Justice et politique : quelles interactions ? - Acte 1 : Judiciarisation de la politique

Appel à communication

Justice et politique : quelles interactions ? - Acte 1 : Judiciarisation de la politique

Aix-en-Provence, Faculté de droit et de science politique - 17 et 18 octobre 2024

Date limite le lundi 20 mai 2024

XVIe et XVIIe Journées d'études de l'UMR DICE (7318) - 2024 et 2025

 

Acte 1 - Judiciarisation de la politique

Aix-en-Provence, Faculté de droit et de science politique - 17 et 18 octobre 2024

 

 

Chaque année, l'UMR DICE organise une journée d'études permettant à ses membres, mais également à des collègues extérieurs et à des professionnels, de se rencontrer et discuter sur un sujet reflétant l'identité plurielle du laboratoire et des centres de recherches qui le composent. Cette journée privilégie tant l'échange des points de vue et les regards croisés que la communication intergénérationnelle en favorisant la participation des jeunes chercheurs.

Les deux prochaines journées de l'UMR DICE auront lieu à Aix-en-Provence (en 2024) et Toulon (en 2025) et seront consacrées au thème « Justice et politique : quelles interactions ? »

Nous avons décidé de scinder cette problématique en deux journées : l'Acte 1, consacré à la « Judiciarisation de la politique », se tiendra à Aix-en-Provence en 2024. L'Acte 2, consacré à la « Politisation de la justice », se tiendra à Toulon en 2025.

 

Cet appel à contributions concerne l'Acte 1.

 La journée d'études organisée à Aix-en-Provence les 17 et 18 octobre 2024 est placée sous la direction scientifique d'Audrey Bachert-Peretti, Maître de conférences en droit public, de Caterina Severino, Professeur de droit public et d'Eve Truilhé, Directrice de recherches au CNRS.

Comité scientifique : Olivier Lecucq, Romain Le Boeuf, Estelle Brosset et Guillaume Payan, Professeurs de droit, public et privé, au sein de l'UMR.

Les participants seront accueillis par les deux équipes aixoises de l'UMR : le CERIC (Centre d'études et de recherches internationales et communautaires) et l'ILF-GERJC (Institut Louis Favoreu-Groupe d'études et de recherches sur la justice constitutionnelle) qui organisent cette journée.

Candidature : Les propositions de contribution, d'une à deux pages, devront être adressées à Madame Donia Landoulsi, secrétaire générale de l'UMR DICE, par courrier électronique : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Date limite de réponse : le lundi 20 mai 2024.

 

Présentation de la thématique des deux journées

Les dénonciations d'une politisation de la justice se multiplient ces dernières années, en France mais aussi à l'étranger, accusant les juges d'utiliser leur office pour interférer indûment avec les choix démocratiques des citoyens. Dans l'Hexagone, plusieurs affaires récentes ont pu être mobilisées pour illustrer la charge : « Murs des cons » en 2013, « Penelopegate » et affaire Fillon en 2017, perquisitions dans les locaux de LFI en 2018, ou encore condamnations récentes de Nicolas Sarkozy ou de certains dirigeants du Front National. On pourrait multiplier les exemples à l'envi. Les juges auraient ainsi un agenda politique qu'ils mettraient en œuvre à travers l'exercice de leurs prérogatives, en violation du principe de séparation des pouvoirs et au détriment de la démocratie.

Moins féroces, les analyses d'un phénomène de judiciarisation de la politique, au sens de montée en puissance des juges et du traitement contentieux de diverses problématiques, ne sont pas pour autant dépourvues de tout ton critique. Le récent rapport d'information du Sénat intitulé La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l'Etat de droit ? une mise en question de la démocratie représentative ? de 2022 en témoigne.

Face à de telles accusations, la question des rapports et des interactions entre justice et politique mérite d'être à nouveau examinée. Si elle n'a rien de nouveau, le contexte contemporain ravive son intérêt et l'importance de l'envisager de manière dépassionnée. Loin des usages, eux- mêmes politiques, de termes de « politisation de la justice » et de « judiciarisation de la politique », la journée d'études propose d'appréhender ces deux expressions de manière analytique pour saisir et rendre compte des influences réciproques entre justice et politique.

Un premier temps permettra de travailler sur ce que fait la justice à la politique pour conceptualiser la judiciarisation de la politique, quand un second temps conduira à s'interroger sur le concept de politisation de la justice en étudiant ce que peut faire le politique à la justice.

 

L'acte 1 consacré à La judiciarisation de la politique, qui se tiendra à Aix-en-Provence les 17 et 18 octobre 2024, pourra être appréhendé à travers plusieurs phénomènes qui permettent de mettre en lumière le degré d'intervention du juge sur des questions politiques.

Pourront ainsi être analysées les influences de la justice constitutionnelle sur les équilibres institutionnels des régimes politiques et sur la forme de l'Etat, les conséquences de la pénalisation de la responsabilité des gouvernants, au niveau national mais aussi international, ou encore la possibilité pour la justice transitionnelle d'être un outil de pacification des conflits.

La question de l'usage politique des différents types de contentieux ne saurait non plus être négligée. Les exemples contemporains sont nombreux, en matière environnementale et sociale, ou encore en vue d'assurer la protection des peuples autochtones. Plus largement, on pourra réfléchir aux nouvelles stratégies contentieuses des requérants, notamment des associations, des ONG et des groupes d'intérêts. On pourra également penser à l'instrumentalisation d'affaires judiciaires pour évincer des opposants politiques, tout particulièrement en Amérique latine mais aussi au-delà, ou encore pour obtenir par la voie judiciaire ce qu'on n'a pas pu obtenir dans l'arène parlementaire. En ce sens, la stratégie du mouvement conservateur américain apparaît comme une illustration extrêmement éclairante et la question de l'indépendance catalane offre un cadre d'analyse particulièrement riche.

En définitive, ces différentes hypothèses conduisent plus largement à s'interroger sur la place du juge dans nos sociétés contemporaines : est-il avant tout un contrepouvoir, un obstacle contre- majoritaire à une éventuelle tyrannie de la majorité ou apparaît-il comme un gouvernant à part entière, voire comme un complice de la majorité au pouvoir ?

En contrepoint, il sera possible de se demander si certaines hypothèses témoignent d'un refus du juge de s'engager sur des controverses politiques. Dans cette perspective, les théories relatives à la nécessaire déférence ou retenue juridictionnelle et la mobilisation de concepts tels ceux des political questions aux Etats-Unis ou des actes de gouvernement en France et à l'étranger offrent des pistes de réflexion pertinentes.

Au-delà, on pourra analyser la multiplication contemporaine des procès fictifs et la montée en puissance de la justice du peuple, ce phénomène engageant à s'interroger sur l'utilisation des apparats de la justice et sur la mobilisation du répertoire de l'action contentieuse en dehors de la justice officielle pour renforcer la légitimité de certaines causes.

 

Un appel à contributions distinct sera publié s'agissant de l'Acte 2 consacré à la politisation de la justice (Toulon en 2025), mais il est d'ores et déjà possible d'identifier quelques pistes de réflexion.

Il s'agira d'abord, d'étudier les différents paramètres qui déterminent l'influence des politiques sur les juridictions. On pensera évidemment aux procédures de nomination de leurs membres et à leur composition. Plus largement, pourront également être examinés tant les garanties statutaires des juges que les différents moyens de neutralisation ou d'influence des politiques sur ces derniers, qu'il s'agisse des limogeages, des révocations, des modifications ou des gels des salaires des juges, mais aussi des discours politiques, négatifs ou positifs, sur les juges, les juridictions, l'indépendance de la justice. La question de la transformation de la composition, des compétences ou du fonctionnement des juridictions aura également toute sa place. Certains exemples étrangers, tels que les cas polonais, hongrois ou israélien, ne manqueront pas d'offrir des cadres d'analyse particulièrement stimulants.

 Ensuite, la question des droits et des devoirs des juges tels que leur éventuelle syndicalisation, la portée de leurs libertés d'expression, d'association et de manifestation, ou, inversement, leur éventuel devoir de réserve pourra être examinée.

Au-delà, il sera possible d'envisager les différents mécanismes de neutralisation de la justice, tels que les grâces et les amnisties. De la même manière, les différentes immunités et privilèges de juridictions pourront être analysés en ce qu'elles conduisent à traiter hors de la justice ordinaire certaines questions. Ainsi, c'est l'indépendance de la justice qui pourra être soumise à examen, tant dans son principe que dans ses mises en œuvre et remises en cause contemporaines.

De manière plus générale, les facteurs pouvant favoriser tant la politisation de la justice que la judiciarisation de la politique pourront être envisagés. Il sera ainsi possible de s'interroger sur ses causes, telles que la montée en puissance de l'individualisme ou l'inertie, voire la perte de légitimité contemporaine, des processus démocratiques et même l'impact des crises les plus récentes, sécuritaire ou sanitaire. Pourront également être analysés les mécanismes qui favorisent ces phénomènes, qu'on pense aux méthodes d'interprétation du juge, à la nature du contrôle - abstrait ou concret - qu'il opère, à l'orientation - plutôt procédurale ou substantielle - du contentieux, ou encore au recours à l'expertise, aux tierces interventions et aux amicii curiae. Enfin, une réflexion sur les conséquences de la politisation de la justice et de la judiciarisation de la politique pourra être menée. En effet, ces deux phénomènes révèlent la tension inhérente aux Etats de droit, libéraux et démocratiques, contemporains qui adhèrent à des principes contradictoires et doivent donc constamment travailler la question de leurs équilibres.