatrice ou si, à l'inverse, si elle conduira le plus sûrement un peuple à retomber dans la « barbarie ».

En outre, si l'usage de la violence en politique est récusé de façon presque systématique, il apparaît parfois comme le seul moyen de faire accéder un peuple aux institutions libres. C'est ainsi que Mill souligne, dans un texte du 10 avril 1831 publié dans The Examiner, « The prospect of France » [In Collected Works of John Stuart Mill, éd. J.M. Robson, Toronto, University of Toronto Press, London, Routledge & Kegan Paul, 1963-1991, XXII, p. 296-297], que si la révolution est naturelle et nécessaire pour le peuple français, elle serait la pire des solutions pour les Britanniques. De la même manière, les mouvements de révoltes dans les colonies font l'objet de jugements divergents – la lutte irlandaise étant soutenue par Mill quand les révoltes indiennes ne sauraient être vues comme les prémisses d'une émancipation à venir. D'une situation à l'autre, d'un peuple à l'autre, le recours à la violence politique n'a donc pas le même statut. Dès lors, de cette multiplicité de positions, est-il possible de dégager des critères permettant de décider qu'une révolution est nécessaire ?

 

Une « science » des révolutions ?

C'est pourquoi nous aimerions finalement poser la question d'une possible « science des révolutions ». Intimement convaincu des risques liés au processus révolutionnaire, Mill a très tôt tenté de bâtir les outils conceptuels devant permettre de prévenir la violence politique, qu'elle se déploie dans l'espace théorique, comme justification du recours à la violence, ou dans la pratique même. L'enjeu était donc pour lui de faire en sorte que les réformes sociales s'accomplisse, la plupart du temps, sans la médiation de la violence révolutionnaire. Tel était d'ailleurs un des objets de l'éthologie qu'il entendait fonder dans le Système de logique (livre VI). La science des caractères individuels et collectifs qu'il entend bâtir peut être lue comme un outil garantissant la possibilité d'une transformation sociale sans usage de la violence, tout en permettant d'endiguer le problème de la contagion révolutionnaire. S'il nous semble que l'abandon de cette science tient à l'importance croissante qu'a pris aux yeux de Mill le principe de liberté, nous pouvons néanmoins interroger ce que cela nous dit de sa pensée de la révolution, comme phénomène imprévisible. Peut-être existe-t-il une part irréductible de la nature humaine, et particulièrement des collectifs, ne pouvant faire l'objet d'une théorisation. Il y aurait donc chez lui une réflexion sur la spontanéité des événements révolutionnaires, dont la prévention et la maîtrise ne sauraient être souhaitables.

En outre, l'abandon de cette science, ayant vocation à expliquer ce qui précède et ce qui suit une révolution, ne conduit pas à la disparition de l'étude du phénomène révolutionnaire, mais à un changement de perspective sur lui. En ce sens, il ne s'agit plus tant de la prévoir que d'être en mesure de lire ce dont elle est le signe. Nous voudrions ainsi interroger la réflexion de Mill depuis le point de vue d'une philosophie de l'histoire, qui lit la révolution comme un processus historique nous renseignant sur l'état d'avancement d'un peuple. Cela devrait ouvrir, en outre, un travail sur la bataille qu'a mené Mill contre l'explication des échecs de certains peuples à mener à bien leur révolution à l'aide d'arguments déterministes et racialistes.

 

Calendrier de l'appel à communication :

Les propositions de communications (résumé de 2500 signes), en français ou en anglais, sont à adresser par mail àCette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. et Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. avant le 31 octobre 2017. Elles devront mentionner adresse, discipline principale et affiliations.

Les réponses aux propositions seront envoyées au plus tard le 30 novembre 2017.